CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- la société d'assurances Les Mutuelles unies, partie intervenante,
contre un arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 12 janvier 1987 qui, dans une procédure suivie contre X... pour blessures involontaires sur chemin de fer et contravention au Code de la route, l'a déclarée seule tenue à garantie.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article L. 121-4 du Code des assurances, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré que seule la compagnie d'assurances Les Mutuelles unies était tenue de garantir son assuré, X..., des condamnations prononcées contre lui ;
" aux motifs que X... est titulaire d'une police d'assurance souscrite auprès de la compagnie d'assurances Les Mutuelles unies, laquelle garantit les dommages causés par l'usage d'un tracteur et en particulier la responsabilité civile de l'assuré pour les dommages corporels et matériels causés à autrui par accident pour un montant illimité ; que, le tracteur de X... ayant été immobilisé pour des réparations effectuées par la société Y..., celle-ci lui a prêté un autre véhicule ;
" que le 5 mars 1985, X... a en conséquence sollicité de la part de son assureur un transfert de garantie sur le véhicule utilisé ; que le tracteur emprunté par X... est assuré par le garagiste auprès de la compagnie d'assurances Le Foyer-Le Secours ; que le 3 avril 1985, X... a causé un accident avec le tracteur emprunté, entraînant de graves dégâts matériels ; que la compagnie d'assurances Les Mutuelles unies invoque la clause de subsidiarité insérée au chapitre III, article 32-5 des conditions générales de la police d'assurance suivant laquelle la garantie n'est acquise qu'à défaut ou en complément de celle souscrite auprès d'une autre société d'assurances pour véhicule emprunté ; mais que la compagnie d'assurances Le Foyer-Le Secours ne peut être obligée à garantir qu'en cas de défaillance des Mutuelles unies (article L. 121-4 du Code des assurances) ; que celles-ci devant au premier chef garantir leur assuré, X..., des dommages occasionnés par lui dans l'exercice de son activité professionnelle, la garantie subsidiaire de la compagnie Le Foyer-Le Secours ne s'applique pas en l'espèce ;
" alors, d'une part, que l'article L. 121-4 du Code des assurances, relatif aux assurances cumulatives, est un texte d'ordre public qui prohibe toutes stipulations ayant pour objet de déroger à la répartition proportionnelle qu'il établit ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que le tracteur utilisé par X... était assuré pour le même risque tant auprès de la compagnie d'assurances Les Mutuelles unies qu'auprès de la compagnie Le Foyer-Le Secours et qu'en conséquence les deux assurances étaient cumulatives ; qu'en décidant néanmoins qu'à raison de sa subsidiarité la garantie de la compagnie Le Foyer-Le Secours ne s'appliquait pas en l'espèce, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a de ce fait violé l'article L. 121-4 du Code des assurances ;
" alors, d'autre part, qu'en toute hypothèse, en statuant comme elle l'a fait, en se bornant à relever que la compagnie Le Foyer-Le Secours ne peut être obligée à garantie qu'en cas de défaillance des Mutuelles unies qui doivent en conséquence garantir au premier chef leur assuré, X..., sans rechercher si d'après l'intention des parties la clause de subsidiarité insérée dans la police d'assurances de la demanderesse ne devait pas prévaloir sur celle figurant dans le contrat de la compagnie Le Foyer-Le Secours, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte de l'article L. 121-4 du Code des assurances, dont les dispositions sont impératives, qu'en cas d'assurances cumulatives contractées sans fraude la personne pouvant prétendre à indemnisation peut obtenir celle-ci de l'assureur de son choix, la répartition de la charge de l'indemnité devant s'effectuer entre les assureurs selon la proportionnalité prévue par ce texte ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que X..., propriétaire d'un tracteur, s'est assuré pour ce véhicule auprès de la société Les Mutuelles unies ; que le contrat d'assurance comportait une clause dite de subsidiarité selon laquelle, en cas de substitution à ce tracteur d'un véhicule d'emprunt, la garantie, transférée sur ce dernier, ne serait acquise qu'à défaut ou en complément de celle qui aurait été souscrite auprès d'un autre assureur pour le même véhicule ;
Attendu que, X... ayant donné son engin à réparer au garagiste Y..., celui-ci lui a prêté un tracteur de remplacement qu'il avait fait assurer auprès de la compagnie Le Secours, ladite assurance couvrant la responsabilité civile de tout emprunteur de ce véhicule, mais la garantie n'étant due que subsidiairement, après épuisement de celle dont l'emprunteur pourrait se prévaloir auprès d'un autre assureur ;
Attendu qu'après avoir fait transférer sur le tracteur emprunté l'assurance contractée par lui auprès de la société Les Mutuelles unies, X... a, au volant de cet engin, provoqué un accident sur un passage à niveau ; que sur les poursuites engagées contre lui la SNCF s'est constituée partie civile et a appelé en cause la société Les Mutuelles unies et la compagnie Le Secours auxquelles X..., de son côté, a réclamé leur garantie ; que la compagnie Le Secours a soulevé une exception de non-garantie en se prévalant de la clause de subsidiarité incluse dans la police souscrite par Y... ; que la société les Mutuelles unies, invoquant les dispositions de l'article L. 121-4 du Code des assurances, a demandé de dire que chacun des assureurs devait sa garantie à concurrence de la moitié du montant des dommages ;
Attendu que pour mettre la compagnie Le Secours hors de cause et dire la société Les Mutuelles unies seule tenue à garantie la juridiction du second degré énonce que la première " ne peut être obligée à garantie qu'en cas de défaillance des Mutuelles unies (article L. 121-4 du Code des assurances) ; que celles-ci devant, au premier chef, garantir leur assuré Guy X... des dommages occasionnés par lui dans l'exercice de son activité professionnelle, la garantie subsidiaire de la compagnie Le Secours ne s'applique pas en l'espèce " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que les assurances couvrant le risque litigieux étaient cumulatives et que chacun des assureurs, garantissant sans limitation de somme la responsabilité civile du conducteur du tracteur envers les tiers, devait contribuer pour moitié au paiement de l'indemnité, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Caen en date du 12 janvier 1987, mais seulement en ce qu'il a dit que la compagnie d'assurances Le Secours n'était pas tenue à garantie ;
Et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi, dans la limite de la cassation prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen.