LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Monsieur Gilbert X..., demeurant La Davière de Brie, Thouars (Deux-Sèvres),
en cassation d'un arrêt rendu le 21 janvier 1987 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), au profit :
1°/ de Monsieur Gérald Z..., demeurant ... (16ème),
2°/ de Monsieur Yves Z..., demeurant ...,
3°/ de Monsieur Bernard Z..., demeurant ...,
4°/ de Madame Paul Z... épouse C..., demeurant ... (Gironde),
défendeurs à la cassation ; Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 7 décembre 1988, où étaient présents :
M. Francon, président ; M. Chollet, conseiller référendaire rapporteur ; MM. A..., D..., B..., Gautier, Capoulade, Bonodeau, Peyre, Beauvois, Darbon, Mme Y..., M. Aydalot, conseillers ; MM. Cachelot, Garban, conseillers référendaires ; M. Marcelli, avocat général ; Mme Prax, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Chollet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Masse-Dessen et Georges, avocat de M. X..., de la SCP Waquet et Farge, avocat des consorts Z..., les conclusions de M. Marcelli, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique :
Attendu que M. X... ayant effectué des actes de culture à partir de 1975 sur une exploitation agricole ayant appartenu aux époux Z..., aux droits desquels se trouvent les consorts Z..., fait grief à l'arrêt attaqué (Poitiers, 21 janvier 1987) d'avoir dit que les rapports entre les parties étaient exclusifs d'un bail à ferme, alors, selon le moyen, "que, 1°/, toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter est impérativement soumise au statut du fermage, ce qui exclut la possibilité pour les parties de conclure des contrats innomés ; qu'en refusant de qualifier de bail à ferme la convention de l'espèce, exécutée pendant huit ans avant la survenance du litige, tout en reconnaissant qu'il ne pouvait pas s'agir d'un simple contrat d'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 411-1 du Code rural dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 1984, applicable (article 27) aux baux en cours, alors, 2°/ que le fermier faisait valoir que, selon les propres constatations de l'expert, non seulement la réunion des deux exploitations prises à ferme sous une direction unique était telle qu'on ne pouvait dissocier leurs productions, tant céréalières qu'animalières, mais encore que depuis 1975 les acheteurs d'animaux établissaient, sur les indications du
fermier qui négociait les ventes, tantôt des chèques à son nom, tantôt des chèques au nom des bailleurs, la réalisation de quelques ventes au nom de ces derniers étant destinée à laisser accroire leur qualité d'exploitants afin d'éluder le statut des baux ruraux ; qu'en retenant que la seule confusion des terres n'était pas probante, d'autant moins que les achats de bovins avaient toujours été faits au nom des bailleurs, dont elle a pourtant constaté qu'ils n'étaient propriétaires que d'une partie du bétail produit sur leur ferme, au lieu de s'expliquer sur la portée d'une direction autonome de la production animalière dont le fermier recueillait les résultats, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article susvisé ; alors, 3°/ que le fermier objectait que les sommes portées sur les cinq (et non six) factures de travaux agricoles, d'ailleurs inexistantes pour les années 1976, 1982 et 1983, ne correspondaient en rien à l'ensemble de ces interventions, ce qu'avait admis l'expert, et ne portaient que sur les travaux de culture à l'exclusion de ceux concernant la production animalière, cet énorme hiatus s'expliquant par le fait qu'il s'agissait de documents fictifs demandés par la bailleresse pour faire accroire qu'elle supportait quelques dépenses en sa qualité d'exploitant apparent ; qu'en affirmant que ces factures étaient exclusives d'un bail à ferme, sans répondre au moyen décisif dont elle se trouvait saisie, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, alors, 4°/ que le fermier s'appuyait sur une correspondance de la bailleresse pour démontrer que les parties tenaient chacune de son côté un livre de leurs comptes communs et faisait grief à ses adversaires de retenir celui que leur mère avait établi, circonstance que l'expert avait lui-même constatée à leur charge, afin de dissimuler le fermage de 180 quintaux qui y était comptabilisé comme sur le sien ; qu'en délaissant ce moyen qui était déterminant pour l'appréciation de la sincérité du livre de comptes tenu par le fermier, la cour d'appel a encore méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, alors, 5°/ que le fermier rappelait avoir réglé le 20 février 1983 un acompte de 18 000 francs sur le fermage de 1982, venu à échéance en décembre de cette année là pour une somme de 20 250 francs (180 quintaux x 112,50 francs), acompte que les héritiers de la bailleresse avaient encaissé sans aucune protestation ni réserve ; d'où il déduisait qu'il y avait là un fait incompatible avec la qualité d'entrepreneur qu'on lui prêtait et qui aurait dû faire de lui un créancier plutôt qu'un débiteur ; qu'en omettant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions du fermier, la cour d'appel a une nouvelle fois méconnu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que des salariés des époux Z... avaient travaillé sur l'exploitation, que ceux-ci étaient propriétaires du bétail qui était vendu en leur nom et supportaient les divers frais d'exploitation, l'arrêt relève la poursuite de telles ventes au nom de Mme Z... et le fait que M. X..., également entrepreneur de travaux agricoles a, d'une part, de 1977 à décembre 1981, établi six factures de travaux et effectué pour le compte de celle-ci les commandes d'engrais, produits phyto-sanitaires et semences et les livraisons de céréales à la coopérative, d'autre part, confondu l'exploitation du domaine avec les terres voisines alors qu'il pouvait être lui-même propriétaire d'ovins ; qu'au vu de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à de simples allégations ou arguments et qui a nécessairement écarté le caractère fictif des factures établies par M. X... et des ventes de bétail en appréciant souverainement l'absence de preuve du paiement par celui-ci d'un fermage, a pu décider que le contrat conclu entre M. X... et les consorts Z... n'était pas un bail à ferme ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;