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13/04/1988 | FRANCE | N°86-17736

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 avril 1988, 86-17736


Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Vicente Y... est décédé le 5 mai 1979, laissant ses trois enfants, Roberto, Guy et Béatrice, épouse Apodaca ; que sa succession comprend des biens meubles et immeubles situés en France, au Mexique, en Suisse et en Espagne ; qu'aux termes d'un testament mystique en date du 5 mars 1975, il a légué à chacun de ses enfants le tiers de ses biens à l'exception de ceux dont il avait déjà disposé au profit de sa fille Béatrice et décidé que la nue-propriété de l

a part revenant à son fils Guy serait dévolue au fils de celui-ci, Philip...

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Vicente Y... est décédé le 5 mai 1979, laissant ses trois enfants, Roberto, Guy et Béatrice, épouse Apodaca ; que sa succession comprend des biens meubles et immeubles situés en France, au Mexique, en Suisse et en Espagne ; qu'aux termes d'un testament mystique en date du 5 mars 1975, il a légué à chacun de ses enfants le tiers de ses biens à l'exception de ceux dont il avait déjà disposé au profit de sa fille Béatrice et décidé que la nue-propriété de la part revenant à son fils Guy serait dévolue au fils de celui-ci, Philippe Y... ; que ce dernier, par acte notarié du 27 novembre 1980, a cédé à son père, M. Guy Y..., représenté à l'acte par M. X..., l'ensemble de ses droits ainsi recueillis dans la succession de son grand-père, tant en France qu'à l'étranger, moyennant le prix forfaitaire de 350 000 francs, payable comptant à concurrence de 100 000 francs et le surplus avant le 27 novembre 1983, avec intérêts au taux de 12 % l'an ; qu'il était stipulé dans l'acte que le cessionnaire s'obligeait à acquitter aux lieu et place du cédant la portion dont celui-ci pouvait être tenu des dettes et charges de la succession, ainsi que les droits de mutation incombant au cédant ; que l'arrêt infirmatif attaqué (Paris, 19 juin 1986) a prononcé, au profit de M. Philippe Y... la rescision pour cause de lésion de plus du quart de cette cession de droits successifs ;

Attendu que M. Guy Y... et M. X... reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué au motif que l'acte du 27 novembre 1980 ne comporte aucun aléa, de nature à le faire échapper à l'action en rescision, alors que, d'une part, en ne recherchant pas si l'engagement du cessionnaire de régler le passif successoral indéterminé au moment de la cession, la cour d'appel n'aurait pas caractérisé l'absence d'aléa ; et alors que, d'autre part, elle ne pouvait pareillement déduire cette absence d'aléa du fait que la valeur de l'usufruit du cessionnaire pouvait se déterminer selon des tables précises, dès lors que ces tables, fondées sur la durée moyenne de la vie d'un grand nombre de personnes, ne sauraient faire disparaître le caractère aléatoire d'un contrat isolé conclu avec un individu déterminé dont la longueur de la survie est toujours incertaine ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'aurait pas donné de base légale à sa décision ;

Mais attendu que les juges du second degré ont estimé, par une appréciation souveraine, que le cédant connaissait les forces de la succession et l'absence de dettes de celle-ci, que la charge du paiement des droits successoraux ne pouvait constituer un aléa réel de nature à créer dans l'esprit de M. Guy Y... une incertitude sur la consistance et la nature des droits qu'il acquérait ; qu'ils ont déterminé, indépendamment d'une référence surabondante aux tables de survie, la valeur objective de la nue-propriété par rapport à celle de la pleine propriété ; qu'ils ont déduit de ces constatations que l'acte de cession de droits successifs du 27 novembre 1980 ne comportait aucun aléa et était, comme tel, rescindable pour cause de lésion, en application des articles 887 et 888 du Code civil ; qu'ils ont légalement justifié leur décision et que, pris dans ces branches, le moyen n'est pas fondé ;

Sur les troisième, quatrième et cinquième branches réunies du moyen :

Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé d'office la rescision de l'acte litigieux alors que, d'une part, la cour d'appel n'aurait pas respecté le principe de la contradiction en se référant, pour apprécier la lésion, à des cours du peso mexicain et du franc suisse qui auraient été fournis à l'audience par une partie sans avoir, au préalable, provoqué un débat contradictoire sur l'incidence de ces cours sur une lésion éventuelle ; alors que, d'autre part, en procédant d'emblée à l'estimation d'une lésion pour l'établissement de laquelle le demandeur avait seulement sollicité une expertise, les juges du second degré se seraient prononcés sur ce qui n'était pas demandé ; et alors, enfin, qu'ils auraient violé les articles 891 et 1678 du Code civil de la combinaison desquels il résulte, selon le moyen, que la preuve de la lésion ne pouvait se faire que par expertise ;

Mais attendu, d'abord, que la disposition dérogatoire au droit commun de l'article 1678 du Code civil, suivant lequel la preuve de la lésion ne peut se faire que par un rapport de trois experts, ne s'applique qu'en matière de vente immobilière ;

Et attendu, ensuite, que, M. Philippe Y... n'ayant sollicité l'expertise qu'à titre subsidiaire, la cour d'appel, en prononçant d'emblée la rescision qui était demandée à titre principal, n'a pas méconnu les termes du litige et qu'en se référant, pour estimer les biens successoraux situés dans les pays étrangers, au cours des monnaies en vigueur dans ces pays et que le demandeur avait mis dans le débat par des conclusions écrites, la juridiction du second degré n'a pas davantage méconnu le principe de la contradiction ;

D'où il suit que, pris dans ses trois dernières branches, le moyen n'est pas mieux fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 86-17736
Date de la décision : 13/04/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° SUCCESSION - Cession de droits successifs - Caractère aléatoire - Appréciation souveraine.

1° CONTRATS ET OBLIGATIONS - Contrat aléatoire - Aléa - Existence - Appréciation souveraine.

1° C'est dans l'exercice de leur pouvoir souverain d'appréciation que les juges du fond estiment qu'un acte de cession de droits successifs ne comporte aucun aléa et est, comme tel, rescindable pour cause de lésion, en application des articles 887 et 888 du Code civil .

2° SUCCESSION - Cession de droits successifs - Lésion - Evaluation - Expertise - Nécessité (non).

2° SUCCESSION - Partage - Lésion - Evaluation - Expertise - Nécessité (non) 2° PARTAGE - Lésion - Evaluation - Expertise - Nécessité (non).

2° La disposition dérogatoire au droit commun de l'article 1678 du Code civil, suivant lequel la preuve de la lésion ne peut se faire que par un rapport de trois experts, ne s'applique qu'en matière de vente immobilière ; elle n'est donc pas applicable à la cession de droits successifs


Références :

Code civil 1678
Code civil 887, 888

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 juin 1986

A RAPPROCHER : (1°). Chambre civile 1, 1970-02-24 Bulletin 1970, I, n° 67 (2), p. 54 (rejet), et les arrêts cités. (2°). Chambre civile 1, 1960-10-19 Bulletin 1960, I, n° 448 (2), p. 366 (rejet). .


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 avr. 1988, pourvoi n°86-17736, Bull. civ. 1988 I N° 99 p. 67
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1988 I N° 99 p. 67

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Ponsard
Avocat général : Avocat général :M. Charbonnier
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Barat
Avocat(s) : Avocats :M. Bouthors, la SCP Waquet .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:86.17736
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