CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- le procureur général près la cour d'appel de Paris,
- l'administration des Douanes et des Droits indirects, représentée par son directeur général en exercice, partie jointe,
contre un arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 9 juin 1986, qui, statuant sur renvoi après cassation dans une poursuite exercée contre Rupert X... et Jean-Paul Y... pour complicité de fausse déclaration dans l'espèce et pour participation comme intéressés à une importation de marchandises prohibées, a annulé le procès-verbal d'interrogatoire de Y... en date du 10 mars 1981 et tous les actes de procédure subséquents, y compris l'ordonnance du 19 novembre 1981 portant renvoi de Y... et de X... devant le tribunal correctionnel et a renvoyé le ministère public à se pourvoir comme il appartiendrait.
LA COUR,
Vu la connexité, joignant les pourvois ;
Vu le mémoire du procureur général près la cour d'appel de Paris, demandeur, et les mémoires produits tant en demande qu'en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par le procureur général près la cour d'appel de Paris et pris de la violation des articles 485, 493 et 520 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
Et sur le moyen unique de cassation proposé par la demanderesse et pris de la violation des articles 399, 426, 414 du Code des douanes, 520 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a annulé le procès-verbal d'interrogatoire du prévenu en date du 10 mars 1981 et a refusé d'évoquer et de statuer au fond ;
" aux motifs qu'il est constant que M. Landrau, à partir du 1er janvier 1981, n'avait pas qualité pour accomplir des actes rentrant dans la compétence d'un juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris ; qu'il en résulte que, dès lors, tous les actes postérieurs à cette date faits par M. Landrau dans l'information suivie contre Y... et X... sont entachés de nullité, en particulier le procès-verbal d'interrogatoire de Y... du 10 mars 1981 ; qu'en conséquence, la Cour annulera cet acte ainsi que tous les actes subséquents accomplis par M. Landrau et en particulier l'ordonnance du 19 novembre 1981 portant renvoi de Y... et de X... devant le tribunal correctionnel de Paris ; qu'en l'espèce le procès-verbal d'interrogatoire du 10 mars 1981 et, notamment, l'ordonnance de renvoi du 19 novembre 1981 devant le tribunal, ayant été accomplis par une personne dépourvue de tout pouvoir juridictionnel au tribunal de grande instance de Paris comme n'ayant pas été légalement nommée ou affectée, ainsi qu'il découle des arrêts précités du Conseil d'Etat, que de telles irrégularités affectant l'ordre des juridictions et par là à l'évidence sont de celles qu'aucune défense au fond ne peut purger ;
" alors que l'évocation est obligatoire soit que l'irrégularité reconnue s'attache à l'instruction ou au jugement, soit qu'elle se réfère aux actes eux-mêmes en vertu desquels le Tribunal a été saisi et notamment à l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction devant le tribunal correctionnel ; que l'évocation n'est impossible que dans le cas où le titre initial de la poursuite est radicalement nul ; qu'en l'espèce des poursuites ont été engagées par un réquisitoire régulier pris au vu d'un acte introductif d'instance fiscale et de procès-verbaux de douane également réguliers ; que la cour d'appel, après avoir annulé le procès-verbal d'interrogatoire de Y... en date du 10 mars 1981 et les actes subséquents au motif que le juge d'instruction aurait été personnellement incompétent refuse d'évoquer et de statuer au fond au prétexte que cette irrégularité s'opposerait à toute évocation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 520 du Code de procédure pénale " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les dispositions de l'article 520 du Code de procédure pénale, qui obligent les juges d'appel d'évoquer le fond lorsque le jugement est annulé pour violation ou omission non réparée des formes prescrites par la loi à peine de nullité, ne sont pas limitatives et s'étendent aux cas où l'irrégularité s'attache à l'instruction et affecte l'acte par lequel le tribunal a été saisi ;
Attendu que, sur appel du ministère public et des prévenus, les juges du second degré ont constaté la nullité du procès-verbal d'interrogatoire en date du 10 mars 1981 de l'inculpé Y... et de tous les actes de procédure subséquents notamment de l'ordonnance du 19 novembre 1981 portant renvoi des deux prévenus devant le tribunal correctionnel ;
Que, dès lors, il leur appartenait non pas de renvoyer le ministère public à se pourvoir mais d'user du pouvoir d'évoquer qu'ils tiennent de l'article 520 du Code de procédure pénale et de statuer au fond ;
Qu'en omettant de procéder ainsi qu'il vient d'être indiqué, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 9 juin 1986, mais seulement en ce qu'il a renvoyé le ministère public à se pourvoir et pour être à nouveau jugé conformément à la loi et dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles.