LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize février mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller DUMONT, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LECOCQ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
X... Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS (4ème chambre) en date du 7 mars 1989 qui, pour infractions au Code de la santé publique, l'a condamné à une amende de 20 000 francs dont 10 000 francs avec sursis ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale, L. 596, L. 599 et R. 5114-1 du Code de la santé publique,
" en ce que la cour d'appel a déclaré Jacques X..., directeur général de la CERP, coupable d'avoir laissé fonctionné la succursale de Saint-Quentin sans pharmacien responsable, ;
" au motif qu'il a été constaté par le pharmacien-inspecteur de la santé, à l'occasion d'une inspection le 14 octobre 1986, que depuis le 15 septembre 1986, la succursale de Saint-Quentin de la Coopérative d'Exploitation et de Répartition Pharmaceutiques, dont le siège est à Rouen fonctionnait sans le concours obligatoire d'un pharmacien assistant responsable après le départ de M. Jean Y..., qui était l'unique pharmacien de cette agence ; que cette situation était contraire aux dispositions des articles L. 596 alinéa 3 et L. 599 du Code de la santé publique ; qu'ensuite la présence de M. Z..., qui venait un jour par semaine à l'agence de Saint-Quentin n'était pas suffisante car l'obligation de présence d'un pharmacien responsable se trouve nécessairement exprimée de façon implicite dans l'article R. 5114-1 du Code de la santé publique, dont les dispositions n'ont pas été respectées par Jacques X... ;
" alors d'une part qu'il était constant que M. Z... pouvait exercer les fonctions de pharmacien responsable directeur technique de la succursale de Saint-Quentin et qu'il avait été inscrit en cette qualité au tableau de la section D de l'Ordre des pharmaciens au titre de l'alinéa 3 de l'article L. 596 du Code de la santé publique ; que X... avait donc satisfait aux obligations qui lui incombaient, en sa qualité de directeur général, en vertu de l'article L. 596 précité, de sorte que le défaut de présence permanent de Z... dans la succursale de Saint-Quentin ne pouvait engager la responsabilité pénale de X... ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors d'autre part que selon l'article R. 5114-1 du Code de la santé publique, " le pharmacien fabricant, grossiste répartiteur ou dépositaire doit exercer personnellement sa profession, tout acte pharmaceutique doit être effectué sous la surveillance d'un pharmacien qui a rempli les formalités prévues à l'article L. 514 du Code de la santé publique " ; qu'il ne résulte pas de cette disposition, non plus que d'aucune autre, que le pharmacien responsable d'une succursale d'un établissement de vente en gros de produits pharmaceutiques soit assujetti à une obligation de présence permanente dans la succursale ; qu'il est satisfait aux prescriptions de l'article L. 596 dès lors que la direction technique est assurée de façon effective par un pharmacien, même si celui-ci n'assure pas une présence physique constante dans la succursale, que dès lors en statuant comme elle l'a fait sans rechercher si M. Z..., pharmacien, n'assurait pas la direction technique effective de la succursale de Saint-Quentin, non seulement par sa présence un jour par semaine, mais encore par les contacts permanents qu'il pouvait avoir avec cette succursale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Jacques X..., pharmacien et directeur général d'un établissement de vente en gros et de distribution de médicaments et produits pharmaceutiques, a été poursuivi notamment pour avoir, d'octobre 1986 à mai 1987, laissé fonctionner une succursale de cet établissement sans que la direction technique en soit assurée par un pharmacien assistant, comme l'exige l'article L. 596 alinéa 3 du Code de la santé publique ; qu'il a été déclaré coupable par le tribunal ;
Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, la juridiction du second degré énonce, d'une part, qu'après le départ le 15 septembre 1986 du pharmacien assistant responsable de la succursale, celui-ci n'a pas été remplacé avant le 20 octobre 1986 ; que, d'autre part, à partir de cette dernière date son remplaçant n'a pendant la période visée par la prévention exercé qu'une présence insuffisante, un jour par semaine, pour assurer la direction technique de ladite succursale ; qu'à cet égard elle a considéré que les dispositions de l'article R. 5114-1 dudit Code, qui prévoient que tout acte pharmaceutique doit être effectué sous la surveillance effective d'un pharmacien, impliquaient la présence constante de ce dernier ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs la cour d'appel a légalement justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 596 alinéa 3 susvisé que le pharmacien responsable de l'établissement est solidairement responsable avec le directeur technique de la succursale de l'application dans cette dernière des règles édictées dans l'intérêt de la santé publique ; qu'en outre les juges ont souverainement apprécié que le pharmacien nommé pour diriger la succursale n'assurait qu'insuffisamment cette direction ; Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale, L. 629, R. 5165, R. 5190 et 5199 du Code de la santé publique ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'infraction aux dispositions législatives et réglementaires concernant l'acquisition, la détention et la cession de substances classées comme stupéfiants ;
" aux motifs qu'en laissant l'agence de Saint-Quentin sans pharmacien responsable, X... avait laissé cette succursale sans pharmacien titulaire de l'autorisation exigée par l'article R. 5165 du Code de la santé publique pour assurer l'acquisition, la détention et la cession de substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants ; que pendant la période d'absence de pharmacien assistant, la succursale de Saint-Quentin a effectué de façon constante des délivrances de stupéfiants dans des conditions irrégulières consistant à tolérer que les pharmaciens d'officine ne remettent pas les deux volets foliotés lors de leurs commandes et ne reçoivent pas le deuxième volet dès qu'ils étaient livrés ; que ces irrégularités sont le résultat d'une méconnaissance certaine des dispositions de l'article R. 5199 du Code de la santé publique ;
" alors d'une part qu'il était constant que M. Z..., agissant en qualité de pharmacien responsable du directeur technique de l'agence de Saint-Quentin, avait demandé et obtenu l'autorisation d'acheter, de détenir et de répartir des spécialités médicales inscrites au tableau B, conformément aux dispositions des articles R. 5165 et R. 5190 du Code de la santé publique ; que dès lors, en affirmant que la succursale de Saint-Quentin s'était trouvée sans pharmacien titulaire de l'autorisation prévue par l'article R. 5165, la cour d'appel a violé par refus d'application les textes susvisés ;
" alors d'autre part que selon l'article R. 5199 du Code de la santé publique, " les achats de substances du tableau B par un pharmacien d'officine ne peuvent être effectués que... sur remise par le pharmacien de deux volets foliotés, extraits d'un carnet à souches... (le second volet) est renvoyé par le vendeur à l'acheteur... " ; que ce texte n'exige ni que les deux volets foliotés (dits " bons de toxiques ") soient remis avec la commande et avant la livraison, ni que le renvoi du second volet soit concommittant à la livraison, que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si l'omission de remise des volets foliotés par les pharmaciens et le défaut de renvoi à ces derniers du second volet avait un caractère définitif ou si au contraire ils n'avaient pas leur justification dans les délais imposés par les circonstances et les usages courants de la profession, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés " ;
Attendu que Jacques X... était également poursuivi du chef d'infraction aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'acquisition, à la détention et à la cession par un pharmacien de produits classés comme stupéfiants pour avoir, en premier lieu, laissé la succursale procéder à la délivrance de stupéfiants malgré l'absence d'une personne physique titulaire d'une autorisation ministérielle et, en second lieu, pour avoir laissé livrer des stupéfiants sans que soient respectées les prescriptions de l'article R. 5199 du Code de la santé publique relatives aux volets foliotés extraits d'un carnet à souches ; qu'il a été déclaré coupable ;
Sur le moyen pris en sa première branche ;
Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, la jurdiction du second degré, relève que la succursale avait fonctionné sans directeur technique du 1er au 20 octobre et que le pharmacien nommé à partir de cette date n'avait obtenu l'autorisation ministérielle exigée par l'article R. 5190 dudit Code que le 12 décembre 1986 ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs d'où il résulte qu'il avait été procédé à la vente de stupéfiants du 1er octobre au 12 décembre 1986 malgré l'absence d'une personne physique ayant reçu l'autorisation ministérielle nécessaire, la cour d'appel, abstraction faite de tout autre motif surabondant, a légalement justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;
Sur le moyen pris en sa seconde branche ;
Attendu que pour retenir contre le prévenu une infraction aux dispositions de l'article R. 5199 du Code de la santé publique, les juges d'appel énoncent notamment que, pendant la période d'absence du pharmacien assistant, la succursale a " effectué de façon constante la délivrance de stupéfiants " en commettant des irrégularités " consistant à tolérer que les pharmaciens d'officine ne remettent pas les deux volets foliotés lors de leurs commandes et ne reçoivent pas le deuxième volet dès qu'ils étaient livrés " ;
Attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs sans préciser quels sont exactement les faits reprochés au prévenu et notamment sans avoir relevé si les volets ont été ou non remis à la succursale, et, s'ils l'ont été, à quel moment, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle ;
Attendu cependant que la censure n'est pas encourue, la peine étant justifiée par les autres infractions retenues ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Berthiau conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Dumont conseiller rapporteur, MM. Zambeaux, Dardel, Fontaine, Milleville, Alphand, Carlioz conseillers de la chambre, Mme Guirimand conseiller référendaire, M. Lecocq avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.