Attendu que, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, la société Rubel avait remis des pierres précieuses, à titre de "confiés" à la société Nozeroy, exploitant un fonds de commerce de bijouterie; que ces deux sociétés ont admis que cette opération avait le caractère juridique d'un contrat de dépôt; qu'un soir, alors qu'il était sorti du magasin après avoir branché le système d'alarme et avoir fermé les issues, M.Combettes, président de la société Nozeroy, a été attaqué dans le hall de l'immeuble par deux hommes, lesquels, en affirmant que ses deux filles avaient été prises en otage, lui ont fait ouvrir la porte du magasin et débrancher le système d'alarme; que les agresseurs ont volé des pierres précieuses ainsi que diverses marchandises et ont frappé M.Combettes avant de s'enfuir; qu'après avoir versé à la société Rubel, leur assuré, une indemnité à la suite du vol des pierres précieuses, le Lloyd's de Londres a assigné en paiement de dommages-intérêts équivalents au montant de cette indemnité la société Nozeroy; Sur le moyen unique, pris en sa première branche:
Attendu que la société Nozeroy reproche à l'arrêt attaqué d'avoir accueilli la demande du Lloyd's de Londres alors, selon le pourvoi, que le dépositaire n'étant tenu "en aucun cas" des accidents de force majeure, et le vol par agression constituant un cas de force majeure lorsqu'il est normalement imprévisible et irrésistible, l'arrêt ne pouvait légalement exclure l'imprévisibilité d'un tel vol accompli pour la première fois sous la menace de chantage avec prise d'otage de ses propres enfants de l'aggressé, sans rechercher concrètement si, dans l'esprit de celui-ci, la fréquence d'agressions antérieures n'était pas de nature à lui faire raisonnablement croire qu'il cesserait d'être la cible de malfaiteurs qu'il avait courageusement tenus en échec; que l'arrêt est donc entaché d'un défaut de base légale par violation de l'article 1929 du Code civil; Mais attendu qu'après avoir constaté que M.Combettes avait été interpellé par les deux malfaiteurs dans le hall de l'immeuble et qu'il avait déjà fait l'objet d'agressions de ce genre au même endroit, dans des conditions à peu près semblables, la cour d'appel en a déduit que celui-ci "devait prévoir la possibilité de leur renouvellement"; qu'elle a ainsi pu exclure que la société Nozeroy se prévale de l'existence d'une force majeure; que le moyen n'est pas fondé; Mais sur la seconde branche du moyen:
Vu les articles1927, 1932 et 1933 du Code civil;
Attendu que, pour décider que la société Nozeroy ne s'était pas déchargée de son obligation de restituer les objets mis en dépôt, la cour d'appel s'est bornée à retenir que l'agression dont M.Combettes avait été victime n'avait pas le caractère de la force majeure, sans rechercher, comme elle y était invitée par la société Nozeroy, si le vol était ou non imputable à une faute ou à une négligence commise par le dépositaire, alors que celui-ci n'est tenu que d'une obligation de moyen et qu'il est exonéré de l'obligation de restituer la chose lorsqu'il rapporte la preuve de l'absence de faute ou de négligence de sa part, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision; PAR CES MOTIFS:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7mars1986, entre les parties, par la cour d'appel de Paris; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles;