Joint les pourvois n° 88-13.325 et n° 88-13.589 qui attaquent le même arrêt ;
Sur le premier moyen du pourvoi du Crédit du Nord et sur les première et troisième branches du moyen unique du pourvoi du Crédit lyonnais :
Vu les articles 13-1 dans sa rédaction applicable en la cause, et 15 de la loi du 31 décembre 1975, ensemble les articles 116, 118 et 128 du Code de commerce ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société Lafay a conclu un marché de travaux avec la société Jouffriau France (société Jouffriau) ; que cette dernière a eu recours à des sous-traitants ; que, pour obtenir paiement des prestations exécutées, elle a tiré sur la société Lafay deux lettres de change acceptées, qu'elle a fait escompter l'une par le Crédit du Nord, l'autre par le Crédit lyonnais ; que les sous-traitants ont mis en demeure la société Jouffriau de leur payer le montant de leurs travaux et ont adressé copie de ces mises en demeure au maître de l'ouvrage ; que la société Jouffriau a été mise en règlement judiciaire puis en liquidation des biens ; que la société Lafay, placée devant les revendications concurrentes des sous-traitants, qui réclamaient le paiement de leurs créances, et des banques, qui demandaient le règlement des lettres de change à leur échéance, a été autorisée à consigner le montant des effets entre les mains d'un séquestre, que les banques ont assigné la société Lafay en paiement des lettres de change ; que celle-ci a appelé en intervention forcée les sous-traitants qui ont conclu à ce que la société Lafay soit condamnée à leur payer le montant de leurs créances ;
Attendu que, pour rejeter la demande des banques et accueillir celle des sous-traitants, la cour d'appel retient que l'opération par laquelle une banque escompte une lettre de change réalise, d'une certaine manière, au profit de celle-ci, une cession de créances, qu'elle entre donc dans le champ d'application de l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975 et doit être déclarée nulle, par application de l'article 15 de la même loi, lorsque la créance qui forme provision a pour objet des sommes qui ne sont pas dues à l'entrepreneur principal au titre des travaux exécutés personnellement par lui ; qu'en l'espèce tous les travaux exécutés pour le compte de la société Lafay l'ont été en sous-traitance et qu'il en résulte que l'escompte des lettres de change est nul et de nul effet ; qu'ainsi la demande des sous-traitants est bien fondée tandis que la banque ne peut exercer l'action cambiaire ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs et sans rechercher si l'action directe des sous-traitants avait été exercée avant que les banques n'aient acquis la propriété de la provision par l'escompte des lettres de change acceptées par la société Lafay, la cour d'appel a violé par fausse application les deux premiers textes susvisés et privé sa décision de base légale au regard des suivants ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi du Crédit du Nord, sur le pourvoi incident relevé par le Crédit lyonnais à la suite du pourvoi du Crédit du Nord et sur la deuxième branche du moyen unique du pourvoi du Crédit lyonnais ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;