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11/10/1989 | FRANCE | N°87-19029

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 octobre 1989, 87-19029


Attendu qu'il résulte des énonciations des juges du fond que M. de X... est décédé le 21 décembre 1957 en laissant comme successibles collatérales au 6° degré, ses deux cousines Mmes A... et Y... aux droits desquelles viennent les consorts B... ; que le défunt avait disposé de la totalité de ses biens en instituant " légataires universels " six personnes auxquelles il léguait à chacune 10 hectares de terres et en léguant le surplus, par testament du 30 juin 1944, à l'Académie d'Amiens ou à défaut à la ville d'Amiens, légataire en tout état de cause d'un immeuble dit " HÃ

´tel de X... " ; que par testament du 22 janvier 1949, il a prescrit qu...

Attendu qu'il résulte des énonciations des juges du fond que M. de X... est décédé le 21 décembre 1957 en laissant comme successibles collatérales au 6° degré, ses deux cousines Mmes A... et Y... aux droits desquelles viennent les consorts B... ; que le défunt avait disposé de la totalité de ses biens en instituant " légataires universels " six personnes auxquelles il léguait à chacune 10 hectares de terres et en léguant le surplus, par testament du 30 juin 1944, à l'Académie d'Amiens ou à défaut à la ville d'Amiens, légataire en tout état de cause d'un immeuble dit " Hôtel de X... " ; que par testament du 22 janvier 1949, il a prescrit que ses propriétés demeureraient inaliénables pendant cinquante ans sauf si, exceptionnellement, " les légataires universels " institués par lui en décidaient autrement ; qu'enfin, par un testament du 24 décembre 1956, M. de X... a maintenu les dispositions prises dans son acte de dernière volonté du 30 juin 1944, et procédé au remplacement d'un des légataires universels en raison du décès de celui-ci tout en transférant les avantages initialement conférés à l'Académie d'Amiens, au profit de M. de Z...
C... avec charge pour ce dernier d'entretenir et de conserver les sépultures de la famille, de veiller à la conservation du château, de la basse-cour et du domaine de Ribeaucourt ; que le 23 mai 1980 M. de Z... a obtenu un jugement sur requête qui l'autorisait à aliéner des terres et des bois en confirmant trois autorisations de vente données en 1970 et 1973 par l'un des légataires universels agissant comme mandataire des autres ; que les consorts B... ayant formé tierce-opposition à ce jugement, l'arrêt attaqué (Amiens,28 septembre 1987), a " mis à néant à leur égard " la décision du 23 mai 1980 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les époux de Z... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les consorts B... recevables en leur tierce-opposition, en retenant que M. de X... n'avait jamais entendu priver leurs auteurs de leur vocation héréditaire, alors, selon le moyen, que par ses testaments successifs instituant des légataires universels autres que ses successibles, il avait exhérédé ces derniers auxquels sa succession n'est jamais échue, de telle sorte que la cour d'appel, en statuant comme elle a fait, a dénaturé ces testaments ;

Mais attendu que c'est par une interprétation dont la nécessité est exclusive de dénaturation, que la cour d'appel a estimé, en rappochant les testaments successifs de M. de X... qu'il ne résultait pas de ces actes que le testateur ait manifesté la volonté de priver ses cousines " non pas seulement d'émoluments en disposant de la totalité de ses biens par des legs particuliers et universels, mais aussi de leur vocation héréditaire " dont leurs héritiers étaient en droit de se prévaloir pour exercer une action, dès lors que les cousines du défunt n'avaient pas renoncé de leur vivant à leur vocation successorale ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur les deuxième et quatrième moyens réunis et pris en leurs diverses branches :

Attendu que les époux de Z... reprochent encore à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable la tierce-opposition des consorts B... alors, selon les deuxième et quatrième moyens, que, d'une part, la présence de légataires bénéficiant d'une clause testamentaire d'accroissement ou de substitution, comme il en est notamment pour la ville d'Amiens, au cas où le légataire principal se trouverait déchu de son legs, privait les tiers opposants de tout intérêt à agir et alors, d'autre part, que la succession ne peut être considérée comme échue aux héritiers ab intestat, exhérédés en tant que privés d'émoluments, sans que soient mis en cause les légataires universels ayant eux-mêmes acceptés et revendiqués cette qualification et sans que celle-ci soit écartée, l'absence de prétentions formulées dans ces conditons par les légataires, dont la ville d'Amiens, ne pouvant ni laisser présumer, ni constituer de leur part une renonciation à revendiquer leurs droits éventuels de telle sorte qu'en statuant comme elle a fait la cour d'appel a violé les règles afférentes aux dévolutions successorales, aux dispositions testamentaires et à la tierce-opposition ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté que les personnalités qualifiées de légataires universels, ou la ville d'Amiens n'avaient émis aucune prétention sur les droits qu'elles auraient éventuellement à faire valoir en substitution de M. de Z..., la cour d'appel a admis à juste titre que les successibles du testateur n'ayant pas renoncé à leur vocation hériditaire, leurs héritiers étaient recevables à former tierce-opposition pour la préservation des droits pouvant découler du titre conservé par leurs auteurs ; qu'elle a ensuite relevé que cette tierce opposition était inopérante quant à ses effets à l'égard des " légataires universels " non parties au jugement frappé de ce recours, et qu'il était donc sans conséquence qu'ils ne figurent pas à l'instance ; qu'ainsi l'arrêt attaqué se trouve légalement justifié ; que les moyens ne pouvent donc être accueillis en aucune de leurs branches ;

Sur les troisième et cinquième moyen réunis et pris en leurs diverses branches :

Attendu que les époux de Z... reprochent enfin à l'arrêt attaqué d'avoir fait droit à la tierce-opposition des consorts B... alors, selon le troisième moyen, que les défendeurs à ce recours avaient soutenu dans leurs conclusions que la mise à néant du jugement autorisant la vente de biens légués ne présentait aucun intérêt pour les tiers opposants, puisque l'inaliénabilité de ces biens avait été levée par l'ensemble des " légataires universels " en vertu d'une décision conforme aux dispositions testamentaires contre laquelle la tierce-opposition demeurait sans effet et alors, selon le cinquième moyen, que, d'une part, l'arrêt attaqué n'a pas apprécié si l'intérêt invoqué à l'appui de la demande d'autorisation d'aliéner devait ou non primer celui qui avait motivé la clause d'inaliénabilité et que, d'autre part, la décision critiquée n'a pas recherché si les aliénations déjà effectuées et la vente des biens hypothéqués appartenant à M. de Z... étaient ou non suffisants pour arrêter les poursuites dont ce dernier était l'objet, en sorte que la cour d'appel a ainsi violé l'article 900-1 du Code civil et
les articles 31,455 et 583 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que les juges d'appel n'étaient pas saisis de la question de savoir si les ventes opérées par M. de Z... devaient être tenues pour valables en vertu d'une autorisation donnée par les six personnes qualifiées de " légataires universels " dans les formes prévues par le testament, mais seulement d'une tierce-opposition au jugement du 23 mai 1980 sur le fondement de l'article 900-1 du Code civil ; que les critiques énoncées par les troisième et cinquième moyens ne tendent en réalité qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges d'appel qui, sans être tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ont d'abord estimé que les consorts B... étaient fondés à former tierce-oppositon au jugement précité du 23 mai 1980 afin que celui-ci ne puisse leur être opposé dans l'instance en révocation de legs pour inexécution des charges qu'ils ont aussi introduite contre M. de Z..., puis considéré qu'il n'était justifié d'aucun intérêt conduisant à donner la préférence à la conservation de biens personnels que les époux de Z... avaient engagés en garantie du réglement de dettes, plutôt qu'à celle des biens couverts par la clause d'inaliénabilité stipulée dans les dispositions testamentaires de M. de X... ;

Qu'il s'ensuit que les troisième et cinquième moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 87-19029
Date de la décision : 11/10/1989
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

TIERCE OPPOSITION - Conditions d'exercice - Intérêt - Décision autorisant la vente d'un bien légué frappé d'inaliénabilité - Action parallèle en révocation du legs pour inexécution des charges

TESTAMENT - Legs - Conditions - Clause d'inaliénabilité - Autorisation judiciaire d'aliéner - Intérêts en cause - Appréciation souveraine POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Tierce opposition - Condition d'exercice - Intérêt POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Testament - Legs - Conditions - Clause d'inaliénabilité - Autorisation judiciaire d'aliéner - Intérêts en cause

Les juges du fond estiment, par une appréciation souveraine, qu'est fondée la tierce opposition formée contre un jugement ayant autorisé la vente d'un bien légué mais frappé d'inaliénabilité, afin que ce jugement ne puisse être opposé aux demandeurs à l'action en révocation du legs pour exécution de charges, et qu'il n'est pas justifié d'un intérêt conduisant à donner la préférence à la conservation de biens personnels que le légataire a engagés en garantie du règlement de dettes plutôt qu'à celle des biens couverts par la clause d'inaliénabilité testamentaire.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 28 septembre 1987


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 oct. 1989, pourvoi n°87-19029, Bull. civ. 1989 I N° 320 p 213
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1989 I N° 320 p 213

Composition du Tribunal
Président : M Jouhaud, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Mme Flipo
Rapporteur ?: M Bernard de Saint-Affrique
Avocat(s) : M Hennuyer, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:87.19029
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