LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Société d'Exploitation des Refroidisseurs
L...
"SOREMA" société anonyme, dont le siège est à Cholet (Maine-et-Loire), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 29 septembre 1987 par la cour d'appel d'Angers ((1re chambre A), au profit de :
1°) Monsieur Louis H..., demeurant à Cholet (Maine-et-Loire), ...,
2°) Monsieur Joseph X..., demeurant à Cholet (Maine-et-Loire), ...,
défendeurs à la cassation ; La demanderesse invoque à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 25 avril 1989, où étaient présents :
M. Francon, président, M. Didier, rapporteur, MM. N..., B..., O..., A..., J..., Z..., Y..., I..., E..., M...
K..., M. Aydalot, conseillers, Mme D..., M. Chapron, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mme Prax, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Didier, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, avocat de la société Sorema, de la SCP Martin-Martinière et Ricard, avocat de MM. H... et X..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique en tant qu'il concerne la société Sorema :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 29 septembre 1987) qu'a été autorisée, par arrêté préfectoral du 28 octobre 1937, la division en dix lots d'un terrain sis à Cholet appartenant aux époux G... ; que ceux-ci ont procédé à la vente des parcelles et que de nouvelles mutations sont intervenues ultérieurement ; Attendu que le 9 décembre 1980 MM. H... et X..., respectivement propriétaires d'immeubles d'habitation sis n°s ..., ont assigné M. L..., propriétaire de l'immeuble sis n° 93 et la Société d'exploitation des refroidisseurs
L...
- dite SOREMA -, dont M. L... est gérant, propriétaire de l'immeuble sis n° 89 bis de la même rue, aux fins de démolition des ateliers, entrepôts et bureaux, édifiés par ces propriétaires sur les deux parcelles, en invoquant des troubles sonores causés par l'industrie exercée et l'encombrement anormal de la rue, et ce en violation du cahier des charges du lotissement ; que l'arrêt déféré a ordonné la démolition des locaux industriels et ateliers édifiés sur les deux terrains et prononcé condamnation des propriétaires à diverses indemnités ;
Attendu que la société Sorema fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la démolition des bâtiments industriels sis sur le terrain n° ... lui appartenant, alors, selon le moyen, "1°) que dans le silence de leurs actes, l'interdiction d'édifier des fabriques, usines ou entrepôts que neuf des dix acquéreurs originaires de parcelles de la propriété F... s'étaient obligés dans leur acte d'acquisition à exécuter au titre des "Conditions de la présente vente", ne pouvait s'imposer à M. L... et à la société SOREMA qu'à la condition qu'elle ait constitué une disposition de l'arrêté préfectoral du 25 octobre 1937 ou une stipulation du Cahier des charges du lotissement ; que la cour d'appel, qui tout en constatant que l'expert n'avait pu retrouver trace de cet arrêté, et sans par ailleurs relever que les conditions du Cahier des charges auraient été annexées aux actes, a fait droit à la demande de MM. X... et H... également sous-acquéreurs, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil et des articles 11 et 13 de la loi du 19 juillet 1924, alors, 2°) que les actes authentiques ne font pleine foi jusqu'à inscription de faux que des faits qui y sont énoncés par l'Officier public comme les ayant accomplis lui-même, ou comme s'étant passés en sa présence dans l'exercice de ses fonctions ; que la cour d'appel qui a décidé que neuf des actes authentiques (originaires) de vente faisaient pleine foi jusqu'à inscription de faux de l'existence de l'arrêté préfectoral du 28 octobre 1937, a violé l'article 1319 du Code civil, alors, 3°) qu'aux termes de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme, lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si préalablement le permis a été annulé ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative ; qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait sans rechercher si les constructions édifiées par M. L... et la SOREMA l'avaient été, ainsi qu'ils le faisaient valoir, conformément à des permis de construire et si ceux-ci avaient été annulés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme, alors 4°) qu'en décidant que l'interdiction litigieuse n'engageait pas les propriétaires des terrains vendus par les époux F... à titre personnel mais grevait chacune des parcelles par eux vendues au profit de chaque autre d'une charge réelle, sans rechercher quelle avait été la commune intention des parties d'après les termes des actes et les circonstances de la cause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134, 637 et 686 du Code civil, alors 5°) que la cour d'appel qui, sans constater que l'interdiction litigieuse constituait une stipulation du cahier des charges du lotissement, ni davantage que parmi les stipulations rappelées de l'acte de vente F... - Mme P... figurait l'interdiction litigieuse, a déduit de la déclaration faite par M. L..., en tant que représentant de la société SOREMA dans l'acte d'acquisition de cette dernière, qu'il connaissait l'obligation réelle grevant la parcelle de la SOREMA, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du
Code civil" ; Mais attendu, d'une part, que l'arrêt constate l'existence de l'arrêté préfectoral du 28 octobre 1937 autorisant le lotissement, du fait de sa relation dans les premiers actes authentiques de vente qui comportent une clause de construction "bourgeoise" excluant l'implantation de bâtiments industriels et commerciaux, spécialement "fabriques, usines et entrepôts, compris ou non dans les établissements dangereux insalubres et incommodes", clause qui est de pratique courante dans les lotissements ; Attendu, d'autre part, que relevant que l'acte d'acquisition du 30 juin 1964 de la société SOREMA contenait une déclaration de Mme P... née C... selon laquelle cette venderesse, qui avait elle-même acquis la parcelle BX-145-89 bis rue Barjot le 9 septembre 1940 des époux F..., lotisseurs, indiquait que "ce terrain provenait du lotissement autorisé par le préfet du Maine-et-Loire suivant arrêté du 28 octobre 1937", que l'acte mentionnait que "M. L..., ès qualités de gérant de la société SOREMA reconnait avoir parfaite connaissance tant des stipulations du lotissement dont s'agit que des stipulations ci-dessus rappelées de l'acte de vente susénoncé et il oblige la société acquéreur à en faire son affaire personnelle à ses risques et périls et sans recours contre la venderesse", et qu'à l'époque de la première vente la loi du 19 juillet 1924 avait institué l'autorisation préalable de l'administration pour les opérations de division du sol par ventes ou locations pour les lotissements et groupes d'habitations, seules concernées, et que le lotissement réalisé par les époux F... ne pouvait donc avoir lieu que si un arrêté l'autorisait, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ; Mais sur le moyen unique en ce qui concerne M. L... personnellement :
Vu la loi du 19 juillet 1924 modifiant la loi du 14 mars 1919, articles 11 et 13, applicables à la cause, ensemble les articles 1134 et 1163 du Code civil ; Attendu que, sous le régime de la loi précitée, le projet de lotissement approuvé et le cahier des charges restaient déposés et mis à la disposition du public à la mairie de la situation du lotissement et que les conditions du cahier des charges devaient figurer, ainsi que la date de la décision approbative, dans les actes de vente ; Attendu que pour ordonner la démolition des constructions édifiées par M. L... et prononcer des condamnations à diverses indemnités, l'arrêt énonce que M. L... savait que cette parcelle était destinée uniquement à la construction d'une maison d'habitation puisque l'acte contenait une déclaration à cet égard pour la perception des droits fiscaux ;
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que le titre d'acquisition de M. L... ne contenait référence ni à l'existence d'un lotissement ni au rappel d'une clause restrictive à l'utilisation de la parcelle par l'acquéreur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne la condamnation à démolir les constructions industrielles et ateliers édifiés sur le terrain n° BX 143 sis ... appartenant à M. L... et les condamnations in solidum à indemnités au profit de M. H... et M. X..., l'arrêt rendu le 29 septembre 1987, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;