LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingt et un décembre mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller GUTH, les observations de la société civile professionnelle GUIGUET, BACHELIER et POTIER de la VARDE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ; Statuant sur les pourvois formés par :
- Y... Michel,
- X... Marceau,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 8 juillet 1987 qui, pour infraction à la police de la chasse, les a condamnés le premier à une amende de 2 000 francs, le second, à une amende de 1 000 francs avec sursis, ainsi qu'à des réparations civiles ; Sur l'action publique ; Attendu qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 20 juillet 1988, les contraventions de police sont amnistiées lorsque, comme en l'espèce, elles ont été commises avant le 22 mai 1988 ; Qu'ainsi l'action publique s'est trouvée éteinte à l'égard des prévenus dès la publication de ce texte ; Attendu, cependant, qu'aux termes de l'article 24 de ladite loi, la juridiction de jugement saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ; Sur l'action civile ; Sur le pourvoi de Marceau X... ; Attendu qu'aucun moyen n'est produit à l'appui de ce pourvoi ; Vu le mémoire produit par Michel Y... ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 372, 373, 376, 379 et 385 du Code rural, 40 et 465 du Code pénal, 53, 54, 56, 67 et 591 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la saisie du piège-cage et de cinq canards vivants, et du procès-verbal dressé par les gardes de l'Office national de chasse ;
" aux motifs que la Cour constate la régularité de cette saisie car entreprise sur ordre du procureur de la République, elle a été faite en présence des gendarmes de la brigade territoriale de Nouvion, officiers de police judiciaire et se révèle en conformité avec les dispositions combinées des articles 372, 379, 385 du Code rural, 54 et 56 du Code de procédure pénale ; " alors que les dispositions des articles 54 et 56 du Code de procédure pénale relatives aux saisies pratiquées en cas de crimes ou délits flagrants ne sont pas applicables en cas de contraventions de police, et qu'aucun texte du Code rural n'habilite les gardes de l'Office national de la chasse à procéder à la saisie réelle de gibier vivant pour le relâcher une fois cette saisie opérée " ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure, que deux gardes de l'Office national de la chasse ont découvert dans la hutte de chasse au gibier d'eau appartenant à Michel Y..., la présence d'une cage-piège, engin prohibé, ainsi que cinq canards sauvages non bagués ; qu'ils ont établi un procès-verbal constatant l'infraction prévue et réprimée par l'article 376-2° du Code rural, conformément aux dispositions des articles 384 et 385 dudit Code ; que les gardes de l'Office national de la chasse ont procédé à la saisie réelle des cinq canards, et tenté d'exécuter celle de l'engin prohibé en présence des gendarmes de la brigade territorialement compétente et sur ordre du procureur de la République ; Attendu d'une part que c'est à bon droit que la cour d'appel a constaté la régularité de la saisie du piège, abstraction faite du visa erroné et surabondant des articles 54 et 56 du Code de procédure pénale ; que d'autre part, comme l'a relevé le premier juge, la prétendue irrégularité des saisies ne saurait affecter la validité du procès-verbal, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, conformément aux dispositions de l'article 385 précité ; Que le moyen doit, dès lors, être écarté ; Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a condamné les prévenus à verser des dommages et intérêts à la Fédération départementale des chasseurs de la Somme ; " aux motifs que le premier juge a fait une exacte appréciation de ses dommages ;
" alors que les fédérations de chasse ne sont recevables à réclamer une réparation devant la juridiction répressive que si elles peuvent justifier d'un préjudice personnel et certain résultant directement des faits poursuivis ; qu'en accueillant l'action de la Fédération départementales des chasseurs de la Somme, à laquelle elle a alloué une indemnité, sans caractériser l'existence d'un tel préjudice, la cour d'appel n'a pas donné de motifs suffisants à sa décision " ; Vu lesdits articles ; Attendu qu'aux termes de l'article 2 du Code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; Attendu que pour déclarer recevable la constitution de partie civile de la Fédération départementale des chasseurs de la Somme, la cour d'appel, par des motifs adoptés du premier juge, se borne à énoncer que " le tribunal dispose d'éléments suffisants d'appréciation pour fixer à 600 francs le préjudice causé par chacun des prévenus " ; Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que, Y..., poursuivi pour chasse avec engin prohibé critiquait cette constitution de partie civile, la cour d'appel n'a pas caractérisé le préjudice personnel de la fédération résultant directement des faits ; Qu'il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef ; Par ces motifs,
1° / Sur l'action publique,
DECLARE l'action publique ETEINTE ; 2° / Sur l'action civile,
REJETTE le pourvoi de X... ; Le condamne aux dépens ; Sur le pourvoi de Y... ; CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 8 juillet 1987, mais seulement dans ses dispositions relatives à l'intervention de la Fédération départementale des chasseurs de la Somme à l'encontre de Y..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues,
Et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil,