Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 24 janvier 1986) que la société Union financière privée d'investissement (UFPI), dont le dirigeant était M. Y..., a pris en octobre 1977 une participation dans la société anonyme Nature et parfum constituée entre les membres de la famille Z... et ayant comme commissaire aux comptes M. X... ; que M. Y..., devenu administrateur, ayant relevé des irrégularités dans les comptes de la société Nature et parfum et considérant que la société UFPI avait été trompée, a engagé une action pénale qui a abouti à la condamnation de M. Z... et de son directeur financier pour présentation de bilan inexact ; que, n'ayant obtenu réparation que de la seule partie de la somme réclamée, qui présentait un lien de causalité directe avec le délit, il a fait citer MM. Z... et X... devant la juridiction civile en vue d'obtenir réparation du préjudice qu'il considérait n'avoir pas été indemnisé ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer à la société UFPI et à M. Y... diverses sommes, alors, selon le pourvoi, d'une part, que par une lettre du 24 mai 1978, la société d'expertise économique et financière consultée par la société UFPI concluait, à l'examen de la situation comptable de 1976 et 1977, que la situation était alarmante et nécessitait des mesures énergiques ; que la cour d'appel a considéré que M. X... n'avait pas rempli sa mission, motif pris de ce que l'examen effectué par la Société d'expertise économique et financière " a permis de déceler une présomption de fraude dans la présentation du bilan de l'année 1976 " ; qu'en statuant de la sorte, bien qu'aux termes de la lettre du 24 mai 1978, la société d'expertise comptable concluait à une situation alarmante et non à une présomption de fraude, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre, en violation de l'article 1134 du Code civil et alors, d'autre part, que le commissaire aux comptes n'est pas tenu de certifier l'exactitude des comptes, mais seulement leur régularité et leur sincérité ; qu'il procède par sondage et n'est pas tenu de vérifier l'intégralité des pièces comptables ; que la découverte par un tiers d'une inexactitude ne saurait dès lors démontrer qu'il n'a pas accompli sa mission avec diligence ; qu'en déduisant néanmoins du fait que le nouveau directeur général, M. Y..., avait décelé les irrégularités, après avoir effectué un contrôle, que M. X... n'avait lui-même procédé à aucun contrôle, la cour d'appel a violé les articles 228 et 230 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt a constaté que la société d'expertise économique et financière, consultée par la société UFPI, a informé celle-ci " ... qu'il n'existait pas de report des écritures d'inventaire au 31 décembre 1976,... de l'absence de fiches de stocks,... de l'absence d'inventaire,... de l'insuffisance des circuits administratifs permettant le suivi des fabrications avec les sous-traitants,... d'une comptabilité embryonnaire pour 1977, empêchant tout arrêté de compte valable au 31 décembre 1977 " ; que la cour d'appel, ayant fait ressortir ces graves insuffisances, a pu en déduire que le commisaire aux comptes n'avait pas rempli sa mission ;
Attendu, d'autre part, que d'après l'article 228 de la loi du 24 juillet 1966, en sa rédaction antérieure à la loi du 30 avril 1983, les commissaires aux comptes certifient la régularité et la sincérité de l'inventaire, du compte d'exploitation générale, du compte de pertes et profits et du bilan, que par application de l'article 229 de la même loi, ils opèrent à toute époque de l'année les vérifications nécessaires pour mener à bien leur mission ; que la cour d'appel a constaté qu'un examen sommaire tel que celui effectué par la société d'expertise économique et financière avait permis de déceler la probabilité d'une fraude dans la présentation du bilan de 1976, et que les irrégularités n'avaient été révélées par M. X... qu'après que le nouveau dirigeant, M. Y..., les ait fait apparaître, alors que les difficultés qu'il reconnaissait avoir éprouvées pour obtenir les comptes de 1976 auraient dû l'inciter à se montrer spécialement circonspect et à se faire communiquer toutes les pièces utiles à l'exercice de sa mission ; que la cour d'appel a pu ainsi en conclure que ce commissaire aux comptes n'avait pas effectué de contrôles ; qu'elle a ainsi justifié légalement sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir condamné M. X... alors, selon le pourvoi, d'une part, que nul ne peut être tenu de réparer un dommage qu'il n'a pas causé ; que la responsabilité de M. X... a été retenue par l'arrêt attaqué en raison d'une faute qu'il aurait commise en certifiant la régularité et la sincérité des comptes de 1976 qui se sont révélés, en 1978, inexacts ; que l'arrêt attaqué constate que le premier versement effectué par l'UFPI n'a été possible que par la dissimulation par les administrateurs de la destination véritable de cette somme et que les versements ultérieurs ne peuvent être rattachés à une autre cause que la tromperie sur la destination des précédentes avances, d'où il suit que la faute de M. X..., à supposer même qu'elle ait contribué à la prise de participation d'UFPI dans le capital de la société Nature et parfum, n'avait pas provoqué ou incité l'UFPI à faire des avances de trésorerie dont elle demande le remboursement ; qu'en condamnant néanmoins M. X... in solidum avec les administrateurs à indemniser l'UFPI du préjudice résultant exclusivement, selon ses propres termes, de la faute de ces derniers, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; et alors, d'autre part, que pour être réparable, un préjudice doit être actuel et certain ; que le juge ne saurait prononcer de condamnation à la réparation d'un préjudice hypothétique ; qu'en l'espèce, le préjudice invoqué par la société
UFPI était constitué, aux termes de l'arrêt attaqué, par " les avances consenties, les frais engagés et les cautions données puis exécutées " ; que la société UFPI avait produit au passif de la liquidation des biens de la société Nature et parfum pour une créance globale de 1 070 000 francs ; que le préjudice invoqué par l'UFPI ne pouvant être constitué que par la perte définitive de sa créance, il appartenait à la cour d'appel de rechercher si celle-ci ne pouvait espérer recouvrer le montant de celle-ci auprès de sa débitrice, la société Nature et parfum ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt constate que la négligence fautive de M. X..., qui a certifié régulier et sincère un bilan inexact, a permis aux dirigeants de la société Nature et parfum d'obtenir l'intervention de la société UFPI, qui a souscrit à une augmentation de capital et versé postérieurement d'autres sommes, prolongeant son aide jusqu'à ce que soit découverte la situation réelle de la société Nature et parfum ; que la cour d'appel a pu en déduire que cette faute ayant concouru avec celle des dirigeants à la perte subie par la société UFPI, son auteur devait être déclaré responsable in solidum avec ceux-ci ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt fait ressortir que la liquidation des biens de la société Nature et parfum faisait apparaître une importante insuffisance d'actif et qu'ainsi la perte de sommes apportées par la société UFPI devait être considérée comme certaine ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a justifié légalement sa décision ;
Qu'ainsi, les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi