LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize février mil neuf cent quatrevingtdix, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ZAMBEAUX, les observations de la société civile professionnelle WAQUET et FARGE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LECOCQ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
X... Gilbert,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE du 27 septembre 1989 qui l'a renvoyé devant la cour d'assises sous l'accusation de meurtre et délits connexes ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 92, 106, 107 et 121 du Code de procédure pénale, ensemble 206 et 593 du même Code, manque de base légale " en ce que l'arrêt attaqué a omis de prononcer d'office la nullité du procès-verbal de transport sur les lieux dressé le 17 septembre 1987 (pièce cotée D. 135) et de toute procédure subséquente ;
" alors que la chambre d'accusation aurait dû annuler d'office ce procèsverbal qui, au lieu de se borner à des constatations ou à des vérifications matérielles, contient de très nombreuses déclarations des inculpés, qui n'ont pas été reçues dans les formes prescrites aux articles 103, 106 et 107 du Code de procédure pénale ; qu'en omettant de reconnaître le vice qui affectait cette pièce et de prononcer la nullité de celleci et de la procédure subséquente, la chambre d'accusation n'a pas justifié sa décision " ;
Attendu que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que les mentions portées sur le procès-verbal de transport du 18 septembre 1987 ne constituent que des commentaires des opérations de reconstitution telles que concrétisées par les clichés photographiques auxquels ils se réfèrent ; que les indications concernant des propos tenus par divers inculpés ne présentent pas le caractère d'interrogatoires et n'excédent pas l'objet de la reconstitution destinée à établir les circonstances des faits reprochés aux inculpés par la vérification des constatations matérielles ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur les deuxième et troisième moyens de cassation réunis et pris de la violation des articles 157, 160, 172, 206 et 591 du Code de procédure pénale ;
" Sur le deuxième en ce que l'arrêt attaqué a omis de prononcer la nullité des opérations d'expertise confiées par ordonnance en date du 12 août 1987 (pièce cotée D. 173) à Y... et Z..., ce dernier étant expert non inscrit sur la liste de la cour d'appel ni sur la liste nationale établie par la Cour de Cassation ;
" alors que lorsqu'une expertise est confiée à un expert non inscrit sur l'une de ces listes, l'ordonnance le désignant doit être spécialement motivée ; qu'en l'espèce, l'ordonnance désignant Z..., expert non inscrit, pour procéder à un examen des opérations de reconstitution des faits et tenter de déterminer l'emplacement du ou des tireurs, la distance des tirs, le nombre des coups tirés ainsi que les caractéristiques des armes et munitions utilisées, ne comporte aucun motif ; que dès lors, la chambre d'accusation se devait de prononcer la nullité de cette ordonnance et de la procédure subséquente " ; " le troisième en ce que l'arrêt attaqué a omis de prononcer la nullité des opérations d'expertise confiées par ordonnance en date du 24 mai 1988 (pièce cotée D. 198) à A... et B..., ce dernier étant expert non inscrit sur la liste de la cour d'appel, ni sur la liste nationale établie par la Cour de Cassation ;
" alors que lorsqu'une expertise est confiée à un expert non inscrit sur l'une de ces listes, l'ordonnance le désignant doit être spécialement motivée ; qu'en l'espèce, l'ordonnance désignant B..., expert non inscrit, pour procéder à une expertise balistique et tenter de déterminer les caractéristiques des armes et munitions utilisées, ne comporte aucun motif ; que dès lors, la chambre d'accusation se devait de prononcer la nullité de cette ordonnance et de la procédure subséquente " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 157 du Code de procédure pénale, les experts sont choisis, soit sur une liste nationale établie par le bureau de la Cour de Cassation, soit sur l'une des listes dressées par les cours d'appel ; qu'à titre exceptionnel les juridictions peuvent choisir, par décision motivée, des experts ne figurant sur aucune de ces listes ;
Attendu qu'il résulte de l'examen des pièces de la procédure que par ordonnances des 12 août 1987 et 24 mai 1988 le juge d'instruction a désigné pour procéder à des expertises portant sur des armes et en matière balistique, d'une part Y... et Z..., d'autre par A... et B... ; que ces experts ont déposé leurs rapports ;
Que si Y... et A... étaient inscrits sur l'une des listes prévues par l'article 157 du Code de procédure pénale, il n'en n'était pas de même de Z... et B... ; que cependant le juge d'instruction n'a pas motivé les choix exceptionnels auquel il procédait ;
Attendu que le magistrat instructeur a ainsi méconnu le caractère substantiel de l'article 157 précité qui a pour objet de garantir la valeur de l'expertise ; que dès lors en s'abstenant d'examiner, ainsi que l'article 206 du Code de procédure pénale lui en faisait l'obligation, la régularité de la procédure qui lui était soumise en application de l'article 181 du même Code et en omettant de constater, fûtce d'office, la nullité des expertises ordonnées les 12 aôut 1987 et 24 mai 1988 et de tirer de ces constatations les conséquences légales qu'elles comportaient, la chambre d'accusation a violé lesdites dispositions ;
D'où il suit que les moyens doivent être accueillis ;
Par ces motifs ;
CASSE et ANNULE en ses dispositions relatives à Gilbert X... l'arrêt de la chambre d'accusation d'AixenProvence du 27 septembre 1989 et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi dans les limites de la Cassation prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents :
M. Berthiau conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché ; M. Zambeaux conseiller rapporteur, MM. Dardel, Dumont, Fontaine, Milleville, Alphand, Carlioz conseillers de la chambre,
Mme Guirimand conseiller référendaire, M. Lecocq avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.