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19/12/1988 | FRANCE | N°87-84476

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 décembre 1988, 87-84476


REJET des pourvois formés par :
1°) X... Jacques,
2°) la société anonyme " Société d'exploitation de la source de la Fouze de Fontan ",
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 8 avril 1987, qui les a condamnés solidairement à diverses amendes et pénalités fiscales pour infraction à la législation des contributions indirectes.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité :
Vu le mémoire produit commun aux deux demandeurs et le mémoire en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation

des articles 520 A et 1791 du Code général des impôts, 593 du Code de procédure pénal...

REJET des pourvois formés par :
1°) X... Jacques,
2°) la société anonyme " Société d'exploitation de la source de la Fouze de Fontan ",
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 8 avril 1987, qui les a condamnés solidairement à diverses amendes et pénalités fiscales pour infraction à la législation des contributions indirectes.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité :
Vu le mémoire produit commun aux deux demandeurs et le mémoire en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 520 A et 1791 du Code général des impôts, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré une personne morale (la SEEFF) commercialisant une " eau de source " et son dirigeant de droit (M. X...) coupables d'infractions en matière de " droit spécifique " sur les bières et certaines boissons non alcoolisées ;
" aux motifs que " le décret n° 57-642 du 24 mai 1957 modifiant celui du 12 janvier 1922 définit les dénominations " eau de source ", " eau minérale ", " eau minérale naturelle " et " eau gazeuse ", et inclut donc nécessairement les " eaux de source " dont il n'est pas fait mention, contrairement aux " eaux minérales " ;
" qu'il reste que l'article 520 A définissant le cadre fiscal du droit spécifique afférent aux bières et boissons non alcoolisées ne mentionne que trois catégories juridiques, au titre des eaux, à savoir les eaux minérales (naturelles ou artificielles), les eaux de table et les eaux de laboratoire (filtrées, stérilisées ou pasteurisées) ;
" que dans cette délimitation légale les eaux de source ne sauraient constituer, à défaut d'indication expresse, une catégorie juridique qui serait exonérée du droit spécifique prévu en matière de boissons non alcoolisées ;
" que les eaux de source, au regard de cette disposition fiscale, rentrent à l'évidence dans la catégorie des eaux de table, dès lors qu'elles sont, comme en l'espèce, commercialisées en fûts, bouteilles ou boîtes, le paragraphe II de ce texte prévoyant d'ailleurs expressément que le droit est dû par " les... exploitants de sources " (arrêt attaqué p. 5, alinéas 7 et suivants) ;
" alors que le juge répressif n'a pas le pouvoir de suppléer par analogie ou induction aux silences ou insuffisances de la loi, ni d'en étendre le champ d'application en dehors des cas limitativement prévus par les textes ; qu'après avoir constaté que la loi d'incrimination ne mentionnait pas les " eaux de source ", la cour d'appel ne pouvait donc pas en faire application, prétexte pris de l'absence d'exclusion expresse, d'autant moins que si les " eaux de table " avaient constitué une catégorie générique englobant toutes les eaux destinées à la consommation de bouche, le législateur n'aurait pas eu besoin de viser expressément les eaux minérales ;
" alors, en outre, que le texte vise les modes de commercialisation des seules boissons faiblement alcoolisées, ce que ne sont pas les eaux, et taxe les produits relevant des seules catégories limitativement énumérées, non les exploitants de sources quelle que soit la catégorie de leurs eaux ; que la cour d'appel ne pouvait donc prendre en considération ni les modes de commercialisation des boissons faiblement alcoolisées, ni la qualité des redevables d'un droit institué sur des produits, afin d'étendre le champ d'application de la loi d'incrimination en dehors des cas limitativement énumérés par les textes " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du procès-verbal, base des poursuites, que Jacques X..., pris en sa qualité de président de la société anonyme d'exploitation des eaux de la Fouze de Fontan (SEEFF) a omis de déposer les relevés mensuels des quantités d'eaux commercialisées par cette société sur le marché intérieur depuis 1980 et d'acquitter le droit spécifique prévu par l'article 520 A du Code général des impôts ;
Que ladite société et son président ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel à la requête de l'administration des Impôts pour avoir contrevenu aux dispositions de ce texte ;
Attendu que pour écarter les conclusions des prévenus soutenant que les eaux de source, objet de leur exploitation, n'étaient pas soumises au droit spécifique institué par le texte susvisé lequel ne vise que les eaux de table, l'arrêt attaqué énonce : " que l'article 520 A du Code général des impôts définissant le cadre fiscal du droit spécifique frappant les bières et boissons non alcoolisées, ne mentionne que trois catégories juridiques au titre des eaux, savoir les eaux minérales (naturelles ou artificielles) les eaux de table et les eaux de laboratoire filtrées, stérilisées ou pasteurisées ; que, dans cette délimitation légale, les eaux de source ne sauraient constituer à défaut d'indications expresses une catégorie juridique qui serait exonérée du droit ; que les eaux de source, au regard de cette disposition fiscale, rentrent à l'évidence dans la catégorie des eaux de table dès lors qu'elles sont, comme en l'espèce, commercialisées en bouteilles, le paragraphe 2 de l'article 520 A prévoyant expressément que le droit est dû " par... les exploitants de source " ;
Attendu qu'en prononçant ainsi les juges d'appel n'ont nullement méconnu le sens et la portée du texte visé au moyen ; qu'en effet le juge pénal, appelé à appliquer une loi fiscale, a le devoir d'en rechercher l'objet et d'en délimiter le domaine et ne peut en restreindre la portée par l'introduction de distinctions qu'elle ne comporte pas ;
Que dès lors le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1800 du Code général des impôts et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné une personne morale et son dirigeant de droit, déclarés coupables d'infractions en matière de contributions indirectes, au paiement d'une amende de 100 francs, d'une pénalité de 392 150 francs, donc égale au montant " des sommes fraudées ", et d'une somme de... 11 757 269 francs au titre de la valeur estimée des boissons confisquées ;
" aux motifs que l'article 1800 du Code général des impôts ne permet pas de dispenser les redevables du paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues (arrêt attaqué p. 6, alinéa 5) ;
" alors qu'en matière de contributions indirectes où le système de sanction est dérogatoire au droit commun, si, lorsqu'ils accordent au prévenu le bénéfice des circonstances atténuantes, les juges doivent ordonner le paiement intégral des droits fraudés, ils peuvent modérer le montant tant de l'amende que de la confiscation et de la pénalité proportionnelle, à la seule condition de ne pas descendre au total en dessous d'un minimum fixé au tiers du montant des droits fraudés ; qu'en l'occurrence, le prévenu et son civilement responsable ne demandaient nullement à être dispensés du paiement " des sommes fraudées ", mais sollicitaient, en raison de la nécessité d'une interprétation de la loi à tout le moins peu évidente, la modération de l'amende, la libération de la confiscation et le prononcé d'une pénalité au plus égale au tiers des droits " fraudés " ; que le motif de droit opposé par l'arrêt ne permet pas de savoir si la cour d'appel a examiné la demande dont elle se trouvait saisie " ;
Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1801 du Code général des impôts et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné une personne morale et son dirigeant de droit, déclarés coupables d'infractions en matière de contributions indirectes, au paiement d'une amende de 100 francs, d'une pénalité de 392 150 francs, donc égale au montant " des sommes fraudées ", et d'une somme de.... 11 757 269 francs au titre de la valeur estimée des boissons confisquées ;
" aux motifs que la loi ne permet pas de surseoir à l'exécution de la peine pour la partie excédant la somme servant de base au calcul de la pénalité de une à trois fois les droits ou à la pénalité pécuniaire représentant la confiscation (arrêt attaqué p. 6, alinéa 5) ;
" alors que seuls les droits fraudés doivent être exclus du bénéfice du sursis en sorte que la cour d'appel s'est déterminée par un motif de droit inexact " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les motifs erronés par lesquels la cour d'appel a cru devoir surabondamment écarter les circonstances atténuantes et s'abstenir de prononcer le sursis à l'exécution des peines, prévus respectivement par les articles 1800 et 1801 du Code général des impôts, ne sauraient donner lieu à cassation ; qu'en effet, d'une part, l'existence des circonstances atténuantes est laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond dont la décision sur ce point n'a pas à être motivée et d'autre part la suspension de peine prévue par les articles 734 et suivants du Code de procédure pénale est purement facultative pour le juge qui peut s'abstenir de la prononcer sans avoir à s'en expliquer ;
Que dès lors les moyens réunis ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-84476
Date de la décision : 19/12/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Dispositions spécifiques à certaines marchandises ou prestations - Boissons - Droit spécifique - Article 520 A du Code général des impôts - Domaine d'application - Eau de source.

1° Le juge pénal, chargé d'appliquer la loi fiscale, ne peut en restreindre la portée par l'adjonction d'exigences ou l'introduction de distinctions qu'elle ne comporte pas. Fait l'exacte application de l'article 520 A du Code général des impôts l'arrêt qui énonce que les eaux de source, commercialisées en bouteilles, rentrent dans la catégorie des eaux de table et, comme telles, sont soumises au droit spécifique institué par ce texte (1).

2° IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Pénalités et peines - Condamnations pécuniaires - Amende fiscale - Circonstances atténuantes - Appréciation souveraine des juges du fond.

2° L'existence des circonstances atténuantes, prévues par l'article 1800 du Code général des impôts par application de l'article 463 du Code pénal, relève de l'appréciation souveraine des tribunaux qui n'ont pas à les écarter par des motifs explicites (2).

3° IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Pénalités et peines - Peines - Sursis - Caractère facultatif.

3° Le sursis à l'exécution de la peine dans les conditions établies par les articles 734 à 737 du Code de procédure pénale, prévu par l'article 1801 du Code général des impôts en cas de condamnation pour infractions aux lois et règlements régissant les contributions indirectes, est purement facultatif pour le juge qui peut s'abstenir de le prononcer sans avoir à s'en expliquer (3).


Références :

CGI 1800
CGI 1801
CGI 520-A
Code de procédure pénale 734, 735, 736, 737
Code pénal 463

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 08 avril 1987

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1970-11-04 , Bulletin criminel 1970, n° 288, p. 694 (cassation partielle). CONFER : (2°). Chambre criminelle, 1973-10-24 , Bulletin criminel 1973, n° 379, p. 930 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1976-05-24 , Bulletin criminel 1976, n° 177, p. 451 (rejet). CONFER : (3°). Chambre criminelle, 1973-02-06 , Bulletin criminel 1973, n° 65, p. 160 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 déc. 1988, pourvoi n°87-84476, Bull. crim. criminel 1988 N° 434 p. 1149
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1988 N° 434 p. 1149

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Tacchella, conseiller le plus ancien faisant fonction . -
Avocat général : Avocat général :M. Robert
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Souppe
Avocat(s) : Avocats :la SCP Masse-Dessen et Georges, M. Foussard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:87.84476
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