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07/06/1988 | FRANCE | N°86-93182

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 juin 1988, 86-93182


REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Georges, prévenu,
- Y... Jean-Pierre, partie civile,
contre un arrêt de la cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 9 mai 1986, qui a condamné le premier à 18 mois d'emprisonnement avec sursis du chef d'homicide involontaire, et s'est déclarée incompétente pour connaître de l'action en dommages-intérêts exercée par le second.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt att

aqué que, pratiquant une intervention chirurgicale, X..., gynécologue-obstétricien, ...

REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Georges, prévenu,
- Y... Jean-Pierre, partie civile,
contre un arrêt de la cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 9 mai 1986, qui a condamné le premier à 18 mois d'emprisonnement avec sursis du chef d'homicide involontaire, et s'est déclarée incompétente pour connaître de l'action en dommages-intérêts exercée par le second.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que, pratiquant une intervention chirurgicale, X..., gynécologue-obstétricien, titulaire d'un poste à temps partiel dans un centre hospitalier public, a injecté à Dominique Y..., afin de prévenir un saignement trop important, une solution qui contenait de l'adrénaline ; que cette patiente a alors été atteinte d'une fibrillation cardiaque et, malgré les soins prodigués, est décédée quelques heures plus tard ; que le Tribunal a condamné ce médecin pour homicide involontaire, mais s'est déclaré incompétent pour connaître de l'action civile intentée par le mari de la victime, en considérant que, la faute commise par X... n'étant pas détachable des fonctions exercées, la demande de dommages-intérêts formulée par l'intéressé devait être portée devant la juridiction administrative ;
En cet état ;
Sur le pourvoi de X... :
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 319 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable du délit d'homicide par imprudence sur la personne de Mme Y... et l'a condamné à la peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 15 000 francs d'amende ;
" aux motifs que Mme Y... est décédée des suites d'une injection de solution adrénalinée ; que le docteur X...a, sans avoir procédé à aucune vérification, notamment de la concentration de la solution préparée sous ses yeux et sur ses instructions, injecté un produit d'une concentration 30 fois supérieure à celle d'une solution qui aurait été obtenue à partir d'une ampoule de 1 cc d'adrénaline (qu'il croyait avoir été utilisée) ; que seules une inattention et une imprudence majeures de sa part sont susceptibles d'expliquer qu'il ait procédé à l'injection ;
" alors, d'une part, que le demandeur ayant démontré dans ses conclusions d'appel que l'erreur n'avait pas pu porter sur la concentration, mais avait porté uniquement sur le volume du produit, la cour d'appel, en se bornant à relever l'existence d'une erreur de concentration sans répondre sur ce point aux conclusions du prévenu, n'a pas légalement caractérisé l'existence d'une faute en relation avec le décès ;
" alors, d'autre part, que la simple affirmation que " seules une inattention et une imprudence sont susceptibles d'expliquer que (le prévenu) ait procédé à l'injection ", est insusceptible de caractériser une faute concernant le volume de la solution, dès lors que la cour d'appel ne précise pas en quoi auraient consisté cette inattention et cette imprudence lors du mélange du produit ;
" alors enfin que, et en toute hypothèse, à supposer qu'elle ait caractérisé une faute concernant le volume de la solution, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision dès lors qu'elle n'a retenu comme cause du décès qu'une prétendue faute concernant la concentration du produit " ;
Attendu que pour confirmer le jugement, les juges du second degré, après avoir exposé les faits, et relevé, entre autres, que le prévenu ne contestait nullement que le décès eût été causé par un " surdosage " de l'adrénaline, souligne " qu'en utilisant une technique dangereuse et aujourd'hui condamnée, sans avoir procédé à aucune vérification, notamment quant à la concentration de la solution préparée sous ses yeux et sur ses instructions ", X...a " injecté, dans une zone particulièrement vascularisée où existaient de grands risques d'atteindre une veine ou une artère, un produit non injectable, d'une concentration environ trente fois supérieure à celle d'une solution qui aurait été obtenue à partir d'une ampoule de 1 cc d'adrénaline " ; qu'en raison du conditionnement du produit utilisé (flacon muni d'un compte-gouttes) et du volume du mélange versé tout doucement dans la cupule (30 cc) " seules une inattention et une imprudence majeures de ce chirurgien sont susceptibles d'expliquer que celui-ci ait procédé à l'injection décrite d'un produit dont il ignorait en fait la composition et qui est directement à l'origine du décès de Mme Y... " ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction, la cour d'appel, répondant pour les écarter aux conclusions du prévenu, dont elle n'avait pas à suivre dans le détail l'argumentation, et appréciant la valeur des éléments de preuve soumis à son examen, a souverainement estimé qu'était établie à la charge du demandeur, en raison d'un mauvais dosage, entraînant une teneur excessive en adrénaline, de la solution employée, une faute ayant provoqué la mort de la victime ; qu'elle a ainsi justifié sa décision sans encourir les griefs allégués au moyen, lequel ne peut, dès lors, être admis ;
Sur le pourvoi de Y... :
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, de la loi des 16 et 24 août 1790, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la cour d'appel de Reims s'est déclarée incompétente pour connaître de la demande de dommages-intérêts formée par M. Y... ;
" aux motifs que les fautes qu'un médecin attaché à un hôpital public peut commettre dans l'exercice des fonctions qu'il assume dans cet établissement, dès lors qu'elles ne constituent pas des fautes personnelles détachables de l'accomplissement du service de santé dont ce praticien a la charge, relèvent de la compétence de la juridiction administrative ; que les fautes caractérisées commises par X... ne constituent nullement des fautes personnelles détachables de sa fonction d'assistant à temps partiel au service de gynécologie du centre hospitalier de Troyes ;
" alors que, d'une part, la faute lourde inexcusable commise par le praticien attaché à un hôpital public étant détachable de sa fonction, la cour d'appel qui a constaté que le docteur X... a injecté, sans avoir procédé à aucune vérification de la concentration du produit, une solution non injectable d'une force environ trente fois supérieure à la normale et qui, de ce fait, lui a imputé " une inattention et une imprudence majeures ", a, par là même, caractérisé à la charge du médecin une faute lourde inexcusable détachable des fonctions, ce qui dictait la compétence des tribunaux judiciaires pour connaître de l'action en réparation de M. Y... ;
" et alors que, d'autre part, la Cour ne s'est pas expliquée sur le moyen, péremptoire au regard de la question de compétence soulevée par la partie civile et tiré de ce que la victime était une malade privée du médecin admise dans son secteur privé de l'hôpital " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les juges doivent répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils sont saisis ;
Attendu que pour refuser de se prononcer sur l'action civile engagée par Y..., les juges du second degré énoncent que " les fautes qu'un médecin attaché à un hôpital public peut commettre dans l'exercice de ses fonctions ", si elles " ne constituent pas des fautes personnelles détachables de l'accomplissement du service de santé dont ce praticien a la charge, relèvent de la compétence de la juridiction administrative " ; que " les fautes caractérisées commises par X... ne constituent nullement des fautes personnelles détachables de sa fonction d'assistant à temps partiel au service de gynécologie du centre hospitalier de Troyes " ;
Mais attendu qu'en omettant de répondre aux conclusions de la partie civile qui faisaient valoir que Dominique Y... était une cliente personnelle admise dans le secteur privé tenu par le docteur X... au sein du centre hospitalier public et qu'ainsi, les rapports entre ce praticien et la patiente étant de pur droit privé, la compétence des tribunaux judiciaires, pour connaître des conséquences dommageables de l'infraction poursuivie, devait être retenue, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus énoncé ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
Sur le pourvoi de X...:
REJETTE le pourvoi ;
Sur le pourvoi de Y... :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Reims, en date du 9 mai 1986, et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-93182
Date de la décision : 07/06/1988
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Agent d'un service public - Délit commis hors l'exercice des fonctions - Contrat de droit privé conclu entre un praticien et un malade - Chirurgien hospitalier - Action civile

Encourt la cassation l'arrêt qui ne répond pas aux conclusions dans lesquelles une partie civile soutient que la victime d'un homicide involontaire, dont a été déclaré coupable un chirurgien occupant un poste dans un centre hospitalier public, était hospitalisée dans le secteur privé tenu, au sein de cet établissement, par ce praticien et que, dès lors, les rapports entre ce médecin et la patiente étant de pur droit privé, seuls les Tribunaux de l'ordre judiciaire étaient compétents pour connaître des conséquences dommageables de cette infraction.


Références :

Code civil 1382
Code de procédure pénale 2, 3
Loi du 16 août 1790 Loi 1790-08-24

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims (chambre correctionnelle), 09 mai 1986

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1981-10-28 , Bulletin criminel 1981, n° 288, p. 749 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 jui. 1988, pourvoi n°86-93182, Bull. crim. criminel 1988 N° 261 p. 695
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1988 N° 261 p. 695

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Bonneau, conseiller le plus ancien faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Robert
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Morelli
Avocat(s) : Avocats :la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, la SCP Fortunet et Matteï-Dawance

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:86.93182
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