LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Société générale d'entreprises electro mécaniques SGEEM, dont le siège social est sis à Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne), rue de la Remise aux Frais, zone industrielle de Noisiel,
en cassation d'un arrêt rendu le 3 novembre 1987 par la cour d'appel de Paris (5e chambre section A), au profit :
1°/ de la société CALBERSON INTERNATIONAL, société anonyme, dont le siège social est sis à Paris (17e), 163, avenue de Clichy,
2°/ de la société NOTCO ltd, dont le siège social est sis à Monbase (Kenya), Notco House, Moi Avenue, PO Box 90262,
3°/ de la société MURGIAN TRANSPORT Ltd, dont le siège social est sis à Nairobi (Kenya), Likoni Road, PO Box 41209,
4°/ de la société M/S AMERICAN LIFE UNSURANCE, prise en la personne de ses agents M/S BIMA CONSULTANTS Ltd, dont le siège social est sis à Nairobi (Kenya), PO Box 40821,
défenderesses à la cassation ; La demanderesse invoque à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 14 novembre 1989, où étaient présents :
M. Defontaine, président, M. Nicot, rapporteur, MM. Hatoux, Le Tallec, Peyrat, Cordier, Bodevin, Sablayrolles, Plantard, Mme Loreau, M. Grimaldi, conseillers, Mlle Dupieux, M. Lacan, conseillers référendaires, M. Jeol, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Nicot, les observations de Me Choucroy, avocat de la Société générale d'entreprises electro mécaniques SGEEM, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Calberson International, les conclusions de M. Jeol, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; J E E J d d
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu que, selon les énonciations de l'arrêt confirmatif des chefs attaqués (Paris, 3 novembre 1987), la Société générale d'entreprise électro-mécanique (SGEEM) a chargé la société Calberson International (société Calberson), commissionnaire, de faire procéder au transport d'un matériel industriel de Marseille à Kigali (Rwanda) ; que la société Calberson, après avoir fait transporter le matériel par voie maritime jusqu'à Monbasa (Kenya), a confié à la société Notco la réception et l'acheminement par camion jusqu'à destination ; que le véhicule, parti de Monvasa le 7 mai 1982, est tombé en panne en Ouganda et que le matériel n'est parvenu à Kigali que le 3 août suivant ; que la SGEEM, qui avait adressé une mise en demeure à la société
Calberson, l'a assignée en paiement de dommages et intérêts ; que le tribunal de commerce a rejeté cette demande et a accueilli celle en paiement de sa rémunération formée par le commissionnaire ; Attendu que la SGEEM reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'action en responsabilité qu'elle avait intentée à l'encontre de la société Calberson à raison du préjudice causé par le retard à la livraison de la marchandise, alors, selon le pourvoi, que, d'une part, le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat,
et qu'il ne résultait d'aucune des conclusions échangées entre les parties que, lors de la conclusion du contrat, le commissionnaire de transport ait spécialement attiré l'attention de son cocontractant sur les difficultés du transport en Afrique pour refuser de convenir d'un délai ; d'où il suit qu'en se fondant sur cette circonstance non invoquée par les parties pour dégager la responsabilité du commissionnaire, la cour d'appel a violé l'article 7 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, le commissionnaire de transport a l'obligation d'avertir son cocontractant des aléas qui peuvent affecter l'expédition dans certains pays, et qu'en s'abstenant de le faire il commet une faute engageant sa responsabilité ; d'où il suit qu'en omettant de relever, en l'espèce, le manquement du commissionnaire à son devoir de conseil, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; alors qu'en outre, le comportement fautif du transporteur substitué était suffisamment caractérisé par le choix d'un camion défectueux et par la non présentation des documents douaniers lors de la tentative de transbordement de la marchandise en Ouganda ; d'où il suit que la cour d'appel a violé l'article 97 du Code de commerce ; et alors qu'enfin, et en tout état de cause, la responsabilité du commissionnaire était nécessairement engagée depuis le 20 juillet 1982, date à laquelle une mise en demeure lui avait été adressée par l'expéditeur et destinataire ; d'où il suit que la cour d'appel a violé l'article 1146 du Code civil ; Mais attendu, en premier lieu, que les premiers juges ayant relevé que, tenant compte du très long parcours routier nécessaire, ni la SGEEM ni la société Calberson n'avaient fixé un délai pour l'acheminement des marchandises, c'est en prenant en considération des faits qui étaient dans le débat, et sans avoir à retenir, en l'absence d'un délai convenu, un manquement du commissionnaire de transport à son obligation de conseil, que la cour d'appel a décidé que la société Calberson n'avait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la SGEEM ; Attendu, en deuxième lieu, que, tant par motifs propres qu'adoptés, la cour d'appel a considéré, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que la SGEEM n'apportait pas la preuve que la panne du camion était due à la négligence de la
société Calberson et que le chauffeur, obligé d'abandonner le véhicule, avait opportunément emporté les documents concernant le matériel transporté afin que celui-ci ne puisse être détourné en son absence ; que la cour d'appel a pu déduire de ces constatations qu'aucune faute n'était imputable au transporteur substitué ; Attendu, enfin, que la mise en demeure par lui faite ne dispense pas le destinataire des marchandises de prouver la faute du transporteur ou du commissionnaire en raison du temps écoulé pour l'exécution du contrat de transport ; que c'est donc à juste titre que la cour d'appel n'a pas retenu que la responsabilité de la société Calberson était engagée à partir de la date où une mise en demeure lui avait été adressée par la société SGEEM ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses quatre branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;