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12/01/1988 | FRANCE | N°85-18787

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 12 janvier 1988, 85-18787


Sur les trois moyens réunis, pris en leurs diverses branches :

Attendu que la société Les Editions Salabert, cessionnaire des droits patrimoniaux de Charles Z... sur la chanson " Douce France ", dont il a écrit la musique et les paroles, a demandé aux juges du fond de condamner Thierry X..., Bernard Y... et la société WEA-Filipacchi Music, éditeur de disques, à réparer le préjudice à elle causé par " la prétendue parodie " de cette chanson sous le titre " Douces transes ", écrite par Bernard Y... et constituant, selon elle, une adaptation illicite de " Douce France ", et

d'interdire sous astreinte la représentation, la reproduction et l'...

Sur les trois moyens réunis, pris en leurs diverses branches :

Attendu que la société Les Editions Salabert, cessionnaire des droits patrimoniaux de Charles Z... sur la chanson " Douce France ", dont il a écrit la musique et les paroles, a demandé aux juges du fond de condamner Thierry X..., Bernard Y... et la société WEA-Filipacchi Music, éditeur de disques, à réparer le préjudice à elle causé par " la prétendue parodie " de cette chanson sous le titre " Douces transes ", écrite par Bernard Y... et constituant, selon elle, une adaptation illicite de " Douce France ", et d'interdire sous astreinte la représentation, la reproduction et l'exploitation de cette adaptation, en particulier sous la forme du disque " Le Triomphe de Thierry X... à Marigny " ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 15 octobre 1985) a rejeté ces demandes au motif essentiel que " Douces transes " constituait une parodie autorisée par l'article 41-4° de la loi du 11 mars 1957 ;

Attendu que la société Les Editions Salabert reproche d'abord à la cour d'appel d'avoir ainsi statué alors que, selon la définition qu'en donne du reste l'arrêt attaqué, la parodie consiste en un travestissement comique de l'oeuvre originale et ne doit pas s'en prendre à la personnalité même de l'auteur de cette oeuvre ; qu'ayant relevé que Thierry X... avait au contraire reproduit sans aucun travestissement la musique de la chanson originale de Charles Z... et y avait joint des paroles brocardant certains éléments prêtés à la personnalité de celui-ci, les juges du second degré n'auraient pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et auraient violé l'article 41-4° de la loi du 11 mars 1957 ; qu'en un second moyen, il est soutenu, d'une part, que la cour d'appel s'est contredite en se référant, pour rechercher quelle était la loi du genre, dont ce texte prescrit de tenir compte, aux spectacles d'imitation donnés par Thierry X... lui-même, lesquels, comme l'avait relevé le jugement confirmé, consistaient précisément en reproductions intégrales de la musique d'oeuvres originales, accompagnées de paroles prenant pour cibles les auteurs de ces oeuvres ; que le même moyen prétend, d'autre part, que l'arrêt attaqué viole la loi du 11 mars 1957 en ce qu'il a attribué à Thierry X... la faculté de déterminer librement la loi d'un genre ; qu'enfin, selon le troisième moyen, la cour d'appel ne pouvait pas, sans violer les articles 48 et suivants de ladite loi, interdire comme elle a fait à l'éditeur titulaire des droits patrimoniaux de Charles Z... de tirer argument de l'atteinte éventuellement portée à la personne de celui-ci, cet éditeur étant au contraire en droit d'invoquer le caractère illicite d'une oeuvre qui, sous le couvert de la notion de parodie, est dirigée contre la personnalité de l'auteur de l'oeuvre originale et ne correspond donc pas aux lois du genre ;

Mais attendu que l'article 41-4° de la loi du 11 mars 1957 autorise notamment la parodie et la caricature ; qu'il est dans les lois du genre de la première, qui se distingue en cela du pastiche, de permettre l'identification immédiate de l'oeuvre parodiée, et dans celles de la seconde de se moquer d'un personnage par l'intermédiaire de l'oeuvre caricaturée dont il est l'auteur ; qu'il ne saurait dès lors être interdit au chansonnier-imitateur qui prend la voix de l'auteur-interprète d'une chanson et se livre en même temps à une parodie et à une caricature, de reproduire la musique originale de sorte que l'oeuvre parodiée est immédiatement identifiée tandis que le travestissement des seules paroles suffit à réaliser celui de cette oeuvre prise dans son ensemble et à empêcher toute confusion, ni de se moquer le cas échéant avec insolence des travers de celui qui est imité ;

Attendu que, sans se contredire, la cour d'appel a donc pu retenir que le spectacle de " Douces Transes " constituait une parodie et une caricature au sens de l'article 41-4° de la loi de 1957 ; qu'à bon droit elle a considéré que dans la mesure où il en résulterait pour l'auteur de " Douce France " une atteinte diffamatoire, seul celui-ci serait recevable à s'en plaindre ;

Que l'arrêt attaqué est donc légalement justifié et qu'aucun des griefs formulés ne saurait être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 85-18787
Date de la décision : 12/01/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - OEuvre de l'esprit - Reproduction - Prohibition - Exception - Parodie et caricature - OEuvre musicale - Droits du chansonnier-imitateur

* PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droit d'exploitation de l'oeuvre - Monopole - Exception - Parodie et caricature - OEuvre musicale - Droits du chansonnier-imitateur

* PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droits d'auteur - Cession - Etendue - Action en diffamation - Exclusion

* DIFFAMATION ET INJURES - Diffamation - Action en justice - Exercice - Qualité pour l'exercer - OEuvre de l'esprit - Cessionnaire des droits patrimoniaux (non)

* PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - OEuvre musicale - Chanson - Droits du chansonnier-imitateur - Etendue

Selon l'article 41 de la loi du 11 mars 1957, l'auteur d'une oeuvre divulguée ne peut en interdire la parodie et la caricature, compte tenu des lois du genre . Il est dès lors permis au chansonnier-imitateur qui prend la voix de l'auteur-interprète d'une chanson et se livre en même temps à une parodie et à une caricature de reproduire la musique originale de l'oeuvre et d'en travestir seulement les paroles - réalisant ainsi le travestissement de l'oeuvre, prise dans son ensemble, empêchant toute confusion avec l'oeuvre originale - et de se moquer, même avec insolence, des travers de celui qui est imité . Et s'il en résultait pour l'auteur de l'oeuvre une atteinte diffamatoire, seul ce dernier pourrait s'en plaindre à l'exclusion du cessionnaire de ses droits patrimoniaux


Références :

Loi 57-298 du 11 mars 1957 art.41

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 octobre 1985


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 12 jan. 1988, pourvoi n°85-18787, Bull. civ. 1988 I N° 5 p. 4
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1988 I N° 5 p. 4

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Fabre
Avocat général : Avocat général :M. Charbonnier
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Fabre
Avocat(s) : Avocats :la SCP Riché, Blondel et Thomas-Raquin, M. Choucroy, la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:85.18787
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