LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société civile immobilière LES COQUELICOTS, dont le siège social est sis à Paris (17e), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 22 octobre 1987, par la cour d'appel de Paris (2e chambre section B), au profit :
1°/ de Madame Emilienne, Juliette F..., veuve X..., demeurant à Savigny-sur-Orge (Essonne), ... DM Mongellas,
2°/ de Monsieur H..., Camille, Joseph Z..., pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administrateur de la communauté existant entre lui et son épouse,
3°/ de Madame Z...,
demeurant ensemble à Savigny-sur-Orge (Essonne), ...,
4°/ de Monsieur Jean-Marie M..., pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administrateur de la communauté existant entre lui et son épouse, 5°/ de Madame Anne-Marie I... épouse M...,
demeurant ensemble à Savigny-sur-Orge (Essonne), ...,
6°/ de Monsieur Jean-Michel E..., pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administrateur de la communauté existant entre lui et son épouse,
7°/ de Madame Lucille C... épouse E...,
demeurant ensemble à Savigny-sur-Orge (Essonne), ...,
8°/ de Monsieur Constant, Joseph, Antoine J..., pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administrateur de la communauté existant entre lui et son épouse,
9°/ de Madame D..., Emilienne, Marie-Louise BARBE épouse MONGELLAZ,
demeurant ensemble à Savigny-sur-Orge (Essonne), ...,
10°/ de Monsieur Henri O..., pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administrateur de la communauté existant entre lui et son épouse,
11°/ de Madame O...,
demeurant ensemble à Savigny-sur-Orge (Essonne), ...,
12°/ de Mademoiselle Marie-Claude N..., demeurant à Savigny-sur-Orge (Essonne), ...,
défendeurs à la cassation ; EN PRESENCE DE :
- la société civile immobilière de gestion SAVIGNY SALENGRO, dont le siège social est sis à Savigny-sur-Orge (Essonne), ...,
La demanderesse invoque à l'appui de son pourvoi les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 27 juin 1989, où étaient présents :
M. Francon, président, M. Cathala, rapporteur, MM. L..., A..., Didier, Senselme, Douvreleur, Capoulade, Beauvois, Deville, Darbon, Mme G..., M. Aydalot, conseillers, Mme B..., M. Chapron, conseillers référendaires, M. Dufour, avocat général, Mlle Bodey, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Cathala, les observations de Me Choucroy, avocat de la SCI Les Coquelicots, de la SCP Riché, Blondel et Thomas-Raquin, avocat de Mme Emilienne F... veuve X..., des époux Z..., des époux M..., des époux E..., des époux K..., des époux O... et de Mlle N..., les conclusions de M. Dufour, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le premier moyen :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 octobre 1987) que Mme X..., M. Z..., M. M..., M. E..., M. K..., Mme N... et M. O..., propriétaires de lots dans un immeuble vendu en état futur d'achèvement par la société civile immobilière Les Coquelicots, ont assigné celle-ci pour faire prononcer la nullité de la vente de lots restés disponibles, consentie à la société civile de gestion Savigny Salengro, en alléguant que cet acte aurait eu pour objet de faire échapper le patrimoine de la société civile immobilière aux conséquences de l'action engagée par les copropriétaires pour obtenir l'achèvement de travaux et la réparation de malfaçons ; Attendu que la société civile immobilière Les Coquelicots fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré que Mme X... et les autres propriétaires avaient un intérêt évident à faire constater le caractère fictif de la vente, alors, selon le moyen, "que l'intérêt à agir ne rend l'action recevable que si cet intérêt est né et actuel et non pas purement éventuel ; et qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que si les consorts Y... qui n'étaient pas en l'état créanciers de la société civile immobilière Les Coquelicots avaient, en qualité de tiers à l'acte du 4 avril 1978, un intérêt à agir en déclaration de simulation, cet intérêt n'était pas né et actuel, mais purement éventuel, comme dépendant du sort positif en leur faveur d'un procès en cours dont il était impossible de préjudicier des résultats, la seconde expertise pouvant démentir la première et les juges du fond n'étant jamais liés par les conclusions de l'homme de l'art ; que l'arrêt a donc violé les artiles 30, 31 et 125 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile et 1321 du Code civil" ; Mais attendu qu'ayant relevé que Mme X... et les autres propriétaires poursuivaient contre la société civile immobilière Les Coquelicots une instance séparée tendant à l'achèvement des parties communes et des parties privatives de l'immeuble et que la vente attaquée avait pour conséquence directe de faire disparaître le seul gage susceptible de garantir l'action en recouvrement ainsi engagée, la cour d'appel a souverainement apprécié le caractère né et actuel
de l'intérêt à agir des demandeurs ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société civile immobilière Les Coquelicots fait aussi grief à l'arrêt d'avoir décidé que la vente était fictive et simulée, alors, selon le moyen, "que d'une part, la simulation repose sur une motivation hypothétique dans la mesure où l'arrêt déduit la fictivité de la vente des relations d'alliance ou de famille entre les associés différents de sociétés distinctes et de la prétendue étrangeté des modalités du prix dont le caractère fictif n'est pas constaté, sans pouvoir être justifié par le comportement des parties après la cession litigieuse ; que l'arrêt a donc violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ; et que d'autre part, l'arrêt a dénaturé l'acte de vente du 4 avril 1978 dont la clause sur le règlement du solde du prix précise que le terme est "le 5 mai 1978", puisque "passé cette date .. ces 950 000 francs sont stipulés payable .. avec intérêts au taux de 12 %.. sans que cette stipulation vaille prorogation de délai". (prod n° 1 p. 16) ; que l'arrêt a donc violé l'article 1134 du Code civil" ; Mais attendu que la cour d'appel ayant souverainement retenu, sans dénaturation et par des motifs non hypothétiques, qu'il résultait des rapports antérieurs entre les parties, de leur communauté d'intérêts, de l'organisation particulière des sûretés convenues pour le paiement du prix, des déclarations prêtées à l'un des vendeurs, enfin du comportement des parties après la cession, la conclusion qu'il y avait eu mise en place d'une vente simulée dont le seul objet était de nuire aux intérêts des copropriétaires, le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1321 du Code civil ; Attendu qu'après avoir retenu le caractère fictif et simulé de la vente, l'arrêt en prononce la nullité ; Qu'en statuant ainsi, alors que la simulation n'est pas en soi une cause de nullité de l'acte qui en est l'objet et que la vente, inopposable à Mme X... et aux propriétaires de lots, avait effet entre la SCI et la société civile de gestion Savigny Salengro, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la nullité de la vente du 4 avril 1978, l'arrêt rendu le 22 octobre 1987, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;