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11/10/1988 | FRANCE | N°86-93643

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 octobre 1988, 86-93643


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le onze octobre mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MORELLI, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD, et de Me COUTARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ; Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA SOCIETE D'ASSURANCES LES MUTUELLES

UNIES", partie intervenante,

contre un arrêt de la cour d'appel de RENNES (chambre correctionnelle),

du 28 mai 1986, qui dans une procédure suivie contre Y... Hélène, épouse X...,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le onze octobre mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MORELLI, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD, et de Me COUTARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ; Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA SOCIETE D'ASSURANCES LES MUTUELLES

UNIES", partie intervenante,

contre un arrêt de la cour d'appel de RENNES (chambre correctionnelle), du 28 mai 1986, qui dans une procédure suivie contre Y... Hélène, épouse X..., du chef notamment du délit de blessures involontaire, l'a déclarée tenue à garantie ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 591 du Code de procédure pénale, 2 du Code civil, R 211-10.1° du Code des assurances ; "en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a décidé que la Société les Mutuelles Unies serait tenue à garantir Mme X... de toute condamnations civiles prononcées à son encontre en conséquence de l'accident du 29 juin 1985 ;

"aux motifs que si le contrat d'assurances conclu entre Mme X... et la société les Mutuelles Unies contient une clause d'exclusion de garantie pour le cas où le conducteur du véhicule assuré n'est pas titulaire d'un permis de conduire en état de validité exigé par la règlementation en vigueur, et que cette clause est conforme aux dispositions de l'article R 211-10 du Code des assurances, dans l'état de sa rédaction à l'époque de la conclusion du contrat, les décrets du 9 juin 1983 et du 7 janvier 1986 ont ajouté à ce texte des dispositions ; que le décret du 9 juin 1983 a ajouté à l'article précité un dernier alinéa ainsi rédigé :

"l'exclusion prévue au 1er du "premier alinéa du présent article ne peut être opposée au conducteur détenteur d'un certificat déclaré à l'assureur lors de la souscription ou du renouvellement du contrat, lorsque ce certificat est sans validité pour des raison tenant au lieu ou à la durée de résidence de son titulaire" ; que l'article 7 du décret du 7 janvier 1986 a ajouté à cet alinéa les mots suivants :

"ou lorsque les conditions restrictives d'utilisation, autres que celles relatives aux catégories de véhicules, portées sur celui-ci, n'ont pas été respectées ; que ce décret modifiant la règlementation relative aux contrats d'assurance automobile, qui sont par leur nature même des contrats d'adhésion, est d'ordre public et doit s'appliquer immédiatement ; qu'en l'espèce, la restriction de validité inscrite sur le permis possédé par Mme X... lors de l'accident était relative au port de lunettes et entrait donc dans la catégorie des exclusions ne pouvant plus, en vertu du décret du 7 janvier 1986, être opposées par l'assureur ; qu'il résulte au surplus des pièces produites que postérieurement à l'accident, Mme X... a obtenu en échange de l'ancien un nouveau permis de conduire, où ne figure plus la mention "verres correcteurs", à la rubrique" conditions particulières d'usage" ; qu'il est en outre établi par deux certificats médicaux qu'à la date de l'accident, Mme X... n'était atteinte d'aucune des causes d'inaptitude pour déficience de la vue prévues par la règlementation relative à la délivrance du permis de conduire, de sorte que son permis était en réalité valable ;

"alors d'une part qu'aux termes de l'article 2 du Code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif , qu'une loi nouvelle ne peut, sans rétroactivié, remettre en question des faits entièrement accomplis avant son intervention ; que par suite, c'est la loi en vigueur au moment des faits qui doit recevoir application ; qu'en l'espèce, à supposer que le décret n° 86-21 du 7 janvier 1986, portant modification de la règlementation relative aux contrats d'assurance automobile, ait été immédiatement applicable aux contrats d'assurance en cours, et ce n'est qu'à compter de son entrée en vigueur qu'ont été rendues caduques les clauses des contrats d'assurances en cours qui seraient contraires à ses dispositions ; que le sinistre s'étant en l'espèce produit le 29 juin 1985, le décret du 7 janvier 1986, non entré en vigueur, ne pouvait être invoqué pour écarter, comme contraire à son article 7, une clause du contrat d'assurance excluant ce sinistre de la garantie ; que dès lors, en retenant néanmoins par application rétroactive dudit décret, que la restriction de validité inscrite sur le permis de conduire de Mme X..., relative au port de verres correcteurs, entrait dans la catégorie des exclusions ne pouvant plus, en vertu de ce décret, être opposées par l'assureur, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ; "alors d'autre part que le port obligatoire de verres correcteurs, lorsqu'il est mentionné sur le permis de conduire, constitue une condition de validité du permis, et que la conduite d'un véhicule au mépris de cette condition restrictive de validité équivaut à la conduite sans obtention d'un permis valable ; qu'en l'espèce, il était constant que lors de l'accident du 9 juin 1985, dont elle a été déclarée entièrement responsable, Mme X... ne portait pas de verres correcteurs, le port obligatoire de verres correcteurs constituant une condition restrictive de validité inscrite sur le permis de conduire délivré en 1970 dont elle était alors en possession ; que la conduite de son véhicule au mépris de cette condition restrictive équivalait à la conduite sans permis valable et constituait une exclusion de garantie opposable à l'assurée, sans qu'il y ait lieu de rechercher si l'état oculaire de Mme X... à la date de l'accident nécessitait le port de verres correcteurs et si un nouveau permis de conduire lui avait été délivré postérieurement à cet accident ; qu'en condamnant néanmoins la compagnie les Mutuelles Unies à garantie son assurée des conséquences dommageables de l'accident, la cour d'appel a violé l'article R 211-10.1° du Code des assurances" ; Vu lesdits articles ; Attendu qu'aux termes de l'article 2 du Code civil "la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ;

Attendu qu'en vertu de cette règle les dispositions de l'article R 211-10 du Code des assurances, dans sa rédaction issue du décret du 7 janvier 1986, si elles ont été rendues applicables, par l'article 10 de celui-ci, aux contrats en cours, ne sauraient cependant régir les conséquences d'un accident antérieur à leur entrée en vigueur ; Attendu que pour estimer que la compagnie "les Mutuelles Unies" devait garantir Hélène Y..., épouse X..., des suites dommageables d'un accident survenu le 29 juin 1985 dont, reconnue coupable du délit de blessures involontaires, elle avait été déclarée entièrement responsable, la juridiction du second degré indique tout d'abord que la clause d'exclusion de cette garantie, insérée dans le contrat souscrit par Mme X... auprès de ladite compagnie, s'applique au cas où le conducteur du véhicule en cause n'est pas titulaire d'un permis de conduire, en état de validité, exigé par la réglementation en vigueur; que si cette clause est conforme aux dispositiosn de l'article R 211-10 du Code des assurances, dans l'état de sa rédaction à l'époque de la conclusions de ce contrat, cet article a été complété par un décret du 9 juin 1983, selon lequel "l'exclusion précitée ne peut être opposée au conducteur détenteur d'un certificat déclaré à l'assureur, lors de la souscription ou du renouvellement du contrat lorsque ce certificat est sans validité pour des raisons tenant au lieu ou à la durée de résidence de son titulaire", puis par le décret du 7 janvier 1986 susvisé qui, dans son article 7, a ajouté à cet alinéa les mots :

"ou lorsque les conditions restrictives d'utilisation autres que celles relatives aux catégories de véhicules portées sur celui-ci n'ont pas été respectées" ; Attendu que la même juridiction énonce ensuite que "modifiant la réglementation relative aux conditions d'assurance automobile ce dernier texte est d'ordre public et doit s'appliquer immédiatement ; qu'étant relative au port de lunettes la restriction de validité inscrite sur le permis possédé par Mme X... lors de l'accident entre dans la catégorie des exclusions qui en vertu dudit décret ne peuvent plus être opposées par l'assureur ; qu'en conséquence l'exception de non garantie soulevée par les Mutuelles Unies n'est pas fondée" ; Attendu que les juges relèvent par ailleurs qu'il ressort des pièces produites qu'après ledit accident l'intéressée a obtenu, en échange de l'ancien, un nouveau permis sur lequel ne figure plus la mention "verres correcteurs" et qu'en outre elle a établi, par deux certificats médicaux, qu'elle n'est plus atteinte d'aucune des causes d'inaptitude pour déficience de la vue prévue par la réglementation en la matière, de sorte que son permis était en réalité valable" ;

Mais attendu qu'en se prononçant ainsi, alors qu'étant postérieur à la date des faits le décret du 7 janvier 1986 ne pouvait rendre rétroactivement caduque, comme contraire à ses dispositions, la clause considérée d'un contrat d'assurance qui restait régi par la réglementation en vigueur et qu'en outre, dès l'instant où la prévenue conduisait son véhicule en violation des conditions requises par son permis de conduire ce dernier ne pouvait être tenu pour valable, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées et le principe ci-dessus rappelé ; que la cassation est encourue de ce chef ; Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE l'arrêt précité de la cour d'appel de RENNES, en date du 28 mai 1986 et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil,


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-93643
Date de la décision : 11/10/1988
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Loi pénale de fond - Action civile - Application de la loi en vigueur au moment des faits - Contrat d'assurance - Exclusion - Verres correcteurs.


Références :

Code civil 2
Code des assurances R211-10 dans sa rédaction issue du décret du 7 janvier 1986

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 28 mai 1986


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 oct. 1988, pourvoi n°86-93643


Composition du Tribunal
Président : M

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:86.93643
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