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08/11/1988 | FRANCE | N°88-81255

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 novembre 1988, 88-81255


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le huit novembre mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MILLEVILLE, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général PRADAIN ; Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Edgard,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 14 décembre 1987, qui, pour tromperie sur l'origine et les qualités substantielles de la marchandise vendue ainsi que

pour défaut de registre spécial des appellations d'origine, l'a condamn...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le huit novembre mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MILLEVILLE, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général PRADAIN ; Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Edgard,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 14 décembre 1987, qui, pour tromperie sur l'origine et les qualités substantielles de la marchandise vendue ainsi que pour défaut de registre spécial des appellations d'origine, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et à 70 000 francs d'amende, a ordonné l'affichage de la décision et s'est prononcé sur les réparations civiles ; Vu le mémoire produit ; Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1 et suivants de la loi du 1er août 1905, 8, 12, 22 E de la loi du 6 mai 1919, 1 de la loi du 26 mars 1930, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponses à conclusions, manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable du délit de tromperie ; " aux motifs qu'en sa qualité de professionnel, le prévenu ne peut ignorer que l'indication " Corse " n'est réservée qu'aux vins d'appellation d'origine contrôlée ; que le client moyen n'est pas sans savoir que l'Ile-de-Beauté c'est bien la Corse et que les producteurs prennent le soin d'éviter l'emploi du mot " Corse " pour échapper à toute confusion avec l'appellation contrôlée, ce qui explique l'utilisation de l'expression " Ile-de-Beauté " ; qu'en tout état de cause X... ne peut méconnaître les dispositions de l'article 7 du décret du 2 avril 1976 interdisant " l'emploi de toute indication ou de tout risque susceptible de faire croire à l'acheteur qu'un vin a droit à l'appellation contrôlée " vin de Corse " " ; qu'ainsi l'utilisation indue de l'appellation protégée caractérisait l'élément moral de la prévention dès lors que X... a ainsi fait croire à sa clientèle que le vin dont s'agit avait droit à ladite appellation et était donc de qualité supérieure alors qu'il s'agissait d'un vin ordinaire ;

" qu'en ce qui concerne les vins " Côtes du Rhône " et " Côtes du Ventoux ", X... se défend vainement d'avoir fait " la moindre intervention sur les vins litigieux " ; que seul le prévenu avait intérêt à procéder au coupage auquel, bien qu'il s'en défende, il a matériellement procédé ; qu'il apparaît :
que le vin " Côtes-du-Rhône ", selon les déclarations des employés de la société CEB était un " vin suivi qui se vendait bien " alors que l'enquête du service de la répression des fraudes auprès de la recette locale des impôts révélait que les achats de ce vin avaient été très minimes ; que le coupage a été possible par l'utilisation de vins de table en provenance du Vaucluse et du Gard que la CEB recevait de deux fournisseurs installés respectivement à Charousset et Algouzes ; qu'ainsi le coupage opéré par le prévenu faisait par voie de conséquence perdre aux vins dont s'agit leur appellation d'origine et est donc indifférent le fait que ces vins aient titré à la vente au moins 11° ; " alors, d'une part, la loi du 1er août 1905 ne crée aucune présomption de fraude ; que la mauvaise foi du prévenu doit être certaine et non équivoque ; qu'il appartient au juge de constater les circonstances dont se déduit la mauvaise foi du prévenu, et de préciser les qualités substantielles sur lesquelles le consommateur a été trompé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui se borne à déduire la mauvaise foi du prévenu de ce que l'indication corse, à côté de l'expression " Ile-de-Beauté ", mentionnée pour expliciter ce que représentait l'Ile-de-Beauté n'a aucunement caractérisé, de façon certaine, la mauvaise foi du prévenu ; " alors, d'autre part, que en ce qui concerne les vins " Côtes-du-Rhône " et " Côtes du Ventoux ", le demandeur faisait valoir dans ses conclusions d'appel auxquelles la Cour a omis de répondre que l'insuffisance du titrage du vin reçu avait été signalée à l'inspecteur de police judiciaire le 5 mai 1983 et que les gérants de caisses coopératives n'avaient été entendus que les 6 août et 25 septembre 1984 sans qu'un contrôle portant sur l'existence et le contenu des échantillons n'ait été réalisé ; que de tels éléments excluaient la preuve de la mauvaise foi du demandeur " ; Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement auquel il se réfère pour l'exposé des faits que la SA " Compagnie Européenne des Boissons ", dont X... était le président-directeur général, a mis en vente, sous l'appellation contrôlée " Vin de Corse ", un vin de table ordinaire, en l'espèce un " vin du pays de l'Ile-de-Beauté " et, sous la dénomination " Côtes-du-Rhône " et " Côtes de Ventoux ", des vins d'appellation qui avaient été coupés avec des vins de table ;

Attendu que pour déclarer X... coupable du délit de tromperie sur l'origine et les qualités substantielles de la marchandise vendue, les juges du second degré, en ce qui concerne le " Vin de Corse ", relèvent " qu'en sa qualité de professionnel, le prévenu ne pouvait ignorer que l'indication " corse " n'est réservée qu'au vin d'appellation d'origine contrôlée " et en déduisent que " l'utilisation indue de l'appellation protégée caractérise l'élément moral de l'infraction " comme faisant croire à la clientièle d'un vin de qualité supérieure alors qu'il s'agit d'un vin ordinaire ; qu'en ce qui concerne les " Côtes-du-Rhône " et les " Côtes de Vautoux ", les juges soulignent que " le prévenu était le seul à avoir un intérêt et à avoir pu effectuer le coupage " et ajoutent que " le coupage a été possible par l'utilisation de vins de table, en provenance du Vaucluse et du Gard, que la société recevait de deux fournisseurs " ; Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui relèvent de son appréciation souveraine des faits soumis au débat contradictoire, la cour d'appel a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et a caractérisé, notamment en son élément intentionnel, le délit de tromperie ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 278 et 323 alinéa 2 du Code du vin, 593 du Code de procédure pénale, violation de la décision du ministre du Budget du 29 mai 1984, défaut de motifs, manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable de défaut de tenue de registre de vins d'origine française ; " aux motifs adoptés des premiers juges que selon l'article 278 du Code du vin, toute personne faisant le commerce en gros des vins est soumise à la tenue d'un compte spécial d'entrées et de sorties ; qu'à l'époque du contrôle, le demandeur ne conteste pas qu'il avait un compte de gros avec la régie et que la décision du 29 mai 1984 du ministre du Budget n'est qu'une simple tolérance fiscale qui permet au détaillant vendant du vin à emporter d'installer des cuves d'un volume supérieur à 12 hectolitres sans devoir adopter la position fiscale de marchand en gros exigée par l'article 484 du Code général des impôts ; que cette décision, de nature purement fiscale, est postérieure à la date des faits et ne peut exonérer le prévenu de sa responsabilité en ce qui concerne l'infraction relevée le 10 mai 1983 ;

" alors que les dispositions des lois ou réglements, même non abrogées cessent d'être applicables dans la mesure où elles sont inconciliables avec celles d'une loi nouvelle ; qu'une loi nouvelle qui abroge une incrimination s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non encore définitivement jugés ; que tel est le cas du défaut de tenue du registre spécial des entrées et sorties des vins d'appellation d'origine française, constitutifs d'un délit abrogé implicitement par la décision du ministre du budget du 29 mai 1984 " ; Attendu qu'une décision ministérielle ne saurait abroger un texte de nature législative ; Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 88-81255
Date de la décision : 08/11/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

FRAUDES ET FALSIFICATIONS - Tromperies - Tromperies sur la nature - l'origine - les qualités substantielles ou la composition - Vins - Appellation d'origine - Uutilisation de vins de table - Eléments intentionnel.

FRAUDES ET FALSIFICATIONS - Défaut de tenue de registre de vins d'origine française - Loi applicable.


Références :

Code du vin 278, 323 al. 2
Loi du 01 août 1905 art. 1er
Loi du 06 mai 1919 art. 8, 12, 22 E
Loi du 26 mars 1930 art. 1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 décembre 1987


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 nov. 1988, pourvoi n°88-81255


Composition du Tribunal
Président : M

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:88.81255
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