LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ Madame Suzanne A..., née D...,
2°/ Mademoiselle Christiane A..., demeurant toutes deux quartier des Pécollets à Etoile (Drôme),
en cassation d'un arrêt rendu le 29 juillet 1987 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), au profit de :
1°/ Monsieur Joseph B...,
2°/ Madame B..., née E..., demeurant ensemble aux Pécollets, Etoile-sur-Rhône, Porte-les-Valence (Drôme),
défendeurs à la cassation ; Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 25 avril 1989, où étaient présents :
M. Francon, président, M. Douvreleur, rapporteur, MM. C..., X..., Didier, Senselme, Cathala, Capoulade, Beauvois, Deville, Darbon, Mme Z..., M. Aydalot, conseillers, Mme Y..., M. Chapron, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mme Prax, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Douvreleur, les observations de Me Boullez, avocat des consorts A..., de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat des époux B..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique :
Attendu que les consorts A... font grief à l'arrêt attaqué (Grenoble, 29 juillet 1987) d'avoir, pour ordonner, à la requête des époux B..., la suppression d'un portail qu'ils avaient installé à l'entrée d'une cour située entre leurs habitations respectives, reconnu que ces derniers justifiaient d'une possession sur celle-ci, alors, selon le moyen, 1°/ "que la complainte suppose une possession présentant les caractères énumérés par l'article 2229 du Code civil, le possesseur devant justifier d'une possession paisible, publique et non équivoque et à titre de propriétaire, qu'en l'espèce, selon le procès-verbal de transport sur les lieux relevé par la cour d'appel, les époux B... avaient, ainsi que dans leurs conclusions, reconnu le droit de propriété de Mmes A... sur la cour litigieuse, ce qui impliquait le défaut d'intention de se comporter en propriétaires de ladite cour ; que la cour d'appel, en estimant que les époux B... justifiaient d'une possession à titre de propriétaires, n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 2229 du Code civil, alors, 2°/ que la possession ne peut être matériellement caractérisée que par des actes incompatibles avec l'exercice du droit de propriété d'autrui, et l'utilisation commune d'une même chose ne peut donc fonder une possession
exclusive ; que la cour d'appel, qui constate que les parties se sont comportées comme des utilisateurs communs de la cour litigieuse jusqu'à l'édification d'un portail par les consorts A..., n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales en estimant bien fondée l'action en complainte exercée par les époux B... et a violé les articles 2229 et 2283 du Code civil, alors, 3°/ que les juges du fond, saisis d'une action en complainte, doivent relever des actes matériels de nature à caractériser la possession ; qu'en l'espèce, Mmes A... avaient soutenu dans leurs conclusions demeurées sans réponse que l'existence d'une porte ainsi que l'utilisation de la cour par les époux B... ne constituaient que des actes de pure tolérance, lesquels ne pouvaient fonder une possession utile à l'égard du propriétaire bienveillant ; que la cour d'appel, en se bornant à relever la nature et la situation des lieux, ainsi que l'absence de vestige d'une clôture sans constater l'existence d'actes matériels positifs de possession, n'a pas suffisamment motivé sa décision et a violé les articles 2229, 2232 et 2283 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile" ; Mais attendu, d'une part, que l'arrêt n'a pas constaté que les époux B... reconnaissaient le droit de propriété des consorts A... sur la cour litigieuse ;
Attendu, d'autre part, que l'action possessoire pouvant être exercée entre communistes contre des actes ayant pour conséquence directe une restriction aux droits utiles exercés par un autre copossesseur, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à de simples allégations de fait dénuées de toute offre de preuve, n'a pas violé les textes visés au moyen en retenant que les parties s'étaient comportées comme des utilisateurs communs de la cour litigieuse et que les époux B... pouvaient obtenir la suppression du portail constituant un trouble à leur possession ; D'où il suit que le moyen qui, pour partie, manque en fait, n'est pas fondé pour le surplus ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;