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12/01/1988 | FRANCE | N°86-14607

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 janvier 1988, 86-14607


Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mars 1986) que la société Khune et Nagel a confié à la société Serris le transport par mer, de Marseille et Port-Saint-Louis-du-Rhône vers Alger, de semi-remorques chargées de matériel destiné aux travaux des sociétés Bouygues et SCTP en Algérie ainsi que le retour de ces véhicules vides au port de départ, que cette dernière partie des opérations a donné lieu à des difficultés qui ont obligé la société Khune et Nagel à faire appel à diverses entreprises de manutention pour le réembarquement des semi-remo

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Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mars 1986) que la société Khune et Nagel a confié à la société Serris le transport par mer, de Marseille et Port-Saint-Louis-du-Rhône vers Alger, de semi-remorques chargées de matériel destiné aux travaux des sociétés Bouygues et SCTP en Algérie ainsi que le retour de ces véhicules vides au port de départ, que cette dernière partie des opérations a donné lieu à des difficultés qui ont obligé la société Khune et Nagel à faire appel à diverses entreprises de manutention pour le réembarquement des semi-remorques, que cette société a demandé à la société Serris la réparation du préjudice qu'elle a ainsi subi, que la société Serris a appelé en garantie la Compagnie nationale algérienne de navigation (CNAN), qui a effectué le transport maritime d'une partie des véhicules ; .

Sur le premier moyen, pris en ses huit branches :

Attendu que la société Serris fait grief à la cour d'appel d'avoir accueilli la demande formée contre elle par la société Khune et Nagel en retenant sa qualité de commissionnaire de transport et en se fondant notamment sur un télex du 4 janvier 1983 de cette dernière société et sur une circulaire du même jour de la société Serris à destination de ses agences de Port-Saint-Louis-du-Rhône et de Marseille alors, selon le pourvoi, que, de première part, une entreprise ne peut être qualifiée de commissionnaire de transport que si elle a librement organisé le transport litigieux de bout en bout, en son nom et sous sa responsabilité ; qu'après avoir constaté que la société Serris avait reçu instruction d'embarquer les matériels sur les navires d'un transporteur déterminé et formellement désigné par son cocontractant la cour d'appel ne pouvait donc pas retenir sa qualité de commissionnaire de transport substitué, sans violer l'article 94 du Code de commerce, alors que, de deuxième part, ainsi que l'arrêt attaqué l'a lui-même souligné, les instructions reçues ne laissaient à leur destinataire que la liberté d'opter résiduellement pour les navires d'un armateur différent de celui formellement désigné par le commissionnaire de transport ; qu'en les analysant néanmoins comme une simple recommandation d'opportunité la cour d'appel a donc dénaturé la portée du télex du 4 janvier 1983, en violation de l'article 1134 du Code civil, alors que, de troisième part, la société Serris avait invoqué une lettre du 19 décembre 1983, contemporaine donc de l'achèvement des opérations, dans laquelle son mandant rappelait que 99 % des transports avaient été effectués par les navires de l'armateur algérien désigné par lui dans son télex d'instructions ; qu'en affirmant que la société Serris avait librement choisi les armateurs, sans rechercher si le libre choix des transporteurs avait excédé 1 % du trafic réalisé pour le compte du commissionnaire de transport, la cour d'appel a derechef privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du Code civil et 94 du Code de commerce, alors que, de quatrième part, le télex du 4 janvier 1983 ne fixait un forfait unitaire que pour les opérations de transit ; que la circulaire du même jour précisait que le fret serait facturé " aux conditions officielles ", c'est-à-dire au prix imposé par le transporteur désigné par la société Khune et Nagel ; qu'en retenant que le transitaire français aurait accepté d'effectuer un ensemble d'opérations " moyennant forfait unitaire ",

la cour d'appel a donc dénaturé la portée des accords du 4 janvier 1983, en violation de l'article 1134 du Code civil, alors que, de cinquième part, la circulaire du 4 janvier 1983 ne faisait plus mention que du transit aller-retour en France au prix de 400 francs par unité, tel que l'avait proposé la société Khune et Nagel dans son télex du même jour ; qu'en énonçant que le transitaire français aurait accepté de prendre en charge l'ensemble des opérations de transit tant en France qu'en Algérie la cour d'appel a encore dénaturé le document susvisé, en violation de l'article 1134 du Code civil, alors que, de sixième part, la société Serris faisait valoir que l'opération proposée par la société Khune et Nagel s'était finalement réalisée sur la base de 500 francs par unité, les opérations de transit à l'étranger ayant été confiées à un transitaire algérien ; qu'en décidant que la prise en charge de l'ensemble des opérations de transit résultait des accords du 4 janvier 1983, sans constater que le contrat avait bien été conclu au prix (de 1 400 francs par unité) proposé par la société Khune et Nagel pour l'accomplissement de prestations tant en France qu'en Algérie, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au vu des articles 1101 et 1134 du Code civil, ainsi qu'au regard de l'article 94 du Code de commerce, alors que, de septième part, la question à résoudre était celle de savoir si le transitaire algérien, qu'il eût été ou non filiale du transitaire français, avait directement contracté avec le commissionnaire de transport pour les prestations à accomplir en Algérie ; qu'en se bornant à objecter que le transitaire algérien était une filiale du transitaire français, au lieu de constater que le premier était un sous-traitant du second, la cour d'appel, statuant par un motif inopérant, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles susvisés, et alors qu'enfin, en constatant tout à la fois, d'un côté, que le transitaire français avait pris l'initiative d'introduire dans l'opération le transitaire algérien, de l'autre, que ce dernier n'était cependant pas un sous-traitant du premier, la cour d'appel s'est contredite et a donc méconnu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'a pas constaté que la société Serris avait reçu des instructions pour embarquer les matériels sur des navires d'un transporteur formellement désigné par son cocontractant ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel n'a pas dénaturé le télex du 4 janvier 1983 en retenant qu'il contenait une simple recommandation d'embarquement sur les navires de la CNAN ;

Attendu, enfin, qu'ayant relevé, par motif propre et adopté, que la société Serris s'était vue confier l'organisation du transport de bout en bout et notamment les opérations de chargement à Port-Saint-Louis-du-Rhône et de déchargement à Alger, qu'elle apparaissait sur les connaissements comme agissant pour son compte et non pour le compte d'un mandant et qu'elle avait effectué personnellement et librement un ensemble de prestations, choisissant les navires, parfois non algériens en l'espèce, la cour d'appel a pu, abstraction faite de tous autres motifs surabondants, retenir la qualité de commissionnaire de transport de la société Serris et la déclarer responsable du préjudice causé par l'exécution défectueuse de la convention ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré prescrite l'action en garantie exercée par la société Serris en tant que commissionnaire de transport contre la CNAN alors, selon le pourvoi, que, d'une part, l'article 36, alinéa 2, de la loi du 18 juin 1966 ne vise que les actions récursoires du transporteur maritime contre les agents qu'il s'est substitués dans l'exécution de ses obligations, et non l'action en garantie du commissionnaire contre ce transporteur ; d'où il suit que la cour d'appel a violé par fausse application le texte susvisé, alors que, d'autre part, une action en garantie ne peut être exercée avant que le garanti ait été lui-même assigné ; qu'à compter de son assignation à titre principal, le commissionnaire de transport substitué disposait donc d'un délai d'un an pour agir en garantie contre le transporteur maritime ; d'où il suit que la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 36, alinéa 1er, de la loi du 18 juin 1966, ainsi que la règle " actio non nata non praescribitur " ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que l'article 32, alinéa 2, de la loi du 18 juin 1966 était applicable à l'action récursoire exercée par la Société Serris, commissionnaire de transport, contre la CNAN transporteur maritime ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 86-14607
Date de la décision : 12/01/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Commissionnaire de transport - Action récursoire contre le transporteur - Prescription - Délai - Article 32, alinéa 2, de la loi de 1966 - Application

* TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Responsabilité - Action en responsabilité - Action récursoire du commissionnaire contre le transporteur - Prescription

L'article 32, alinéa 2, de la loi du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transports maritimes, est applicable à l'action récursoire exercée par le commissionnaire de transport contre le transporteur maritime .


Références :

Loi 66-420 du 18 juin 1966 art. 32 al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 20 mars 1986


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 12 jan. 1988, pourvoi n°86-14607, Bull. civ. 1988 IV N° 27 p. 19
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1988 IV N° 27 p. 19

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Baudoin
Avocat général : Avocat général :M. Cochard
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Nicot
Avocat(s) : Avocats :la SCP Nicolas, Massé-Dessen et Georges, M. Henry, la SCP Boré et Xavier .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:86.14607
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