LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le huit août mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller SOUPPE, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LECOCQ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Daniel,
- Y... Jocelyne, épouse X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en date du 12 février 1988, qui les a condamnés, pour infraction aux règles de la facturation, fraudes fiscales et omission de passation d'écritures ou passation d'écritures inexactes, chacun à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, a ordonné des mesures de publication et d'affichage, a reçu l'administration des Impôts en sa constitution de partie civile et a dit que les deux prévenus seraient tenus solidairement au paiement des impôts fraudés et des pénalités y afférentes ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a mentionné que la Cour était composée lors des débats et du délibéré par MM. Luciani, Vilarem et Ducourtieux et lors du prononcé de la décision par MM. Luciani, Renard et Ducourtieux ;
" alors que sont déclarées nulles les décisions rendues par des juges qui n'ont pas assisté à toutes les audiences de la cause ; qu'en constatant qu'à l'audience du 12 février 1988 à laquelle a été rendue la décision qui avait fait l'objet des débats le 25 novembre 1987 l'un des conseillers avait été appelé à remplacer un magistrat, l'arrêt attaqué révèle que le litige a été jugé et prononcé par un magistrat qui n'aurait pas assisté aux débats, en violation des textes susvisés ;
" alors que l'arrêt doit constater à peine de nullité l'empêchement du conseiller qui a été remplacé ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a mentionné que M. Renard avait remplacé M. Vilarem sans constater l'empêchement de ce dernier ; d'où il suit que la cour d'appel a violé l'article 592 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les mêmes magistrats ont assisté aux débats et participé au délibéré ; qu'aux termes de l'article 485 alinéa 4 du Code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 1985, il peut être donné lecture de la décision par le président ou par l'un des juges même en l'absence des autres magistrats du siège ; que tel est le cas en l'espèce ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 5, 15, 16 de l'ordonnance du 30 juin 1945, L. 41 du Livre des procédures fiscales, 66 de la Constitution, 56 et suivants, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné les prévenus à deux ans de prison avec sursis, à 10 000 francs d'amende chacun, au paiement des impôts fraudés et aux pénalités y afférentes ;
" aux motifs que les dispositions des ordonnances du 30 juin 1940 relatives à l'obligation de conserver les factures d'achat, et aux sanctions qui étaient attachées pour infraction à cette obligation, avec quelques modifications en ce qui concerne les pénalités, ont été reprises par l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1985, relative à la liberté des prix et de la concurrence, dont la légalité n'a jamais été contestée. On peut donc dire par comparaison qu'il est inexact de prétendre que les ordonnances de 1945 étaient devenues caduques sur les points ci-dessus tout au moins ; " que pour le surplus, par rapport aux textes de 1945, une amélioration avait été apportée en matière de protection des droits des citoyens par l'article 17 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 (dont il a été fait fait application en la cause), stipulant que les visites, effectuées dans les locaux servant à l'habitation, pour la recherche des infractions en matière économique ou fiscale devaient être préalablement autorisées par une ordonnance du président du tribunal, du juge d'instruction ou du juge d'instance (il importe peu que le texte concernât essentiellement les poursuites en matière fiscale et douanière, l'applicabilité de son article 17 à la matière économique y étant expressément indiquée) ; " que cette loi du 29 décembre 1977, n'indiquait pas que les ordonnances du président du tribunal, du juge d'instance ou du juge d'instruction devaient être motivées, la législation s'en étant remis, sur ce point à la sagesse et à la prudence du juge " ;
" alors qu'une perquisition ne peut être effectuée que lorsqu'il existe un indice d'infraction ; que l'arrêt attaqué a validé la perquisition effectuée par des agents du fisc au domicile des demandeurs sans constater que cette perquisition était justifiée par un indice d'infraction et sans davantage préciser lequel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 92 et suivants du Code de procédure pénale et L. 41 et suivants du Livre des procédures fiscales " ;
Attendu qu'il ne saurait être fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les conclusions des prévenus soutenant que l'ordonnance du juge d'instruction autorisant la visite domiciliaire à l'occasion de laquelle ont été effectuées les constatations et établis les procès-verbaux, base des poursuites, aurait dû être motivée ; qu'en effet l'autorisation donnée en application de l'article 17 de la loi du 29 décembre 1977 codifié sous l'article L. 41 du Livre des procédures fiscales, alors en vigueur, pour les visites domiciliaires ayant pour objet la recherche et la constatation des infractions à la réglementation économique ou fiscale, implique nécessairement, après contrôle de leur bien-fondé, l'adoption par le magistrat des motifs de la requête à laquelle il fait droit, lesquels en l'espèce ne sont pas mis en cause par les demandeurs ;
Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 228, R. 228-2 du Livre des procédures fiscales, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné les prévenus à deux ans de prison avec sursis, à 10 000 francs d'amende chacun, au paiement des impôts fraudés et aux pénalités y afférentes ;
" aux motifs que par rapport aux textes de 1945, une amélioration avait été apportée en matière de protection des droits des citoyens par l'article 17 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 (dont il a été fait application en la cause), stipulant que les visites, effectuées dans les locaux servant à l'habitation, pour la recherche des infraction en matière économique ou fiscale devaient être préalablement autorisées par une ordonnance du président du tribunal, du juge d'instruction ou du juge d'instance (il importe peu que le texte concernât essentiellement les poursuites en matière fiscale et douanière, l'applicabilité de son article 17 à la matière économique y étant expressément indiquée) ; " que cette loi du 29 décembre 1977 n'indiquait pas que les ordonnances du président du tribunal, du juge d'instance ou du juge d'instruction devaient être motivées, la législation s'en étant remis sur ce point à la sagesse et à la prudence du juge " ;
" alors qu'il incombe au juge pénal de constater la réalité et la date de l'avis favorable de la Commission des infractions fiscales qui est indispensable pour que l'Administration puisse éventuellement déposer une plainte avec constitution de partie civile ; qu'en déclarant dès lors la constitution de partie civile de l'administration des Impôts recevable et en condamnant les demandeurs à son égard, sans constater ni la réalité ni la date de cet avis favorable de la Commission des infractions fiscales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 228 et R. 228-2 du Livre des procédures fiscales " ;
Attendu qu'il résulte de l'examen des pièces de la procédure que la plainte de l'administration des Impôts, au vu de laquelle ont été exercées les poursuites, a été précédée de l'avis conforme de la Commission des infractions fiscales, requis par l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales ; que, dès lors, le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 6, 15, 16 de l'ordonnance du 30 juin 1945, L. 47 du Livre des procédures fiscales, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné les prévenus à deux ans de prison avec sursis, à 10 000 francs d'amende chacun, au paiement des impôts fraudés et aux pénalités y afférentes ;
" aux motifs qu'on ne peut par ailleurs dire qu'il y ait eu véritablement détournement de procédure, MM. Z... et A... ayant toujours indiqué dans leurs procès-verbaux et dans leur rapport qu'ils agissaient dans le cadre de recherches d'infractions en matière économique ; qu'il apparaît ainsi que cela a été expliqué plus haut, que ce n'est qu'incidemment que leur sont apparus des éléments de fraude fiscale ; que rien ne leur interdisait, assistés comme ils l'étaient d'un officier de police judiciaire, d'en faire état dans leur rapport ;
" alors que tout motif dubitatif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, les demandeurs avaient dûment fait valoir que les agents du fisc avaient commis un détournement de procédure car la procédure de perquisition et de saisie engagée dans le cadre d'infractions à la réglementation économique n'avait d'autre projet que la découverte d'infractions fiscales ; qu'en écartant cette prétention au motif qu'on ne peut dire qu'il y ait eu véritablement détournement de procédure, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Attendu qu'il appert des énonciations de l'arrêt attaqué que les investigations conduites par les enquêteurs régulièrement habilités par le directeur général de la concurrence et des prix et assistés d'un officier de police judiciaire, dans le cadre de la recherche d'infractions aux lois et règlements en matière économique, leur ont permis de relever outre le défaut de présentation de plusieurs factures, diverses anomalies fiscales dont ils ont fait état dans leur rapport, ultérieurement communiqué à la direction des services fiscaux conformément aux dispositions de l'article L. 83 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, dont il résulte que les enquêteurs, en procédant comme ils l'ont fait, en vertu des dispositions de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 alors en vigueur, n'ont pas agi dans un dessein différent de celui qui était poursuivi, savoir le contrôle de l'activité économique d'une entreprise, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté les conclusions de nullité de la procédure déposées par les prévenus avant toute défense au fond ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.