LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le ving-sept juillet mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BONNEAU, les observations de la société civile professionnelle VIER et BARTHELEMY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COCHARD ; Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA CAISSE MUTUELLE DE DEPOTS ET DE
PRETS DE BETSCHDORFF,
contre un arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 19 juin 1987, qui, sur renvoi après cassation, l'a condamnée pour dénonciation téméraire à des dommages et intérêts ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 91 du Code de procédure pénale, des articles 1382 et 1383 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris qui avait déclaré téméraire la plainte avec constitution de partie civile déposée par la demanderesse ; " aux motifs que " X..., membre élu, avait non seulement le droit mais le devoir de s'intéresser à la vie de la Caisse pour dénoncer les irrégularités éventuelles des dirigeants ; " que dans ce contexte, il avait le droit de détenir le rapport pour l'approfondir ; " qu'il n'était pas le seul à être en possession de ce document ; " qu'il a donc fait l'objet à tort de la plainte dénoncée ; " que si les fuites relevées étaient de son fait, ce qui n'est pas rapporté, la procédure aurait dû se placer sur le plan d'un autre chef d'accusation " ; que dans ces conditions les premiers juges, en écartant la notion de mandat, ont à juste titre affirmé que la Caisse mutuelle de dépôts et de prêts a agi avec une témérité caractérisée, dans le cadre des dispositions de l'article 91 du Code de procédure pénale " (arrêt p. 5 alinéas 8 à 13) ;
" alors, d'une part, que la simple erreur juridique qui aurait pu être commise, sans mauvaise foi, sur la qualification légale des faits reprochés à X... ne suffisait pas à caractériser la faute d'imprudence constitutive de la dénonciation téméraire, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel s'est fondée sur un motif totalement inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des textes susvisés ; " alors, d'autre part, que le caractère téméraire d'une plainte doit s'apprécier à la date où elle est déposée ; qu'à la date du dépôt de la plainte de la CMDP de Betschdorf, X..., démissionnaire de ses fonctions de membre du conseil d'administration depuis le 6 novembre 1982, n'avait plus aucune qualité pour retenir un quelconque document social de sorte qu'en se fondant sur cette qualité de membre du conseil d'administration de la CMDP et les prérogatives qui en seraient résultées sans examiner les circonstances, postérieures à cette démission, dans lesquelles avait été déposée la plainte qui faisait suite au refus obstiné de X... de restituer le rapport litigieux et qui s'expliquait par les craintes légitimes de la demanderesse de voir divulguer par celui-ci les éléments confidentiels de ce rapport et sans rechercher si ces circonstances n'enlevaient pas tout caractère téméraire à ladite plainte, la Cour a encore statué par des motifs totalement inopérants et a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des textes susvisés " ; Attendu qu'après avoir cessé ses fonctions d'administrateur de la Caisse mutuelle de dépôts et de prêts (CMDP) de Betschdorff, X... a refusé de restituer à ladite caisse un rapport d'inspection la concernant ; que le président du conseil d'administration de la CMDP a alors déposé contre lui une plainte pour abus de confiance qui a fait l'objet d'une décision de non-lieu ; que X... a, en retour, engagé une action en dénonciation téméraire sur le fondement de l'article 91 du Code de procédure pénale ; Attendu que pour condamner la CMDP à des dommages et intérêts l'arrêt énonce tant par ses motifs propres que par ceux du jugement qu'il confirme que X... avait en sa qualité d'administrateur le droit et le devoir de s'intéresser à la vie de la caisse pour dénoncer les irrégularités éventuelles de ses dirigeants et qu'il avait donc le droit de détenir le rapport litigieux dont un exemplaire lui avait été remis par le président du conseil de surveillance dans des conditions telles que l'inexistence d'un mandat, constitutif de l'abus de confiance, était " flagrante " ; que les juges en concluent que la plainte déposée de ce chef était téméraire ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations déduites d'une appréciation souveraine des faits de la cause la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs du moyen lequel n'est pas fondé ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ;