LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingt-six juillet mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller DUMONT, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et LIARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COCHARD ; Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jean,
contre un arrêt du 15 décembre 1987 de la cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, qui, pour tromperie sur la qualité substantielle de la marchandise vendue, l'a condamné à une amende de 5 000 francs ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1 et 7 de la loi du 1er août 1905, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré X... coupable du délit de tromperie ; " aux motifs qu'il appartenait à Jean X..., président-directeur général de la Cheville Langonaise de vérifier ou faire vérifier que la qualité du produit livré par les Etablissements Bigard correspondait au marché ; qu'en s'abstenant comme il le soutient d'ouvrir les cartons provenant de son fournisseur, il s'est lui-même mis dans l'impossibilité de vérifier la qualité de la marchandise ; qu'ainsi le délit qui lui est reproché est établi ; " alors que le délit de tromperie incriminé par l'article 1er de la loi du 1er août 1905 suppose la volonté délibérée d'induire en erreur le cocontractant sur les qualités substantielles des marchandises objet de la convention, volonté qui ne saurait résulter chez le revendeur d'un simple défaut de contrôle des marchandises a fortiori lorsque, comme le faisait valoir X... en l'espèce dans ses conclusions, aucun des documents remis à lui par le fournisseur ne pouvait être de nature à lui permettre d'avoir le moindre doute quant à une éventuelle congélation des viandes qu'il livrait à l'hôpital de Saint-Eloi " ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Cheville langonaise, dont Jean X... est le président-directeur général, et qui avait obtenu le marché de livraison de viande fraîche de porc au centre hospitalier de Montpellier, a fait au mois de mars 1983 une livraison de cartons de côtelettes de porc qui avaient subi une congélation ; que X... a été poursuivi pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue et qu'il a été déclaré coupable par le tribunal correctionnel ;
Attendu que pour confirmer le jugement et pour répondre à l'argumentation du prévenu qui faisait valoir, d'une part qu'il avait lui-même acheté les cartons de viande à un fournisseur lui en ayant garanti la fraîcheur, et d'autre part qu'il n'avait pas eu l'intention de tromper son cocontractant mais s'était borné à lui remettre les cartons sans les avoir préalablement ouverts, la juridiction du second degré énonce d'abord que la preuve de la congélation de la viande résulte des constatations du service de la répression des fraudes et des déclarations d'un préposé de l'entreprise ; qu'elle observe ensuite qu'il appartenait au prévenu, dirigeant de la société qui avait passé le marché de fourniture de viande fraîche, de vérifier ou de faire vérifier que la viande livrée correspondait aux exigences de ce marché et qu'en s'abstenant de faire ouvrir les cartons il s'était mis dans l'impossibilité de contrôler la qualité de la livraison ; qu'elle a conclu de ses constatations et énonciations que le délit était établi ; Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel qui a caractérisé les éléments matériel et intentionnel de l'infraction, n'a pas encouru le grief allégué ; qu'en effet dès lors qu'est établi l'élément matériel de l'infraction poursuivie, les juges du fond, pour retenir la culpabilité du prévenu, ont toute liberté pour fonder leur conviction sur les éléments de preuve régulièrement versés aux débats ; que s'il est vrai qu'en matière d'infraction à la loi du 1er août 1905 les textes n'édictent aucune présomption de tromperie à l'égard de celui qui a négligé de procéder à toutes vérifications utiles avant de livrer la marchandise à la vente, les juges du fond, peuvent, comme ils l'ont fait en l'espèce en relevant les obligations imposées à X... par le marché de fourniture, déduire la mauvaise foi du prévenu du fait que celui-ci s'est soustrait à l'obligation qui lui incombait personnellement, en sa qualité de dirigeant de la société, de faire effectuer les contrôles nécessaires avant de mettre la marchandise en vente ; D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ;