REJET du pourvoi formé par :
- X... Daniel,
- la société France Quick,
contre l'arrêt (n° 621) de la cour d'appel de Versailles (7e chambre), en date du 24 juin 1987 qui, sur renvoi après cassation et dans une procédure suivie contre lui pour infraction à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 relative à l'emploi de la langue française, s'est prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement que, dans les menus et la publicité des restaurants exploités par la société dont X... est le directeur général, un certain nombre de mets ou boissons étaient proposés à la vente sous des appelations empruntées à la langue anglaise ; que le prévenu a été poursuivi pour infraction à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 relative à l'emploi de la langue française ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 567, 591 à 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la cour de Versailles, cour d'appel de renvoi après cassation, a confirmé purement et simplement le jugement du 14 février 1984, et a donc condamné X... à une amende ;
" alors que la cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 14 décembre 1984, avait relaxé X... ; que la Cour de Cassation a expressément énoncé que la censure de cette décision, prononcée sur le seul pourvoi de la partie civile, était limitée aux seules dispositions civiles de l'arrêt ; que la cour d'appel de renvoi ne pouvait donc revenir sur la relaxe de X... " ;
Attendu qu'en énonçant " qu'elle confirmait le jugement " la cour d'appel, qui a elle-même souligné qu'elle était seulement saisie des dispositions civiles de celui-ci, a nécessairement entendu ne se prononcer que sur ces dernières ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1 et 2 de la loi n° 75-1349 du 31 décembre 1975, de l'article 13 de la loi du 1er août 1905, défaut de base légale et défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de la contravention d'infraction à la loi du 31 décembre 1975 relative à l'emploi de la langue française ;
" aux motifs que le prévenu avait offert au consommateur des aliments désignés par des termes (Giant, Fishburger, Cheeseburger, etc.) ne relevant pas de la langue française ; que ces termes ne constituent pas la dénomination de produits typiques, comme le sont, par exemple, ceux de plum-pudding ou de spaghetti ;
" alors que la cour d'appel devait rechercher, comme elle y était invitée, si les termes utilisés pour désigner les produits pouvaient être remplacés par une expression française équivalente, et s'ils ne constituaient pas de véritables marques commerciales, échappant à l'empire de la loi du 31 décembre 1975 " ;
Attendu qu'il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt attaqué, ni des conclusions du prévenu, que celui-ci ait fait valoir devant la cour d'appel la nécessité, pour cette juridiction, de rechercher si au regard des dispositions du décret du 7 janvier 1972, alors applicable, existait, en vue de la traduction de chacune des dénominations en langue anglaise incriminées, un équivalent français ; qu'il n'en ressort pas davantage que le demandeur ait alors allégué que lesdites dénominations constituaient autant de marques commerciales régulièrement déposées, et donc opposables aux tiers, qui, comme telles, auraient échappé aux prescriptions de la loi du 31 décembre 1975 ;
Attendu, dès lors, que, nouveau et mélangé de fait et de droit, le moyen est irrecevable devant la Cour de Cassation ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 30 à 36, 52 à 60 et 177 du traité de Rome, de l'article 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de saisir d'une question préjudicielle la Cour de justice des Communautés européennes ;
" aux motifs, propres et repris des premiers juges, que les articles 30 à 36 du traité de Rome ne concernent que les restrictions d'importation ou d'exportation dans un pays donné ; qu'en l'espèce, les produits litigieux ne sont pas des produits importés ; que, d'ailleurs, les dispositions de la loi du 31 décembre 1975 ne sont appliquées aux produits importés de la Communauté économique européenne qu'au stade de la commercialisation, contrairement aux produits importés des pays tiers ;
" alors que toute législation susceptible d'entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire et de nuire à la liberté d'établissement, doit être considérée comme incompatible avec le traité de Rome ; que la question de compatibilité de la loi du 31 décembre 1975 avec ce traité est très sérieuse, et que la Cour de Cassation devra en saisir la Cour de justice des Communautés européennes " ;
Attendu que pour se refuser à saisir d'une question préjudicielle la Cour de justice des Communautés européennes la juridiction du second degré énonce que " les articles 30 à 36 de la convention relative aux Communautés européennes ne concernent que les restrictions d'importation ou d'exportation dans un pays donné ; que le fait que soit interdit l'usage d'une dénomination non française de produits fabriqués et vendus en France, comme le sont les différents " sandwichs " et boissons vendus par X..., rend inapplicables les articles susvisés, ne s'agissant pas de produits importés " ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs la cour d'appel n'a pas encouru les griefs allégués dès lors que, les mets ou boissons distribués par le demandeur étant fabriqués et consommés en France, l'obligation de les désigner par des appellations françaises ne constituerait une entrave au commerce intracommunautaire que si se trouvait ainsi restreinte la libre circulation des marchandises considérées, ce qui n'est nullement le cas en l'espèce ; qu'en conséquence, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.