CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Benjamin,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Montpellier, en date du 15 décembre 1987, qui, pour pollution, l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel de Béziers.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Vu l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation, en date du 15 mai 1985, portant désignation de la chambre d'accusation de Montpellier ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 684 du Code de procédure pénale que, lorsque la chambre d'accusation a été saisie dans les conditions prévues par les articles 679 et 681 du même Code, et par dérogation à l'article 574, l'arrêt portant renvoi de l'inculpé devant le tribunal correctionnel peut, dans tous les cas, faire l'objet d'un pourvoi en cassation ;
Que tel est le cas en l'espèce et que le pourvoi est, dès lors, recevable ;
Sur le premier moyen de cassation :
Attendu que le demandeur a déclaré expressément s'en désister ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 104, 105, 172, 591, 593, 681, 802 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité du procès-verbal d'audition du demandeur en qualité de témoin ;
" aux motifs qu'il est constant que, bien que déposée " contre inconnu ", la plainte en date du 19 novembre 1985 adressée par M. Y... à la chambre d'accusation, tend à mettre en évidence la responsabilité des maires de Roquefort et de Tournemire ; qu'il est exact que, par erreur, il a été demandé, par une première commission rogatoire, en date du 28 octobre 1986, au magistrat instructeur de Millau, lequel s'y est conformé, de procéder à l'audition du demandeur en qualité de témoin, sous réserve des dispositions de l'article 105 du Code de procédure pénale, alors que c'est l'article 104 du même Code qui devait recevoir application en l'espèce ; que, cependant, la chambre d'accusation constate que, dans sa déposition en qualité de témoin, le 11 décembre 1986, à laquelle il avait acquiescé après notification des termes de l'article 105, puis dans son interrogatoire de première comparution le 6 juillet 1987, après inculpation le 6 juillet 1987 en exécution d'une seconde commission rogatoire délivrée le 10 juin 1987, X... a fait des déclarations similaires, reconnaissant tout à la fois la réalité indéniable à l'époque en 1980 de la pollution de " Soulzon " et son origine ; que par ailleurs, le demandeur a accepté, lors de son interrogatoire de première comparution, de s'expliquer immédiatement sans l'assistance de son conseil, désigné ultérieurement ; que dans ces conditions, la Cour estime qu'il n'y a pas eu atteinte aux droits de la défense ou aux intérêts de l'inculpé ;
" alors que, d'une part, constitue une violation de l'article 104 du Code de procédure pénale, l'audition en qualité de témoin d'une personne nommément visée dans la plainte sans que l'avertissement prévu par ce texte leur ait été donné ; qu'il s'agit là d'une règle d'ordre public dont la violation a mis le demandeur dans l'impossibilité d'apprécier la mesure de ses droits ; que, par suite, doit être annulé le procès-verbal d'audition du 11 décembre 1986 et les actes subséquents ;
" alors, d'autre part, et en tout état de cause, que viole les droits de la défense et porte atteinte aux intérêts du demandeur l'audition de celui-ci en qualité de témoin en violation des dispositions précitées dès lors que la chambre d'accusation qui constate la concordance des déclarations lors du procès-verbal d'audition du 11 décembre 1986 et lors de l'interrogatoire de première comparution s'appuie sur ces déclarations pour renvoyer le demandeur devant le tribunal correctionnel ;
Vu lesdits articles ;
Attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 104 du Code de procédure pénale, en ses dispositions antérieures à la loi du 30 décembre 1987, toute personne nommément visée par une plainte avec constitution de partie civile peut refuser d'être entendue comme témoin ; que le juge d'instruction l'en avertit après lui avoir donné connaissance de la plainte ;
Attendu, d'autre part, que lorsqu'une plainte avec constitution de partie civile a amené à la désignation d'une juridiction par la chambre criminelle de la Cour de Cassation, sur le fondement de l'article 681 du Code de procédure pénale, comme pouvant être chargée d'une instruction dans laquelle l'une des personnes visées à cet article est susceptible d'être inculpée, les dispositions de l'article 104 susvisé sont applicables lors de l'audition de cette personne ;
Attendu, enfin, que les dispositions de l'article 802 du Code de procédure pénale ne sont applicables que lorsque la violation de formes prescrites par la loi à peine de nullité ou l'inobservation de formalités substantielles n'a pas eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie concernée ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Y... a, le 17 novembre 1979, déposé auprès du juge d'instruction une plainte pour pollution, contre personne non dénommée mais désignée comme étant le maire de Roquefort ; que, par arrêt en date du 15 mai 1985, la chambre criminelle de la Cour de Cassation a désigné la chambre d'accusation de Montpellier comme pouvant être chargée de l'instruction ; qu'après réitération de sa plainte par Y..., une information a été ouverte devant cette juridiction ; que celle-ci a alors chargé l'un de ses membres de procéder aux actes d'instruction nécessaires ; que, sur commission rogatoire de celui-ci, X..., maire de Roquefort, a été entendu, sans que lui eût été donné l'avertissement prévu par l'article 104 du Code de procédure pénale en sa rédaction alors en vigueur ;
Attendu qu'après avoir constaté l'irrégularité ainsi commise, la chambre d'accusation refuse d'annuler la procédure, au motif qu'il n'y avait pas eu atteinte aux droits de la défense au sens de l'article 802 du Code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que X... avait été entendu sur le fond et avait reconnu les faits objet de la plainte lors de l'audition litigieuse, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des dispositions susvisées ;
Que la cassation est, dès lors, encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Montpellier, en date du 15 décembre 1987, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nîmes.