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23/01/1989 | FRANCE | N°87-81539

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 janvier 1989, 87-81539


REJET des pourvois formés par :
- X... Jean,
- Y... Jacques,
- European Brazilian Bank Limited, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 17 décembre 1986, qui, dans la procédure suivie contre les deux premiers et contre Z... Alain, des chefs d'escroquerie et complicité, établissement de certificats ou attestations faisant état de faits inexacts et complicité, et infractions à la législation sur les relations financières avec l'étranger et complicité, a condamné X... à 5 ans d'emprisonnement dont 2 avec sursis et Y...

à 2 ans d'emprisonnement dont 1 avec sursis, ainsi que tous deux solidair...

REJET des pourvois formés par :
- X... Jean,
- Y... Jacques,
- European Brazilian Bank Limited, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 17 décembre 1986, qui, dans la procédure suivie contre les deux premiers et contre Z... Alain, des chefs d'escroquerie et complicité, établissement de certificats ou attestations faisant état de faits inexacts et complicité, et infractions à la législation sur les relations financières avec l'étranger et complicité, a condamné X... à 5 ans d'emprisonnement dont 2 avec sursis et Y... à 2 ans d'emprisonnement dont 1 avec sursis, ainsi que tous deux solidairement à des pénalités douanières, qui a relaxé Z... du chef d'escroquerie et qui a statué sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de leur connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
I-Sur les pourvois des prévenus :
Attendu que X... s'est désisté du troisième moyen proposé en son nom ;
Qu'il y a lieu de lui en donner acte ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par Jean X... et pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean X... coupable d'escroquerie ;
" aux motifs que X... a bien fait usage de manoeuvres frauduleuses consistant à faire attester par des tiers, expert immobilier, notaire, banquier, l'existence de fausses entreprises, en l'espèce d'un patrimoine immobilier d'une valeur très supérieure à la réalité, en tout cas très loin de correspondre au double du montant du prêt sollicité, et donné en garantie de première hypothèque alors qu'une partie du patrimoine offert en était déjà grevé ; que ces entreprises, fausses au sens de l'article 405 du Code pénal de par leur valeur intrinsèque, l'étaient encore de par les modalités de leur organisation imaginée par X... sous forme de SCI de pure façade, constituées dans le dessein de renforcer encore la crédibilité de son crédit auprès de l'organisme prêteur ; qu'il en est ainsi résulté la mise en place de garanties illusoires quant à la valeur du patrimoine offert en gage, à sa consistance véritable ou à la réalité même des garanties offertes ; qu'en agissant de la sorte, X... faisait naître en EBB, l'espérance chimérique de la réalisation éventuelle des biens donnés en gage et de leur suffisance à couvrir le montant du prêt consenti ; qu'il ne sera jamais assez rappelé l'importance attachée par le prêteur à la valeur des biens hypothéqués et à la nécessité de garantir le remboursement par des inscriptions de premier rang, à telle enseigne que dans chaque acte constitutif du prêt sera rappelée l'obligation faite au notaire de tenir informé le prêteur à intervalles réguliers des fluctuations de la valeur du bien (exemple : prêt à la SCI La Dominante, acte de dépôt de pièces au rang des minutes de l'étude Y..., p. 18, D. 328) ; que pour avoir été déterminantes il importe que les manoeuvres aient été antérieures à la délivrance des fonds escroqués ; que X... fait à cet égard justement remarquer que la création des SCI précédant les prêts des 25 octobre et 6 novembre 1973, la production de pièces estimées déterminantes (constitution de garanties en première hypothèque, attestations sur la solvabilité et l'honorabilité des gérants des SCI, attestation de l'expert sur la valeur des biens offerts en gage) ont été très souvent postérieures à la signature des contrats de prêt, qui ne pourrait donc avoir été conditionné par des circonstances survenues après leur signature ; qu'il importe de noter l'existence d'un décalage entre le contrat lui-même et le déblocage effectif des fonds, qui constitue le moment exact auquel la victime s'est dessaisie de son bien et où a été constitué le délit d'escroquerie ;
que surtout il convient de relever le rôle décisif tenu dans l'ensemble de ce mécanisme par la Banque de l'union parisienne, dite banque trustée et qui avait pour mandat de contrôler sur place, pour le compte du prêteur, demeurant à l'étranger et mal structuré pour procéder lui-même aux vérifications nécessaires, que les conditions posées (essentiellement patrimoine valant le double des sommes prêtées, couverture par une hypothèque en premier rang, régularité des diverses opérations annexes, solvabilité de X..., références favorables aux gérants des SCI étaient effectivement réunies ; que ce n'est qu'à la réception d'un télex émanant de A..., confirmant qu'au regard de ces diverses exigences tout était en ordre qu'il était procédé au déblocage des fonds, l'envoi du dossier complet n'étant que la régularisation matérielle de conditions considérées, au vu du contrôle du mandataire trustée (de confiance) comme réalisées ; que, dès lors, il peut être affirmé que les manoeuvres imputées à X... ont bien été antérieures et donc déterminantes de la remise des fonds ; qu'enfin le préjudice inhérent à l'infraction ainsi commise est suffisamment caractérisé dès que, comme en l'espèce, la remise des fonds n'a pas été librement consentie mais résulte de l'emploi de moyens frauduleux ;
" alors, d'une part, que la remise de la chose est réalisée par le seul fait que, par voie scripturale valant remise d'espèces, les fonds prétendument escroqués sont sortis du patrimoine de la prétendue victime, quand bien même ils seraient remis à un tiers et non à l'auteur prétendu du délit ; qu'en l'espèce, il résulte des propres énonciations de l'arrêt que les fonds prêtés par l'European Brazilian Bank étaient versés à Z... (p. 12), lequel, après avoir reçu de la banque de l'Union parisienne l'attestation que tout était en règle (p. 20) les lui transmettait, après avoir prélevé sa commission, pour faire parvenir le solde aux différentes SCI destinataires ; que la remise des fonds prétendument escroqués à l'European Brazilian Bank était donc achevée par le virement effectué par cette dernière au profit de la banque de Z... avant toute production des pièces estimées déterminantes ; qu'en considérant à tort que la remise résulterait de l'attestation délivrée par A..., directeur de la succursale de la banque de l'Union parisienne, qui déterminait seulement le transfert du solde des prêts par Z... aux SCI, la cour d'appel a violé les textes susvisés et notamment l'article 405 du Code pénal ;
" alors, d'autre part, que, à supposer que la remise soit constituée par le déblocage des fonds virés entre les mains de Z..., il appartenait aux juges du fond de rechercher si ce dernier avait été dupé en quoi que ce soit par les agissements reprochés au prévenu ; qu'il résulte, au contraire, des constatations de l'arrêt attaqué que Z... a agi en pleine connaissance de cause et dans son propre intérêt ; qu'ainsi la cour d'appel relève, d'une part, qu'il s'est personnellement rendu en France, avec B..., pour visiter les sites, essentiellement d'ailleurs celui de Ventabren, où X... entendait déployer son activité (arrêt p. 34, alinéa 3), et souligne, d'autre part, l'existence de l'intérêt personnel pris par Z... dans la réalisation à tout prix des prêts, au besoin même par des manoeuvres dont la création de SCI ; qu'en se prononçant ainsi qu'ils l'ont fait, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes précités " ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par le même et pris de la violation des articles 59, 60, 161 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean X... coupable d'établissement d'attestations faisant état de faits inexacts et de complicité d'établissement de faux certificats ;
" aux motifs que X... indirectement à l'origine de l'établissement des documents qui vont rapporter ces valeurs faussées (de son patrimoine), notamment de l'attestation du 19 mars 1973 qui, avec le document intitulé en cours de régularisation, vont constituer les premières preuves de sa solvabilité adressées à l'organisme prêteur pour emporter son consentement à la délivrance de prêts ; qu'ici encore X... est mal venu à soutenir que ces deux documents ont été établis à son insu ; que le notaire Y..., qui en est le rédacteur, a toujours affirmé que c'était à la demande pressante de X... qu'il l'avait établie, comme C..., qui la remettra à Z..., confirmera que c'était à l'initiative de celui-là qu'il l'avait faite ; que d'ailleurs X... concédera lui-même (D. 58) avoir reçu une lettre de Z... lui demandant une copie de cette attestation et que dans sa réponse il avait d'ailleurs attiré son attention sur le fait qu'il n'était pas encore propriétaire des terrains de Ventabren ; que cela ne l'empêchera pourtant pas de contresigner, sans réserves, l'état, beaucoup plus détaillé, du 30 juin 1973 où les terrains de Ventabren apparaissent toujours parmi son actif pour une valeur totale de 10 400 000 francs ; qu'on voit mal pourquoi X..., comme Y... d'ailleurs, continuaient à attester, en un document revêtu du sceau de l'étude Y..., des faits précédemment reconnus erronés et que Y... démentira par une nouvelle lettre du 2 juillet 1973 adressée à Z..., créant ainsi la confusion dans la situation patrimoniale de X... en laissant subsister un état délibérément établi en connaissance de la fausseté de certains éléments (propriétés de Ventabren classées à l'actif) et manifestement dressé pour l'information du prêteur ; que, de même, dans l'attestation en cours de régularisation, qui apparaît comme un complément à la précédente, dont elle reprend le montant global, est encore indiqué un bien (Nîmes, pour 5 800 000 francs) dont il n'est pas encore propriétaire, l'acte d'achat ne devant être passé que le 17 septembre 1973 ; que ce second document tamponné de " L'Organisation internationale des experts ", association dont a fait partie X..., ne peut donc venir que de ce dernier, dès lors que la pièce n'apparaît manifestement pas émaner de cet organisme ;
enfin que si les fausses attestations sur la situation hypothécaire des biens grevés sont le fait du notaire Y..., X... ne peut davantage se dire étranger au caractère illusoire des garanties données à l'organisme prêteur alors que ce dernier avait fait de l'octroi d'une hypothèque en premier rang une des conditions déterminantes du prêt " ;
" alors, d'une part, que la complicité suppose que le complice ait participe à la commission de l'infraction par l'un des moyens définis à l'article 60 du Code pénal ; qu'en se bornant à énoncer que X... ne pourrait se dire étranger au caractère illusoire des garanties attestées sans indiquer en quoi il aurait procuré aux auteurs des attestations des moyens quelconques, les aurait aidés ou assistés ou autrement provoqués, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision violant ainsi les textes précités et notamment l'article 60 du Code pénal ;
" alors, d'autre part, que le délit prévu et réprimé par l'article 161 du Code pénal suppose que l'auteur du faux certificat l'ait établi sciemment ; qu'en l'espèce, il résulte des propres énonciations de l'arrêt que X... et le notaire Y... avaient attiré l'attention de Z... sur les erreurs que comportait l'attestation du 19 mars 1973 complétée et l'état du 30 juin 1973 ; qu'en ne caractérisant nullement l'intention coupable du prévenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités " ;
Et sur le troisième moyen de cassation proposé par Jacques Y... et pris de la violation des articles 59, 60, 151, 405 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... coupable du délit d'établissement de certificats faisant état de faits matériellement inexacts, et du délit de complicité d'escroquerie ;
" aux motifs que par deux attestations successives (du 19 mars 1973 et du 30 juin 1973) portant le sceau de son étude, Me Y... a réalisé une énumération erronée des biens immobiliers appartenant à X... ; qu'il avait par ailleurs rédigé de fausses attestations sur la situation hypothécaire des biens donnés en garantie en précisant notamment que les garanties hypothécaires de premier rang prévues aux contrats signés par le gérant (de chaque société) ont bien été conférées, en sorte que tout est en ordre, cette formule étant de nature à renforcer la croyance du prêteur dans la réalisation d'une des conditions posées à l'octroi des prêts, à savoir la délivrance d'une hypothèque de premier rang ;
" que notamment l'attestation de Me Y... du 19 mars 1973 ainsi que l'attestation relative aux hypothèques s'adressaient à un organisme bancaire étranger naturellement enclin à porter foi et crédit (p. 28, 6e alinéa, p. 32, 8e alinéa) ;
" qu'ainsi la légèreté et l'absence de tout contrôle de la part du notaire avant de certifier en sa qualité d'officier ministériel ces éléments essentiels à la délivrance des prêts, la docilité même avec laquelle il se pliera à des demandes émanant de X... ou de A..., directeur de la BUP, la précaution qu'il prendra de se faire décharger expressément de toute responsabilité personnelle par les vendeurs de terrains déclarés constructibles, tous ces éléments concourent à établir la conscience qu'avait ce notaire à se prêter à une mise en scène destinée à surprendre le consentement du prêteur de fonds et à escroquer partie de sa fortune, abusant ainsi auprès de tiers de sa qualité de notaire " ;
" alors que, d'une part, les attestations énumérant les biens immobiliers de X... visaient, pour partie, des biens ayant fait l'objet de promesse de vente dont l'existence était alors connue de Z... lui-même (pièce D. 249), et dont la réalité avait été confirmée à Me Y... par un certificat de Me D..., notaire à Istre, ainsi que le prévenu le soulignait dans ses conclusions d'appel (p. 5) ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces faits déterminants invoqués par Me Y... et qui démontraient que ce dernier n'avait pas établi des attestations inexactes et qu'elles n'avaient pu, de surcroît, tromper l'établissement prêteur, puisque Z... reconnaissait avoir été informé de la consistance de ces biens, la cour d'appel, qui n'a pas motivé sa décision, a méconnu les textes susvisés ;
" alors que, d'autre part, en relevant (p. 31, 2e alinéa) le rôle décisif tenu dans l'ensemble de ce mécanisme par la Banque de l'union parisienne (BUP), dite banque trustée et qui avait pour mandat de contrôler sur place, pour le compte du prêteur, demeuré à l'étranger et mal structuré pour procéder lui-même aux vérifications nécessaires, que ces conditions posées (...) étaient effectivement réunies, la cour d'appel ne pouvait sans contradiction affirmer que Me Y... avait cherché à induire en erreur un organisme bancaire étranger qui aurait été abusé par le notaire ; qu'en statuant par de tels motifs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a méconnu les textes susvisés ;
" alors qu'enfin, la complicité suppose que l'aide ou l'assistance prêtée à l'auteur principal ait été antérieure ou concomitante à l'infraction reprochée ; qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que ce n'est qu'à la réception d'un télex émanant de A..., directeur de la BUP (..), qu'il était procédé au déblocage des fonds, l'envoi du dossier complet n'étant que la régularisation matérielle de conditions considérées au vu du contrôle du mandataire trustée (de confiance) comme réalisées ; que les rapports d'évaluation des biens immobiliers utilisés par Me Y... et confirmés-à la demande de l'Eurobraz-par le cabinet Roux à Marseille, ainsi que les attestations relatives aux hypothèques, faisaient partie de ce dossier complet reçu par l'Eurobraz après le déblocage des fonds ;
" qu'ainsi, n'ayant eu connaissance de la situation de l'emprunteur qu'après avoir envoyé les fonds, l'Eurobraz n'a pu être trompée par les attestations litigieuses imputées au prévenu ; que dès lors, l'arrêt attaqué n'a pas caractérisé la prétendue collusion antérieure ayant pu exister entre le prévenu et l'auteur principal du délit, et n'a donc pas donné de base légale à sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de constater que la cour d'appel, pour déclarer X... coupable d'escroquerie ainsi que d'établissement d'attestations faisant état de faits inexacts et de complicité d'établissement de faux certificats, et Y... coupable d'établissement de certificats faisant état de faits matériellement inexacts ainsi que de complicité d'escroquerie, a caractérisé sans insuffisance ni contradiction, en tous leurs éléments constitutifs, les infractions retenues à la charge des prévenus ;
Que, dès lors, les moyens proposés, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus devant eux, ne sauraient être accueillis ;
Sur le cinquième moyen de cassation proposé par Jean X... et pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'European Brazilian Bank ;
" aux motifs que la partie civile est bien fondée à réclamer réparation du préjudice qui a pu lui être causé par l'escroquerie commise par les prévenus ;
" alors, d'une part, que la victime qui a volontairement participé à l'infraction est irrecevable à se prévaloir d'un préjudice découlant directement de celle-ci ; qu'en l'espèce, il résulte des propres énonciations du jugement et de l'arrêt qu'à l'époque des faits, l'European Brazilian Bank était représentée par son directeur général B... et son administrateur E..., lesquels ont partagé avec Alain Z..., par le moyen de versements à une société installée à Vaduz, une commission d'émission prélevée par ce dernier lors de l'octroi des prêts ; qu'il en résulte que le préjudice de la banque résultait essentiellement des agissements de ses propres dirigeants, ce qui interdisait à la banque d'exercer l'action civile sur le fondement d'une prétendue escroquerie ; qu'en déclarant recevable l'action de la banque, les juges du fond ont refusé de tirer les conséquences légales de leurs propres constatations, violant ainsi les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que l'action civile devant les juridictions répressives est une prérogative exceptionnelle qui n'est reconnue qu'à la victime qui a personnellement souffert d'un préjudice résultant directement de l'infraction ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations du jugement et de l'arrêt que l'European Brazilian Bank s'était dessaisie des fonds, en les versant à Z..., en Suisse, avant toute production des pièces jugées déterminantes ; que son préjudice résultait exclusivement de la décision, pour le moins hasardeuse, de ses dirigeants intéressés par ailleurs à la perception de commissions, et non pas directement des faits reprochés aux prévenus ; d'où il suit qu'en déclarant recevable l'action civile de la banque, la cour d'appel a, derechef, violé les textes précités " ;
Et sur le quatrième moyen de cassation proposé par Jacques Y... et pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'European Brazilian Bank ;
" aux motifs que la partie civile est bien fondée à réclamer réparation du préjudice qui a pu lui être causé par l'escroquerie commise par les prévenus ;
" alors, d'une part, que la victime qui a volontairement participé à l'infraction est irrecevable à se prévaloir d'un préjudice découlant directement de celle-ci ; qu'en l'espèce, il résulte des propres énonciations du jugement et de l'arrêt qu'à l'époque des faits, l'European Brazilian Bank était représentée par son directeur général B... et son administrateur E..., lesquels ont partagé avec Alain Z..., par le moyen de versements à une société installée à Vaduz, la commission prélevée par ce dernier lors de l'octroi des prêts ; qu'il en résulte que le préjudice de la banque résultait essentiellement des agissements de ses propres dirigeants, ce qui interdisait à la banque d'exercer l'action civile sur le fondement d'une prétendue escroquerie ; les juges du fond ont refusé de tirer les conséquences légales de leurs propres constatations, violant ainsi les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que l'action civile devant les juridictions répressives est une prérogative exceptionnelle qui n'est reconnue qu'à la victime qui a personnellement souffert d'un préjudice résultant directement de l'infraction ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations du jugement et de l'arrêt, que l'European Brazilian Bank s'était dessaisie des fonds, en les versant à Z..., en Suisse, avant toute production des pièces jugées déterminantes ; que son préjudice résultait exclusivement de la décision, pour le moins hasardeuse, de ses dirigeants intéressés par ailleurs à la perception de commissions, et non pas directement des faits reprochés aux prévenus ; d'où il suit qu'en déclarant recevable l'action civile de la banque, la cour d'appel a, derechef, violé les textes précités " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les moyens proposés, sous couvert d'arguments nouveaux mélangés de fait et de droit, se bornent à reprendre une exception d'irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'European Brazilian Bank ayant mis en mouvement l'action publique invoquée par l'un des prévenus devant la cour d'appel ;
Attendu que l'arrêt attaqué a, à bon droit, déclaré irrecevable ladite exception comme n'ayant pas été soulevée avant toute défense au fond et a, par ailleurs, justifié la recevabilité de ladite constitution de partie civile au regard de l'article 2 du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par Jacques Y... et pris de la violation des articles 1, 3 et 5 de la loi du 29 décembre 1966, 343, 351 et 458 du Code des douanes, 6, 7 et 8, 203, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription de l'action publique sur les poursuites d'infraction à la législation sur les changes ;
" aux motifs (p. 9 de l'arrêt) qu'il est de principe jurisprudentiel communément admis que l'effet interruptif d'un acte s'étend du fait visé à l'acte de poursuite aux faits qui lui sont connexes ;
" que la direction des Douanes reproche à X... d'avoir, avec la complicité de Y... et de Z..., contrevenu à la réglementation des changes en fractionnant arbitrairement en 24 parties le prêt d'un montant total de 42 029 934, 52 francs obtenu d'une banque étrangère, l'EBB, société ayant son siège social à Londres, que, dans le même temps, il est reproché à X... d'avoir obtenu la délivrance de ce même prêt en employant des manoeuvres frauduleuses, notamment en ayant recours à la création de 24 sociétés civiles immobilières correspondant au fractionnement précité ;
" que c'est donc la même somme litigieuse qui est susceptible de constituer tout à la fois le montant tant de l'escroquerie incriminée par l'EBB et des fonds introduits sur le territoire national en infraction à la réglementation sur les changes ; que cette situation répond bien à la définition que donne de la connexité l'article 203 du Code de procédure pénale dès lors qu'il existe entre les faits qualifiés d'escroquerie et ceux poursuivis comme constituant une infraction aux changes des rapports étroits analogues à ceux que la loi a ainsi spécialement prévus ; qu'il importe peu que ces faits conservent une indépendance l'un par rapport à l'autre, puisqu'ils se rapportent, comme en l'espèce, à une même action et ont été perpétrés par le même auteur " ;
" alors, d'une part, que l'ouverture d'une information pour délit de droit commun n'interrompt la prescription des contraventions à la réglementation des changes que si les délits sont indivisibles et procèdent des mêmes faits ; qu'il ne suffit pas que les délits aient eu le même objet ; qu'il faut encore qu'ils aient des éléments caractéristiques communs ; qu'en l'espèce, l'escroquerie qui aurait été commise au détriment de l'Euro-Braz, par l'emploi de manoeuvres frauduleuses retenues par les juges du fond est entièrement indépendante de la prétendue infraction à la réglementation des changes consistant à avoir obtenu des prêts à l'étranger sans autorisation ; d'où il suit qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que les délits poursuivis sont si peu indivisibles et si peu connexes que les juges du fond ont, tout à la fois, relaxé Z... de la prévention d'escroquerie et retenu à l'encontre du même prévenu, celle de contravention à la réglementation des changes ; d'où il suit qu'en se prononçant ainsi qu'ils l'ont fait, les juges du fond ont entaché leur décision de contradiction, ou du moins d'insuffisance de motif " ;
Attendu qu'il appert des motifs de l'arrêt attaqué, reproduits au moyen, que la cour d'appel a, à bon droit, rejeté l'exception de prescription de l'action publique invoquée par le prévenu à l'égard des infractions à la législation sur les changes qui lui sont reprochées ;
Qu'il s'ensuit que le moyen, en ce qu'il reprend la même exception, ne peut qu'être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé par Jean X... et pris de la violation des articles 4 du Code pénal, 1, 3 et 5 de la loi du 28 décembre 1966, 6 du décret du 27 janvier 1967, 67 et suivants du Traité instituant la Communauté économique européenne, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean X... coupable d'infraction à la législation sur les changes ;
" aux motifs qu'à l'époque des faits visés à la prévention les emprunts à l'étranger étaient, aux termes de l'article 6 du décret n° 67-68 du 27 janvier 1967 fixant les modalités d'application de la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966, soumis à autorisation préalable du ministre de l'Economie et des Finances, sauf s'ils répondaient à certaines conditions dont la détermination était laissée à l'appréciation du ministre sous forme de circulaire ; que la circulaire du 21 mars 1969 avait à cet égard dispensé d'autorisation préalable les emprunts dont le montant total n'excédait pas 2 millions de francs ; que le caractère totalement fictif des SCI créées à l'initiative de X... et derrière lesquelles il dissimulait ses opérations immobilières va amener la décision en fractions ne dépassant pas 2 millions de francs, d'un prêt initialement prévu pour un seul montant d'environ 40 millions de francs, donc soumis à l'autorisation préalable du ministère des Finances ;
" alors, d'une part, que les relations financières entre la France et l'étranger sont libres ; que si, aux termes de l'article 3 de la loi du 28 décembre 1966, le Gouvernement peut, par décret, soumettre à déclaration l'autorisation préalable au contrôle les opérations de change, les mouvements de capitaux et les règlements de toute nature entre la France et l'étranger, ce texte ne permettait nullement de soumettre à autorisation préalable, ainsi que l'a fait l'article 6 du décret du 27 janvier 1967, tous les emprunts à l'étranger ; que les sanctions de l'article 459 du Code des douanes ne sont encourues qu'en cas de contravention aux mesures visées à l'article 3 de la loi du 28 décembre 1966 ; qu'en considérant que la prohibition des emprunts à l'étranger, sauf autorisation préalable du ministre, serait une de ces mesures, la cour d'appel a violé les textes précités ;
" alors, d'autre part, qu'une telle prohibition, et la sanction disproportionnée qu'elle comporte, est inapplicable à l'égard des emprunts contractés auprès d'un établissement financier établi dans un Etat membre de la Communauté économique européenne ; qu'en effet une telle entrave constitue une restriction aux mouvements de capitaux prohibés par l'article 67 du Traité ; qu'en faisant application de cette restriction cependant qu'elle avait constaté que l'emprunt avait été contracté auprès de l'European Brazilian Bank établie à Londres, la cour d'appel a, derechef, violé les textes susvisés ;
" alors, de troisième part, qu'une loi nouvelle, même de nature économique, qui abroge une ou des incriminations pénales s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés ; qu'en l'espèce, ont été dispensés d'autorisation les emprunts en devises à l'étranger dans la limite d'un plafond fixé à 10 millions par la circulaire du 19 janvier 1974 et porté à 50 millions par la circulaire du 28 mars 1983 ; que, par l'effet de ces textes, le prêt reproché au prévenu avait perdu son caractère répréhensible ; qu'en considérant néanmoins qu'il constituerait une infraction, la cour d'appel a violé le principe sus-rappelé " ;
Et sur le deuxième moyen de cassation proposé par Y... et pris de la violation des articles 4 du Code pénal, 1, 3 et 5 de la loi du 28 décembre 1966, 6 du décret du 27 janvier 1967, 67 et suivants du Traité instituant la Communauté économique européenne, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques Y... coupable de complicité d'infraction à la législation sur les changes ;
" aux motifs qu'à l'époque des faits visés à la prévention, les emprunts à l'étranger étaient, aux termes de l'article 6 du décret n° 67-68 du 27 janvier 1967 fixant les modalités d'application de la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966, soumis à autorisation préalable du ministre de l'Economie et des Finances, sauf s'ils répondaient à certaines conditions dont la détermination était laissée à l'appréciation du ministre sous forme de circulaire ; que la circulaire du 21 mars 1969 avait, à cet égard, dispensé d'autorisation préalable les emprunts dont le montant total n'excédait pas 2 millions de francs ; que le caractère totalement fictif des SCI créées à l'initiative de X... et derrière lesquelles il dissimulait ses opérations immobilières va amener la décision en fractions ne dépassant pas 2 millions de francs, d'un prêt initialement prévu pour un seul montant d'environ 40 millions de francs, donc soumis à l'autorisation préalable du ministère des Finances ;
" alors, d'une part, que les relations financières entre la France et l'étranger sont libres ; que si, aux termes de l'article 3 de la loi du 28 décembre 1966, le Gouvernement peut, par décret, soumettre à déclaration l'autorisation préalable au contrôle des opérations de change, les mouvements de capitaux et les règlements de toute nature entre la France et l'étranger, ce texte ne permettait nullement de soumettre à autorisation préalable, ainsi que l'a fait l'article 6 du décret du 27 janvier 1967, tous les emprunts à l'étranger ; que les sanctions de l'article 459 du Code des douanes ne sont encourues qu'en cas de contravention aux mesures visées à l'article 3 de la loi du 28 décembre 1966 ; qu'en considérant que la prohibition des emprunts à l'étranger, sauf autorisation préalable du ministre, serait une de ces mesures, la cour d'appel a violé les textes précités ;
" alors, d'autre part, qu'une telle prohibition, et la sanction disproportionnée qu'elle comporte, est inapplicable à l'égard des emprunts contractés auprès d'un établissement financier établi dans un Etat membre de la Communauté économique européenne ; qu'en effet une telle entrave constitue une restriction aux mouvements de capitaux prohibée par l'article 67 du Traité ; qu'en faisant application de cette restriction cependant qu'elle avait constaté que l'emprunt avait été contracté auprès de l'European Brazilian Bank établie à Londres, la cour d'appel a, derechef, violé les textes susvisés ;
" alors, de troisième part, qu'une loi nouvelle, même de nature économique, qui abroge une ou des incriminations pénales s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés ; qu'en l'espèce, ont été dispensés d'autorisation les emprunts en devises à l'étranger dans la limite d'un plafond fixé à 10 millions par la circulaire du 19 janvier 1974 et porté à 50 millions par la circulaire du 28 mars 1983 ; que, par l'effet de ces textes, le prêt reproché au prévenu avait perdu son caractère répréhensible ; qu'en considérant néanmoins qu'il constituerait une infraction, la cour d'appel a violé le principe sus-rappelé " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'on ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir déclaré X... et Y... coupables d'une infraction à la loi du 28 décembre 1966 sur les relations financières avec l'étranger, le premier en qualité d'auteur, le second au titre de la complicité, à raison d'un emprunt d'environ 40 millions de francs contracté en 1973, sans autorisation préalable du ministre des Finances, auprès d'un établissement financier établi en Grande-Bretagne ;
Qu'en effet, dès lors qu'il implique nécessairement l'importation de la somme prêtée et l'exportation des remboursements et intérêts, un tel emprunt constitue, entre la France et l'étranger, un mouvement de capitaux et entraîne des règlements financiers, soumis à autorisation ministérielle par l'article 3 de la loi susvisée et ses décrets d'application ;
Qu'il n'importe, en l'absence de toute abrogation de ladite loi, support légal de l'incrimination, que des textes réglementaires ou des circulaires aient postérieurement élevé ou supprimé les plafonds des emprunts contractés à l'étranger, de tels textes ou circulaires n'ayant aucun effet rétroactif ;
Qu'il n'importe également que l'établissement financier prêteur soit situé dans un Etat membre de la Communauté économique européenne, les articles 67, et 108, paragraphe 3, du traité de Rome ne faisant pas obstacle à des mesures nationales de contrôle de la circulation des capitaux, pénalement sanctionnées ;
Que dès lors, les moyens proposés sont inopérants et doivent être écartés ;
Sur le sixième moyen de cassation proposé par Jean X... et pris de la violation des articles 4 du Code pénal, 369, 451 et 459 du Code des douanes, 23 de la loi du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, 1 et 3 de la loi du 28 décembre 1966, 6 du décret du 27 janvier 1967, 67 et suivants du Traité instituant la Communauté économique européenne, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean X... coupable d'infractions à la législation sur les changes ;
" aux motifs qu'à l'époque des faits visés à la prévention les emprunts à l'étranger étaient, aux termes de l'article 6 du décret n° 67-68 du 27 janvier 1967 fixant les modalités d'application de la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966, soumis à autorisation préalable du ministre de l'Economie et des Finances, sauf s'ils répondaient à certaines conditions dont la détermination était laissée à l'appréciation du ministre sous forme de circulaire ; que la circulaire du 21 mars 1969 avait, à cet égard, dispensé d'autorisation préalable les emprunts dont le montant total n'excédait pas 2 millions de francs ; que le caractère totalement fictif des SCI créées à l'initiative de X... et derrière lesquelles il dissimulait ses opérations immobilières va amener la décision en fractions ne dépassant pas 2 millions de francs, d'un prêt initialement prévu pour un seul montant d'environ 40 millions de francs, donc soumis à l'autorisation préalable du ministère des Finances " ;
" alors qu'en l'absence de dispositions contraires expresses, une loi nouvelle qui abroge une ou des incriminations pénales ou qui institue des pénalités plus douces s'applique aux seuls faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés ; que les dispositions de l'article 369, paragraphe 2, du Code des douanes, applicables en matière d'infraction à la réglementation des relations financières avec l'étranger par le renvoi de l'article 451 du même Code, qui interdisaient aux tribunaux de relaxer les contrevenants pour défaut d'intention, ont été abrogées par l'article 23 de la loi du 8 juillet 1987 ; qu'en l'espèce, l'arrêt n'énonce nullement le caractère intentionnel de l'infraction de changes retenue à l'encontre du prévenu ; que la décision doit donc être annulée pour permettre à la juridiction de renvoi de procéder à un nouvel examen de la poursuite et apprécier s'il y a lieu de relaxer le prévenu pour défaut d'intention ; d'où il suit que l'annulation est encourue au regard des textes précités " ;
Attendu que la cour d'appel, bien qu'elle n'y fût pas tenue en l'état de l'article 369, paragraphe 2, du Code des douanes alors applicable, mais pour répondre aux arguments de défense du prévenu qui excipait de sa bonne foi, relève divers éléments du dossier et déclarations de témoins " d'où résulte la parfaite connaissance qu'avait X... d'enfreindre la réglementation des changes " ;
Qu'il n'y a lieu, malgré l'abrogation dudit article 369, paragraphe 2, par l'article 23 de la loi du 8 juillet 1987, de faire procéder à un nouvel examen des faits par les juges du fond, qui ont ainsi écarté l'exception de bonne foi ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
II.- Sur le pourvoi de la partie civile :
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société European Brazilian Bank et pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Alain Z... du chef d'escroquerie et débouté par voie de conséquence l'European Brazilian Bank, partie civile, de sa demande à l'encontre du prévenu ;
" alors qu'en matière d'escroquerie, l'intention frauduleuse réside dans la volonté chez l'agent d'obtenir une remise par l'usage d'un des moyens spécifiés à l'article 405 du Code pénal ; que l'escroquerie poursuivie et retenue à l'encontre de X... a eu pour objet de tromper l'European Brazilian Bank sur la consistance du patrimoine susceptible de couvrir les prêts sollicités et, ce faisant, d'obtenir frauduleusement la remise de sommes considérables ; que l'une des principales manoeuvres employées pour parvenir à ses fins a été la constitution de SCI fictives ; que l'arrêt a constaté que le courtier Z... a été l'intermédiaire entre la partie civile et X... dans toutes les tractations qui ont précédé la délivrance des prêts et dans la transmission des dossiers justificatifs ; que l'arrêt a enfin constaté expressément l'existence de l'intérêt personnel pris par ce professionnel dans la réalisation à tout prix de ces prêts, au besoin par des manoeuvres dont la création de SCI pour échapper à un contrôle bancaire d'un niveau supérieur et que, dès lors, l'arrêt qui avait caractérisé en tous ses éléments la mauvaise foi du prévenu, ne pouvait, sans contradiction, affirmer que cette mauvaise foi n'était pas établie avec certitude " ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué, et ceux du jugement que la cour d'appel adopte expressément sur ce point, établissent que les juges du fond, pour prononcer la relaxe de Alain Z... du chef du délit d'escroquerie au préjudice de la société European Brazilian Bank qu'il lui était reproché d'avoir commis de concert avec Jean X..., ont donné une base légale à leur décision, sans encourir le grief de contradiction allégué par la partie civile ;
Que, dès lors, le moyen proposé, qui se borne à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus devant ces juridictions, ne peut qu'être écarté ;
Sur les deux autres moyens de cassation réunis, proposés par la même partie civile et pris :
Le deuxième : de la violation de l'article 1382 du Code civil, des articles 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Y... à payer 20 millions de francs de dommages-intérêts, au titre de préjudice financier à l'European Brazilian Bank ;
" aux motifs que le préjudice financier existe également, mais ne peut être estimé comme le demande la partie civile au montant des intérêts calculés selon les contrats irrégulièrement obtenus ; qu'en effet, si l'escroquerie n'avait pas été commise, la banque aurait disposé de la somme escroquée pour la prêter à d'autres emprunteurs, sans qu'elle soit certaine de pouvoir aussi rapidement conclure d'autres prêts pour un tel montant, de telle sorte que le préjudice financier consécutif à l'infraction réside dans la perte de la possibilité d'obtenir des contrats identiques, et qui sera indemnisée par l'allocation d'une somme de 20 millions de francs ;
" alors, d'une part, que si les juges apprécient souverainement, dans les limites des conclusions de la partie civile, le montant des dommages-intérêts attribués à celle-ci en réparation du préjudice résultant pour elle de l'infraction, c'est à la condition de fonder leur décision sur l'importance réelle du dommage qu'ils sont tenus d'évaluer afin de le réparer dans son intégralité et qu'en réduisant arbitrairement du montant des intérêts calculés selon les contrats régulièrement établis par le banquier, en se fondant sur le motif hypothétique que celui-ci n'aurait peut-être pas été capable de trouver d'autres emprunteurs aux mêmes conditions sur le marché international, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
" alors, d'autre part, que le dol est une cause de nullité relative du contrat, dont seul le prêteur qui en a été victime peut se prévaloir devant le juge civil, seul compétent pour prononcer l'annulation du prêt, de sorte que le juge pénal, pour limiter l'indemnisation due par l'auteur de l'infraction, ne pouvait retenir à son profit la nullité du contrat qui n'avait été ni demandée ni prononcée par la juridiction compétente ;
" et alors enfin que la contradiction des motifs équivaut à leur absence et que la Cour ne pouvait donc, sur l'action civile, retenir que le préjudice financier ne pouvait être estimé au montant des intérêts calculés selon les contrats irrégulièrement obtenus dès lors que, sur l'action publique, elle avait retenu que les manoeuvres caractérisant l'escroquerie n'avaient pas été déterminantes de la conclusion des prêts, mais avaient eu pour objet et pour effet de tromper le prêteur sur la réalisation des conditions contractuelles mises au déblocage des fonds prêtés et avaient été " antérieures et donc déterminantes de la remise des fonds " ;
Le troisième : de la violation de l'article 405 du Code pénal, de l'article 1382 du Code civil, des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de la partie civile tendant à la réparation de son préjudice moral ;
" au motif que l'existence d'un préjudice moral, subi par l'EBB à la suite de cette escroquerie, n'est nullement démontrée si ce n'est par une pétition de principe et qu'il ne saurait être indemnisé ;
" alors que l'European Brazilian Bank faisait état dans ses conclusions d'un préjudice moral résultant plus particulièrement de ce que la remise des fonds prêtés avait été obtenue par des manoeuvres frauduleuses ; que les prévenus étaient poursuivis devant la juridiction correctionnelle pour escroquerie et complicité d'escroquerie ; que pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de X... et Y... l'arrêt a constaté que les manoeuvres frauduleuses employées avaient principalement eu pour objet de donner des garanties illusoires quant à la valeur du patrimoine de X... offert en gage, et de faire naître en EBB l'espérance chimérique de la réalisation éventuelle des biens donnés en gage et de leur suffisance à couvrir les prêts consentis ; que, dès lors, le préjudice moral dont faisait état la partie civile était un préjudice certain découlant directement de l'infraction poursuivie et qu'en refusant d'examiner sa demande et de se prononcer autrement que par des motifs insuffisants l'arrêt attaqué n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Attendu que la cour d'appel, après avoir déclaré la société European Brazilian Bank bien fondée à réclamer à Y..., complice de l'escroquerie dont elle a été reconnue victime, la réparation du préjudice causé par cette infraction, et après avoir fixé à une somme non contestée la fraction de ce préjudice constituée par le montant du prêt obtenu grâce aux manoeuvres frauduleuses retenues, a estimé devoir limiter à 20 millions de francs, pour les motifs que les juges exposent, le préjudice dit " financier " résultant de " la perte de la possibilité d'obtenir des contrats identiques ", au même taux d'intérêts, et a refusé l'indemnisation du préjudice moral également allégué par la partie civile, faute par cette dernière d'en démontrer l'existence " si ce n'est par une pétition de principe " ;
Attendu que la Cour de Cassation est ainsi en mesure de s'assurer que les juges du fond, sans encourir aucun des griefs invoqués par la société demanderesse, n'ont fait qu'user de leur pouvoir souverain d'appréciation pour déterminer, dans les limites des conclusions de la partie civile, l'étendue de la réparation qui lui était due à raison du dommage directement causé par l'infraction ;
D'où il suit que les deux moyens réunis doivent également être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-81539
Date de la décision : 23/01/1989
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CHANGES - Relations financières avec l'étranger - Infraction à la législation - Loi du 28 décembre 1966 - Maintien en vigueur - Décret ou arrêté d'application et circulaire - Rétroactivité (non).

1° Voir le sommaire suivant.

2° LOIS ET REGLEMENTS - Réglementation cambiaire - Application dans le temps - Loi du 28 décembre 1966 sur les relations financières avec l'étranger - Maintien en vigueur - Décret ou arrêté d'application et circulaire - Rétroactivité (non).

2° En l'absence de toute abrogation de la loi du 28 décembre 1966 sur les relations financières avec l'étranger, support légal des incriminations qu'elle édicte, les textes réglementaires ou circulaires pris pour son application n'ont pas d'effet rétroactif. Est ainsi justifiée la déclaration de culpabilité prononcée sur le fondement de l'article 459 du Code des douanes, du décret du 27 janvier 1967 et des circulaires prises pour l'exécution de celui-ci, applicables lors de la commission des faits, même si, ultérieurement, d'autres circulaires ont élevé ou supprimé les plafonds en deçà desquels l'autorisation n'est pas requise (1).

3° CHANGES - Lois et règlements - Application dans le temps - Loi nouvelle - Loi plus douce - Rétroactivité - Loi du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières - Loi abrogeant l'interdiction de la relaxe pour défaut d'intention - Effet - Instance en cours.

3° LOIS ET REGLEMENTS - Réglementation cambiaire - Rétroactivité - Loi plus douce - Loi abrogeant l'interdiction de la relaxe pour défaut d'intention - Effet - Instance en cours.

3° Est justifiée, tant au regard des textes du Code des douanes alors applicables qu'à celui des dispositions de la loi du 8 juillet 1987, notamment de son article 23 abrogeant l'article 369.2 dudit Code, la décision d'une cour d'appel retenant la culpabilité d'un prévenu des chefs d'infraction douanière et d'infraction cambiaire, dès lors qu'il résulte de ses énonciations, déduites d'une appréciation souveraine des faits et éléments de preuve contradictoirement débattus, que les juges ont écarté la bonne foi (2).


Références :

Code des douanes 369 al. 2
Code des douanes 459
Décret 67-68 du 27 janvier 1967 art. 6
Loi 66-1008 du 28 décembre 1966 art. 1, art. 3
Loi 66-1008 du 28 décembre 1966 art. 1, art. 3, art. 5
Loi 87-502 du 08 juillet 1987 art. 23

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17 décembre 1986

CONFER : (2°). A comparer : Chambre criminelle, 1988-01-25 , Bulletin criminel 1988, n° 33, p. 87 (annulation), et les arrêts cités. CONFER : (3°). Chambre criminelle, 1988-05-30 , Bulletin criminel 1988, n° 232, p. 604 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 jan. 1989, pourvoi n°87-81539, Bull. crim. criminel 1989 N° 24 p. 62
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1989 N° 24 p. 62

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Galand
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Hébrard
Avocat(s) : Avocats :la SCP Defrénois et Levis, la SCP Lemaitre et Monod, la SCP Lesourd et Baudin, la SCP Boré et Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:87.81539
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