LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme AGREX, dont le siège social est rue de l'Entre Deux Rochers, à Donville-les-Bains (Manche),
en cassation d'un arrêt rendu le 18 décembre 1986 par la cour d'appel de Caen (1ère chambre - section A), au profit de Monsieur Henri D..., demeurant "La Grâce de B...", à Saint-Pair-sur-Mer (Manche),
défendeur à la cassation
La demanderesse invoque à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 11 juillet 1988, où étaient présents :
M. Baudoin, président, M. Hatoux, rapporteur, MM. J..., A..., E..., I..., Z..., Y..., X..., G...
H..., M. Plantard, conseillers, Mlle C..., M. Le Dauphin, conseillers référendaires, M. Montanier, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Hatoux, les observations de la SCP Waquet et Farge, avocat de la société anonyme Agrex, de la SCP Martin-Martinière et Ricard, avocat de M. D..., les conclusions de M. Montanier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu les articles 1842 et 1382 du Code civil, ensemble l'article 244 de la loi du 24 juillet 1966 ; Attendu, selon l'arrêt déféré, que M. F... est devenu président de la société anonyme Agrex (la société) après avoir acquis, avec son épouse, les actions représentant le capital de cette société par acte du 26 septembre 1981 ; que M. F..., agissant en qualité de président de la société, a demandé à M. D..., ancien président et cédant d'une partie des actions, paiement de fournitures et de prestations qu'il avait, durant son mandat social, fait prendre en charge par la société, bien qu'elles lui aient été fournies à titre personnel, M. F... faisant valoir que ces agissements constituaient un abus des biens sociaux ; Attendu que, pour débouter la société de sa demande, la cour d'appel a retenu que si la société est juridiquement une personne morale distincte de ses associés, il n'en demeure pas moins que M. et Mme F... détiennent, pour l'avoir acquis de M. D..., l'intégralité du capital social, et que la société, par le biais de son président, n'est pas fondée, postérieurement à la cession d'actions intervenue, à réclamer à son ancien dirigeant le coût des prestations dont ce dernier aurait profité en abusant dans son intérêt personnel des biens de la société ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les administrateurs d'une société anonyme sont individuellement responsables envers celle-ci des fautes commises dans leur gestion, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 1986, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;