La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/11/1987 | FRANCE | N°85-18570

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 novembre 1987, 85-18570


Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 septembre 1985), que, fabricant de produits pharmaceutiques, la société Laboratoires Gallier (société Gallier) a, pour une durée de dix ans, concédé à la société Delalande le droit exclusif de commercialiser en République fédérale d'Allemagne, où elle possède une filiale, la société Delalande-Arzneimittel, une spécialité de sa production qu'elle s'est engagée à livrer sous forme de produit fini dont elle aurait assuré le contrôle pharmaceutique ; que, exerçant la

faculté que lui accordait la convention conclue avec la société Gallier, la so...

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 septembre 1985), que, fabricant de produits pharmaceutiques, la société Laboratoires Gallier (société Gallier) a, pour une durée de dix ans, concédé à la société Delalande le droit exclusif de commercialiser en République fédérale d'Allemagne, où elle possède une filiale, la société Delalande-Arzneimittel, une spécialité de sa production qu'elle s'est engagée à livrer sous forme de produit fini dont elle aurait assuré le contrôle pharmaceutique ; que, exerçant la faculté que lui accordait la convention conclue avec la société Gallier, la société Delalande a, par une convention distincte, concédé à sa filiale, pour une durée de cinq ans et contre paiement d'une redevance, l'exclusivité de la commercialisation de la spécialité en RFA ; que, elle aussi fabricant de produits pharmaceutiques, la société Pharmindustrie a fourni à la société Gallier un des lots de la substance chimique utilisé comme principe actif de la spécialité et qu'elle avait fabriqué ; que, des troubles liés à l'ingestion du médicament issu de ce lot étant apparus, les autorités allemandes ont exigé que la spécialité soit provisoirement retirée du marché ; que, la société Delalande ayant assigné la société Gallier en réparation du préjudice résultant pour elle de cette mesure et en paiement d'une provision, celle-ci a appelé en garantie son assureur, l'Union des assurances de Paris (compagnie UAP) ainsi que les sociétés Pharmindustrie et Laboratoires Sobio (société Sobio), celle-ci façonnier de la spécialité, auxquelles elle a en outre demandé réparation de son préjudice personnel ; que la filiale allemande de la société Delalande est intervenue à la procédure à titre accessoire ; que les sociétés Laboratoires UPSA et Hexachimie, assignées en intervention forcée par la société Gallier, ont été mises hors de cause ; que l'expert antérieurement désigné en référé a conclu que les troubles apparus avaient pour origine l'altération, au cours de sa fabrication par la société Pharmindustrie, du lot de " matière première " livré à la société Gallier ; que la société Gallier a opposé à l'action exercée par la société Delalande une fin de non-recevoir tirée de ce que, ayant cédé à sa filiale le bénéfice des droits qu'elle lui avait concédés, elle était privée d'intérêt et de qualité pour poursuivre la réparation des dommages liés à l'exploitation de la spécialité litigieuse ;

Attendu que la société Gallier fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'action de la société Delalande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que seul celui qui a un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention est recevable à agir ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la société Delalande avait concédé à sa filiale allemande, pour une durée de cinq ans, le bénéfice des droits qui lui avaient été concédés par la société Gallier ; que cette filiale avait exploité ce médicament ; qu'il en résulte que la société Delalande n'avait plus d'intérêt légitime à agir à l'encontre de la société Gallier, alors, d'autre part, que la société Gallier avait fait valoir dans ses conclusions d'appel qu'elle avait effectivement livré et facturé directement les médicaments litigieux à la filiale allemande de la société Delalande ; que la cour d'appel n'était donc pas fondée à opposer à

la société Gallier le fait qu'elle n'ait pas apposé sa signature sur le contrat de sous-concession intervenu entre la société Delalande et sa filiale, ni le fait qu'elle n'ait eu connaissance du contrat lui-même qu'à l'occasion de l'expertise ; qu'en ne recherchant pas si, du fait de la livraison et de la facturation à la filiale de la société Delalande, la société Gallier n'avait pas accepté le transfert de la concession à celle-ci, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale et celui-ci encourt la cassation au vu de l'article 1165 du Code civil, alors, en outre, que les juges du fond ne peuvent soulever d'office un moyen sans avoir invité les parties à s'expliquer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait, sans inviter la société Gallier à s'expliquer, refuser de tirer les conséquences du contrat de concession intervenu entre la société Delalande et sa filiale, au motif que la société Gallier n'aurait pas apposé sa signature sur le contrat de concession et qu'elle aurait reconnu dans ses écritures d'appel n'en avoir eu connaissance qu'à l'occasion de l'expertise ; que la cassation est encourue pour violation de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, et alors, enfin, qu'une partie ne peut exercer une action en réparation d'un préjudice qu'à condition qu'elle justifie d'un préjudice direct ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt, d'une part, qu'une partie du préjudice réside dans le fait que la société Delalande aurait pu être privée d'une redevance qu'elle percevait de sa filiale sur les ventes réalisées en Allemagne et que, d'autre part, il apparaît qu'une partie des dommages, et spécialement l'indemnisation des victimes allemandes, a été supportée par la filiale de la société Delalande ; qu'il s'agit, dans un cas comme dans l'autre, d'un préjudice indirect dont la société Delalande n'était pas recevable à demander réparation ; que la cassation est donc encourue pour violation de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté que, s'il avait été convenu entre la société Gallier et la société Delalande que le médicament serait directement livré et facturé à la filiale allemande, le contrat intervenu entre cette filiale et la société Delalande n'avait pas pour autant mis fin à la concession dont bénéficiait cette dernière et que la société Gallier restait tenue à son égard des obligations dont la violation fondait l'action entreprise ; qu'elle a en outre relevé que la société Delalande percevait de sa filiale une redevance sur les ventes réalisées en Allemagne et que la suspension de ces ventes l'avait privée d'une source de revenus ; que, par ces seuls motifs, qui font apparaître le caractère direct du préjudice subi par la société Delalande, la cour d'appel, qui n'a pas refusé de tirer les conséquences de la convention passée entre la société Delalande et sa filiale, qui n'avait pas à faire la recherche qui lui est reproché d'avoir omise et qui a souverainement apprécié l'intérêt de la société Delalande à exercer l'action engagée, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Gallier fait encore grief à la cour d'appel d'avoir limité au pourcentage qu'elle a fixé la condamnation de la société Pharmindustrie à la garantir du paiement de la provision allouée à la société Delalande et des condamnations à intervenir après évaluation des dommages survenus, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le fabricant de produits pharmaceutiques qui achète un principe actif à un autre laboratoire n'est pas tenu de refaire les analyses déjà effectuées par le fabricant du principe actif, sous sa responsabilité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil, et alors, d'autre part, qu'à supposer que, dans ses rapports avec les tiers, le laboratoire pharmaceutique qui achète, pour les besoins de sa fabrication, un principe actif à un autre laboratoire, en vue de la fabrication d'un médicament, soit tenu d'exercer un contrôle sur la substance qu'il utilise pour celle-ci, il n'a pas cette obligation dans ses rapports avec son vendeur, de telle sorte que l'obligation de celui-ci à garantie ne saurait être réduite, du fait de l'absence d'un second contrôle par l'acheteur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1641 et suivants du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que c'est à bon droit que la cour d'appel a énoncé que, titulaire de l'autorisation de mise sur le marché du médicament litigieux, la société Gallier avait l'obligation de procéder à la vérification de la " matière première " devant servir à sa fabrication sans pouvoir s'en remettre aux contrôles exercés auparavant ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que les manquements contractuels respectifs de la société Gallier et de la société Pharmindustrie avaient concouru à la réalisation du dommage subi par la société Delalande, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'avait pas à faire application de l'article 1641 du Code civil, s'est, par une appréciation souveraine de la part de responsabilité incombant à chacune d'elles, prononcée comme elle l'a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Gallier fait encore grief à l'arrêt d'avoir mis hors de cause la société Sobio, alors, selon le pourvoi, que le façonnier est un sous-traitant, véritable fabricant ; que, dès lors, celui-ci est tenu des mêmes obligations que son cocontractant et que, dans la mesure où une obligation de contrôle pèse sur le fabricant, cette obligation de contrôle pèse dans les mêmes conditions sur le façonnier ; qu'en décidant que la responsabilité du façonnier n'existait pas en l'espèce car son obligation se limitait à un contrôle d'identité du produit lorsque le fabricant avait déjà procédé à un contrôle, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant à bon droit énoncé que la société Gallier, fabricant de la spécialité litigieuse, lui en ayant livré la " matière première " en lui remettant un bulletin faisant apparaître qu'elle en avait " contrôlé la conformité et la qualité ", l'obligation de la société Sobio, façonnier de cette spécialité, se limitait à un contrôle de l'identité du produit sans que puisse lui être imposé d'en vérifier la qualité, la cour d'appel, qui a relevé que la société Sobio s'était effectivement assurée que le produit reçu lors de la livraison du lot à l'origine des troubles survenus était bien composé de la substance appropriée, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que la société Gallier fait enfin grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de l'action dirigée contre son assureur, alors, selon le pourvoi, qu'il résulte de l'article L. 113-1 du Code des assurances que seules les exclusions formelles et limitées sont valables ; que l'interdiction d'insérer, dans une police d'assurance, des exclusions autres que limitées, vise aussi bien les exclusions indirectes que les exclusions directes ; que la limitation de l'assurance de la responsabilité professionnelle du fabricant de produits pharmaceutiques à la couverture de sa responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle, à l'exclusion de sa responsabilité contractuelle, constitue bien une exclusion indirecte ; que cette exclusion qui rend, en réalité, totalement inefficace l'assurance, le sous-acquéreur de produit pharmaceutique disposant d'une action contractuelle contre le fabricant, entre, par sa généralité, dans le cadre de l'interdiction visée par l'article L. 113-1 du Code des assurances qui a ainsi été violé ;

Mais attendu qu'ayant relevé que, de la volonté des parties, la police d'assurance souscrite par la société Gallier se limitait à la couverture des risques inhérents à sa responsabilité délictuelle, c'est à bon droit que la cour d'appel a estimé que l'exclusion de garantie en résultant pour les conséquences de sa responsabilité contractuelle ne portait pas atteinte aux dispositions visées par le moyen ; que celui-ci n'est donc pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 85-18570
Date de la décision : 24/11/1987
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Pharmacie - Spécialités pharmaceutiques - Fabrication - Autorisation de mise sur le marché - Obligations du titulaire - " Matière première " servant à la fabrication - Vérification personnelle.

1° Le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament a l'obligation de procéder à la vérification de la " matière première " devant servir à sa fabrication sans pouvoir s'en remettre aux contrôles exercés auparavant .

2° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Pharmacie - Spécialités pharmaceutiques - Fabrication - Obligations du façonnier - Remise par le fabricant d'un bulletin attestant le contrôle de la conformité et de la qualité du produit - Vérification de la seule identité.

2° Dès lors que le fabricant d'une spécialité pharmaceutique lui en a livré la " matière première " en lui remettant un bulletin faisant apparaître qu'il en avait contrôlé la conformité et la qualité, l'obligation du façonnier se limite à un contrôle de l'identité du produit sans que puisse lui être imposé d'en vérifier la qualité .

3° ASSURANCE RESPONSABILITE - Garantie - Etendue - Spécialités pharmaceutiques - Fabrication - Risques inhérents à la responsabilité délictuelle - Exclusion des risques inhérents à la responsabilité contractuelle.

ASSURANCE (règles générales) - Garantie - Etendue - Risques inhérents à la responsabilité délictuelle - Exclusion des risques inhérents à la responsabilité contractuelle * PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Pharmacie - Spécialités pharmaceutiques - Fabrication - Assurance - Garantie - Etendue - Risques inhérents à la responsabilité délictuelle - Exclusion des risques inihérents à la responsabilité contratuelle.

3° Dès lors que, de la volonté des parties, une police d'assurance se limite à la couverture des risques inhérents à la responsabilité délictuelle de l'assuré, l'exclusion de garantie en résultant pour les conséquences de sa responsabilité contractuelle ne porte pas atteinte aux dispositions de l'article L. 113-1 du Code des assurances relatives au caractère formel et limité des exclusions contenues dans une police


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 30 septembre 1985


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 nov. 1987, pourvoi n°85-18570, Bull. civ. 1987 IV N° 249 p. 185
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1987 IV N° 249 p. 185

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Baudoin
Avocat général : Avocat général :M. Cochard
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Cordier
Avocat(s) : Avocats :MM. Ryziger, Copper-Royer, Roger, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, MM. Vuitton, Odent .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:85.18570
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award