REJET du pourvoi formé par :
- X... Jacques,
contre un arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 17 novembre 1986 qui, pour vol, l'a condamné à 20 000 francs d'amende et s'est prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 379, 381 du Code pénal, 544 et 815 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir disqualifié les faits poursuivis du chef d'abus de confiance en vol, a déclaré Jacques X... coupable d'avoir, courant 1982, 1983, 1984 et 1985, frauduleusement soustrait des fonds au préjudice des dockers non affiliés au syndicat CGT des dockers, qui étaient propriétaires d'une quote-part des fonds ;
" aux motifs que, si en l'espèce le prévenu ne pouvait avoir commis un vol au préjudice du groupement des usagers du port qui lui avait remis volontairement la possession des fonds, il avait cependant commis une soustraction frauduleuse dans la mesure où les fonds versés ont toujours été la propriété indivise de l'ensemble des dockers, sur laquelle chacun d'entre eux avait droit à une quote-part ; que, dès lors, l'acte de disposition de ces fonds indivis en sa possession implique une appropriation et constitue une soustraction frauduleuse ;
" alors que, d'une part, le droit éventuel des dockers à recevoir une partie des fonds versés par le groupement des usagers du port ne s'analyse pas en un droit réel de propriété indivise mais en un droit personnel de créance que, dès lors, le défaut du paiement de cette créance n'entre pas dans la prévision du texte pénal réprimant le vol, et ne peut donner lieu qu'à une instance civile en paiement ;
" alors que, d'autre part, l'arrêt attaqué ne pouvait affirmer à la fois que le prévenu bénéficiait d'une remise volontaire, non de la simple détention matérielle mais de la possession des fonds, et qu'il était en même temps coupable d'avoir commis une soustraction frauduleuse de ces fonds, la notion de possession excluant nécessairement la notion de vol " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'une caisse de répartition des cotisations des employeurs a été instituée sur le port de Dieppe et que ces sommes, déposées sur un compte bancaire spécial, ont été jusqu'en octobre 1981 distribuées annuellement à l'ensemble des dockers sans distinction d'appartenance syndicale sous le contrôle d'un organisme représentant les employeurs et du syndicat CGT ; que les juges exposent que le 12 octobre 1981 le syndicat CGT des dockers de Dieppe a décidé unilatéralement un prélèvement de 10 % à son profit et le retrait de la signature bancaire du représentant des employeurs ; que le président du groupement des employeurs, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 22 octobre 1981 au secrétaire général de ce syndicat, Jacques X..., lui a fait connaître que les employeurs acceptaient qu'il assume la gestion de la caisse de répartition à charge pour lui de répartir les sommes entre tous les dockers et en toute équité ;
Attendu que les juges précisent que X... n'a pas répondu à cette lettre mais a opéré de son propre chef la répartition des fonds au profit des seuls affiliés de son syndicat ayant réglé leurs cotisations et a, par ailleurs, prélevé une somme de 10 % sur les cotisations patronales ainsi que des frais de déplacement pour une manifestation organisée à Paris en novembre 1981 ;
Attendu que pour requalifier en vol les faits reprochés à X... sous la prévention initiale d'abus de confiance, après avoir relevé que la preuve du contrat de mandat visé par l'ordonnance de renvoi n'est pas établie mais que les fonds remis par les employeurs demeuraient la propriété indivise de l'ensemble des dockers jusqu'à leur distribution, les juges énoncent que celui qui dispose d'une chose sur laquelle il a des droits indivis prive les autres copropriétaires d'une fraction de la chose qui lui appartient, commettant ainsi une soustraction frauduleuse même si la disposition est faite au profit d'autrui ;
Qu'en cet état, la cour d'appel a sans insuffisance ni contradiction justifié sa décision sans encourir les griefs du moyen lequel, dès lors, ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.