CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- la fédération départementale des chasseurs des Pyrénées-Atlantiques, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, en date du 25 mai 1988, qui, après avoir relaxé Jean X..., poursuivi pour infraction à la police de la chasse à la palombe, l'a déboutée de ses demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu que le défendeur soutient que le pourvoi serait irrecevable en arguant de ce que la demanderesse ne contestait pas l'arrêt en ce qu'il avait déclaré son appel tardif, dès lors que, contrairement au jugement qui, après condamnation pénale de Jean X..., avait partiellement fait droit à la demande de dommages-intérêts de la Fédération, partie civile, la juridiction du second degré, également saisie par les appels du ministère public et du prévenu, l'a déboutée après avoir relaxé ce dernier ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 373 et 374. 3° du Code rural, du principe de l'égalité des citoyens devant les lois et règlements et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu des poursuites engagées à son encontre pour tir au vol à la palombe sur un territoire où ce mode de chasse est prohibé, faits prévus et réprimés par les articles 1er de l'arrêté ministériel du 27 août 1986, 373 et 374. 3° du Code rural ;
" aux motifs que l'article 373 du Code rural n'autorisait pas le ministre chargé de la Chasse à limiter le droit de chasse au tir au vol des palombes à la détention d'un bail enregistré avant le 31 décembre 1985 et non parvenu à son terme ; que l'arrêté du 27 août 1986, qui attente à l'égalité des citoyens et au droit de propriété, est illégal ;
" alors, d'une part, que l'article 373 du Code rural confère au ministre chargé de la Chasse toute liberté dans le choix des mesures paraissant propres à atteindre le bien qu'il fixe ; que la cour de Pau ne pouvait dès lors affirmer que cette disposition n'autorisait pas le ministre chargé de la Chasse à subordonner le droit à la détention d'un bail d'un poste de tir enregistré avant le 31 décembre 1985 et non parvenu à son terme, sans constater que cette mesure n'avait pas pour finalité la prévention de la destruction ou le repeuplement des palombes ou portait atteinte à l'équilibre biologique local ;
" alors, d'autre part, que la discrimination créée à titre transitoire entre titulaires du bail d'un poste de tir enregistré avant le 31 décembre 1985, et tout autre titulaire du droit de chasse-la chasse au tir au vol à la palombe étant réservée aux premiers-, étant temporairement rendue nécessaire par la mise en place progressive d'une réglementation contraire aux traditions locales, ne constitue pas une atteinte à l'égalité des citoyens devant les règlements ;
" et alors, enfin, que, en toute hypothèse, la cour d'appel ne pouvait reprocher à l'arrêté du 27 août 1986 de violer par cette discrimination qualifiée de transitoire le principe de l'égalité des citoyens devant les règlements, sans rechercher, ainsi que l'y invitaient les termes de cet arrêté, si cette discrimination n'était pas rendue temporairement nécessaire par la mise en place progressive d'une réglementation contraire aux traditions locales " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'erreur dans les motifs, ou leur insuffisance, équivaut à leur absence ;
Attendu que pour faire droit à l'exception d'illégalité soulevée par la défense, de l'arrêté ministériel du 27 août 1986, base des poursuites, qui réglemente la chasse à la palombe, et débouter de ses demandes la fédération départementale des chasseurs des Pyrénées-Atlantiques, partie civile, la juridiction du second degré relève que si l'article 373, alinéa 4, du Code rural en vertu duquel cet arrêté a été pris donne au ministre chargé de la Chasse le pouvoir de prendre toutes mesures en vue de prévenir la destruction des oiseaux, en revanche, cet article ne l'autorise pas, comme il l'a fait, à réserver dans certains lieux le droit de chasser la palombe aux détenteurs d'un contrat de bail valide enregistré avant le 31 décembre 1985 ; qu'elle en déduit qu'une telle restriction porte atteinte à l'égalité des citoyens devant la loi et au droit de propriété ;
Mais attendu qu'en se fondant sur ces seules motifs, sans rechercher si la réglementation en cause, d'une part, avait été dictée par des considérations étrangères à la prévention de la destruction des oiseaux et à l'exercice rationnel de la chasse, d'autre part, si, étant purement transitoire, elle n'avait pas été imposée par la mise en oeuvre progressive d'une nouvelle réglementation dérogeant aux traditions cynégétiques locales, enfin si elle comportait entre chasseurs se trouvant dans des situations identiques une discrimination non justifiée par les intérêts généraux que l'article 373 susvisé a pour objet de sauvegarder, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Pau, en date du 25 mai 1988, mais uniquement quant à l'action civile, les dispositions relatives à l'action publique étant expressément maintenues,
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse.