Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 mai 1988), que les consorts Y... ont vendu à M. X..., par actes des 27 novembre 1980 et 14 avril 1981, un appartement dont M. Z... était locataire, sans notifier la vente à ce dernier ; que celui-ci assigna, le 11 juin 1982, ses bailleurs et l'acquéreur pour faire juger que la vente lui était consentie par substitution à M. X... ; que les consorts Y... ont appelé en garantie des condamnations susceptibles d'être prononcées contre eux la société civile professionnelle notariale qui avait reçu l'acte et qui avait, le 26 août 1982, adressé à M. Z... un projet d'acte de vente de l'appartement, par l'acquéreur au locataire ; qu'en cours de procédure, les notaires, qui soutenaient que M. Z... refusait la substitution et ne poursuivait qu'un but spéculatif, versèrent aux débats une note établie par M. Z..., transmise par son avocat à l'office notarial, et aux termes de laquelle le locataire déclarait ne pouvoir accepter la revente proposée, envisageant par contre un accord avec M. X... contre une indemnité ;
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de l'avoir déclaré déchu de son droit de substitution par application de la loi du 31 décembre 1975, modifiée par l'article 81 de la loi du 22 juin 1982, alors, selon le moyen, " 1°/ que, selon l'article 82 de cette loi, les dispositions de son article 81, qui a modifié l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, ne portent pas atteinte à la validité des ventes antérieurement conclues ; que ce texte est donc sans application aux ventes conclues avant son entrée en vigueur, qu'en déclarant ce texte applicable aux instances en cours, la cour d'appel a violé l'article 2 du Code civil et l'article 82 de la loi du 22 juin 1982, et alors, 2°/ que, dans sa rédaction résultant de la loi du 4 janvier 1980, l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 dispose que, lorsque la vente a été conclue en violation de son droit de préemption, le locataire peut déclarer se substituer à l'acquéreur, aucune disposition ne prévoyant la déchéance de l'exercice de ce droit de substitution faute de réalisation de la vente dans un certain délai ; qu'ayant admis que, en l'absence de toute notification d'une offre de vente au locataire, la vente ne satisfaisait pas aux exigences de la loi du 31 décembre 1975, la cour d'appel devait nécessairement en déduire que M. Z... pouvait exercer son droit de substitution à l'acquéreur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu la portée de ses propres énonciations, et violé l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1980 " ;
Mais attendu que la loi nouvelle régissant immédiatement les effets des situations juridiques non définitivement réalisées, ayant pris naissance avant son entrée en vigueur, la cour d'appel, qui n'a pas porté atteinte à la validité d'une vente conclue antérieurement à la loi du 22 juin 1982 et qui était saisie d'une contestation relative à la mise en oeuvre du droit de préemption institué par la loi du 31 décembre 1975, a justement déclaré applicables aux procédures en cours les modifications apportées à cette loi ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 10-I de la loi du 31 décembre 1975, modifié par la loi du 22 juin 1982 ;
Attendu que pour déclarer M. Z... déchu du droit de substitution dans la vente consentie par les consorts Y... à M. X..., l'arrêt, après avoir relevé que le projet d'acte adressé à M. Z... est celui d'une revente par M. X... et ne fait pas apparaître la substitution d'acquéreur, retient que le fait, par le locataire, de prendre l'initiative de réclamer le bénéfice de la substitution avant toute notification de l'acte de vente, au prix stipulé dans ledit acte, et de faire ainsi une offre ferme d'achat, rend sans objet les formalités et délais prévus, pareil comportement impliquant que ce locataire a eu connaissance des conditions de la vente et qu'il a été en mesure de prendre parti avant le délai légal de protection, qu'il appartenait à M. Z... dans les deux mois ou les quatre mois au plus de l'assignation sollicitant la substitution et portant offre d'achat, de faire toutes diligences pour réaliser la vente, alors que rien ne l'empêchait d'y parvenir en l'état de l'attitude prise par les consorts Y... et X... et que le fait d'avoir choisi la voie judiciaire ne pouvait suffire à proroger ces délais ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les consorts Y... avaient vendu à M. X... l'appartement loué à M. Z... sans respecter aucune des dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, ce qui plaçait les rapports du bailleur et du locataire hors des prévisions du deuxième et du troisième alinéas de l'article 10-I de la loi du 31 décembre 1975, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 1988, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes