LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ M. X..., demeurant ... au Cap Brun, Toulon (Var), agissant en sa qualité de syndic de l'Entreprise Gnesotto, dont le siège est route de l'Union à Fort-de-France (Martinique),
2°/ L'Entreprise Gnesotto, dont le siège est route de l'Union à Fort-de-France (Martinique), représentée par son syndic, M. X...,
en cassation d'un arrêt rendu le 30 septembre 1988 par la cour d'appel de Fort-de-France, au profit du Syndicat intercommunal étude programme aménagement de la région de Grenoble (SIEPARG), dont le siège est ...,
défendeur à la cassation ; Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 avril 1990, où étaient présents :
M. Defontaine, président, M. Vigneron, rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Vigneron, les observations de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de M. X..., ès qualités, et de l'Entreprise Gnesotto, de la SCP Boré et Xavier, avocat du Syndicat intercommunal étude programme et aménagement de la région de Grenoble (SIEPARG), les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur les deux moyens réunis, pris en leurs diverses branches :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 30 septembre 1988), que le syndic du règlement judiciaire de la société Etablissements Gnesotto (la société) a demandé que soit déclarée inopposable à la masse des créanciers la promesse de vente de terrains consentie postérieurement à la date de cessation des paiements au Syndicat intercommunal étude programme et aménagement de la région de Grenoble (SIEPARG) ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande au motif que le prix de cession était normal, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il ne résulte pas des écritures d'appel du SIEPARG que celui-ci se soit prévalu d'une vente Dictenic d'avril 1985, ni de la hausse rapide du coût de la vie à cette époque ; qu'en se fondant ainsi sur des éléments pris hors du débat, la cour d'appel a violé l'article 7 du nouveau Code de procédure civile ;
alors, d'autre part, que, s'agissant de la détermination de la valeur d'un immeuble, la référence indiciaire au coût de la vie était totalement inopérante ; que l'arrêt est à cet égard dépourvu de toute base légale au regard de l'article 29, alinéa 2-2°, de la loi du 13 juillet 1967 ; alors qu'en outre, l'appréciation du déséquilibre notable des obligations réciproques conclues dans un contrat commutatif en période suspecte ne peut se faire qu'à partir de données précises et comparables ; qu'en se contentant d'établir un "prix moyen" à partir de parcelles dotées d'accessibilité et de viabilité distinctes, ne correspondant pas pour certaines aux caractéristiques de la parcelle litigieuse attestées par des certificats d'urbanisme délaissés, la cour d'appel a privé ici encore sa décision de toute base légale au regard de l'article 29, alinéa 2-2°, de la loi du 13 juillet 1967 ; et alors, enfin, qu'en adoptant les motifs des premiers juges, selon lesquels il n'y avait pas lieu de prendre en considération la dépréciation du surplus de la propriété de l'Entreprise Gnesotto, amputée par la cession litigieuse de son accessibilité et de sa viabilité, le syndic n'ayant qu'à soutenir que l'état d'enclave ainsi provoqué "n'existe pas" vis-à-vis du SIEPARG, la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles L. 13-13 et suivants du Code de l'expropriation, et, ensemble, celles précitées de la loi du 13 juillet 1967 ; qu'il est ensuite reproché à la cour d'appel, saisie subsidiairement sur le fondement de l'article 31 de cette loi, d'avoir déclaré non établies à la fois la connaissance par le SIEPARG de l'état de cessation des paiements de la société, et l'existence d'un préjudice causé à la masse par l'opération ; alors, au surplus, que le syndic se prévalait, dans ses conclusions d'appel demeurées à cet égard sans réponse, de ce que le SIEPARG avait émis un chèque antidaté de plusieurs mois, du propre avis du SIEPARG, ce qui conférait un caractère manifestement délictueux aux agissements dénoncés ; que l'arrêt est sur ce point dépourvu de motif, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que le préjudice invoqué par le syndic tenait, non seulement au caractère lésionnaire de la promesse de vente litigieuse, mais encore à la dépréciation occasionnée à l'ensemble de la propriété Gnesotto par cette promesse, et donc la quasi-disparition du gage des créanciers ; qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé les conclusions dont elle était saisie et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu, en premier lieu, que les juges d'appel ne se sont pas référés à des éléments étrangers à l'instance, mais se sont fondés sur les données comparatives qui leur avaient été soumises et dont, sans se limiter à la prise en considération d'un prix moyen, ils ont apprécié la portée pour décider, dans
l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, que le prix convenu de la
vente était normal ; Attendu, en second lieu, que c'est par une décision motivée et sans méconnaître l'objet du litige qu'ils ont décidé que l'acte litigieux n'avait pas causé de préjudice aux créanciers de la société et que le SIEPARG n'avait pas alors connaissance de l'état de cessation des paiements de cette dernière ; Que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;