LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le six septembre mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LOUISE, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ; Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Alain,
contre un arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 20 novembre 1984, qui pour vol l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant cinq ans ainsi qu'à des réparations civiles ; Vu le mémoire produit ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 379 et 381 du Code pénal, des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, renversement de la charge de la preuve ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Alain Y... coupable d'avoir à Pavilly et Barentin du 29 septembre 1978 au mois d'août 1981 inclus frauduleusement soustrait des bons anonymes pour une valeur de 453 038, 72 francs au préjudice de Michel X..., l'a condamné à la peine de deux ans d'emprisonnement avec le bénéfice du sursis avec mise à l'épreuve pendant cinq ans avec obligation particulière de réparer le dommage causé pour l'infraction en indemnisant la voctime, et l'a condamné à payer à X... la somme de 453 038, 72 francs pour le remboursement des bons volés postérieurement au 29 septembre 1978 outre la somme de 100 000 francs pour la privation du rendement des bons par retrait prématuré et pour la diminution de la rémunération bancaire ; " alors d'une part que l'arrêt n'a pas constaté, abstraction faite de motifs contradictoires et erronés l'appréhension frauduleuse de la chose d'autrui par Y... ; qu'en effet l'arrêt qui constatait en premier lieu que Y..., agent du Crédit Agricole Mutuel qui traitait l'ensemble des opérations bancaires de X... à son domicile avait notamment pour mandat de surveiller les bons anonymes de la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Haute Normandie qui venaient à échéance et de les remplacer par de nouveaux titres, en second lieu qu'en ce qui concerne les bons négociés avant l'échéance pour lesquels Y... avait établi les pièces comptables, il n'a pas été possible de vérifier si l'acquéreur initial du bon avait été le même que celui qui en avait demandé le remboursement à l'échéance et en troisième lieu que X... ne vérifiait jamais ce que faisait Y... en qui il avait placé toute sa confiance, ne pouvait sans contradiction entrer en voie de condamnation à l'encontre de Y... du chef de vol en retenant d'une part que " des bons comportant des numéros identiques à ceux qui avaient été antérieurement la propriété de X... avaient été négociés au bureau de Barentin où Y... été affecté ", opération qui entrait dans le cadre du mandat dont il était investi, en retenant d'autre part des transactions dont l'arrêt reconnaissait expressément ne pas pouvoir cerner les contours compte-tenu du caractère anonyme
des bons et en retenant enfin les accusations de la victime dont les énonciations de l'arrêt font essentiellement apparaître une rare ignorance de ses propres affaires ; " alors d'autre part qu'en se fondant sur la déclaration de la victime pour en déduire que la plus grande partie de son portefeuille, soit 521 671, 99 francs, avait été négociée à son insu et de manière illicite, et ce, par Y..., l'arrêt attaqué a renversé la charge de la preuve " ; Attendu que le moyen qui se borne à remettre en cause l'appréciation souveraine faite, par les juges du fond, des éléments de preuve soumis aux débats contradictoires et dont ils ont tiré la conviction que Y... avait frauduleusement soustrait des bons anonymes au préjudice d'X..., ne saurait être accueilli ; Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1153 du Code civil, des articles 2, 3, 593 du Code de procédure pénale, ultra petita, excès de pouvoir, défaut de motifs, manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué ajouté aux dommages-intérêts alloués à Michel X..., qu'il a fixés à 553 038, 72 francs, les intérêts courus depuis le jugement, et ce, à titre compensatoire ; " alors que l'arrêt qui a calculé les dommages-intérêts en tenant compte d'une part des remboursements des bons vols postérieurement au 29 septembre 1978 et d'une somme de 100 000 francs allouée à X... pour la privation du rendement par retrait prématuré et pour la diminution de la rémunération bancaire, n'a pas précisé les causes qui ont déterminées cette décision qui n'était pas demandée par la partie civile " ; Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que, contrairement à ce que soutient le moyen, X... partie civile appelante a sollicité de la cour d'appel la confirmation du jugement entrepris qui notamment fixait au jour de son prononcé le point de départ des intérêts de l'indemnité accordée à ladite partie civile ; Attendu, dès lors, qu'en disant que l'indemnité réparatrice du préjudice d'X..., évaluée à la date de l'arrêt porterait intérêt à compter du jour du jugement, la cour d'appel n'a pas statué au delà des prétentions de la partie civile ; Attendu, par ailleurs, qu'en précisant que cette disposition était prononcée à titre compensatoire, les juges du second degré qui n'avaient pas à s'en expliquer davantage, ont fait l'exacte application de la loi ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ;