Vu la connexité, joint les pourvois n°s 84-44.314 et 84-44.866 ; .
Sur les deuxième et troisième moyens réunis du pourvoi n° 84-44.314, pris de la violation des articles L. 122-12, L. 122-14-4, L. 321-9 et L. 511-1 du Code du travail et sur le moyen unique du pourvoi n° 84-44.866, pris de la violation des mêmes articles et des articles L. 321-7, L. 321-12 du Code du travail, 455 du nouveau Code de procédure civile et de la loi des 16-24 août 1790 :
Attendu que, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Agen, 10 juillet 1984), M. Z... a accepté, début octobre 1981, de reprendre le portefeuille d'agent général d'assurance de la compagnie UAP que détenait M. X..., sous condition du licenciement préalable de Mme Y... ; que ce dernier a présenté, le 13 octobre 1981, une demande d'autorisation de licencier la salariée pour motif économique, autorisation qui lui fut refusée le 30 octobre ; que, M. X... ayant à nouveau sollicité une autorisation de licenciement, celle-ci lui fut refusée le 25 novembre ; que M. X... a néanmoins licencié la salariée le 10 décembre 1981 ; que celle-ci, estimant son congédiement abusif, a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de diverses sommes ;
Attendu que MM. X... et Z... font grief à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés solidairement à payer à Mme Y... des dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail, alors, premièrement, que la cour d'appel ne pouvait, sans contradiction, estimer que M. X... avait invoqué un motif faussement économique pour licencier Mme Y..., tout en lui reprochant d'avoir contrevenu aux dispositions de l'article L. 321-7 du Code du travail applicable lorsque le motif du licenciement est économique, alors, deuxièmement, que M. X... ayant saisi l'autorité administrative d'une demande de licenciement pour motif économique, reçue le 16 octobre 1981, bénéficiait d'une décision administrative tacite autorisant le licenciement de Mme Y... à l'expiration du délai de sept jours prévu par l'article L. 321-9, alinéa 2, du Code du travail, dont la validité n'avait pas été affectée par les refus opposés hors délai les 30 octobre et 25 novembre 1981 et que la cour d'appel ne pouvait donc décider que M. X... avait procédé au licenciement de la salariée en contravention de l'article L. 321-7 du Code du travail, alors, troisièmement, que lorsque l'issue du litige dépend de l'appréciation de la légalité de la décision administrative, le tribunal surseoit à statuer et saisit le tribunal administratif compétent ; qu'en l'espèce, l'inspecteur du travail n'ayant pas répondu à la demande d'autorisation dans le délai imparti, mais postérieurement, la légalité de la décision de l'Administration devait être appréciée par la juridiction administrative qu'il appartenait aux juges du fond de saisir ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles L. 321-9 et L. 511-1 du Code du travail, alors, quatrièmement, que l'autorité administrative compétente n'ayant pas répondu dans le délai qui lui était imparti, avait implicitement admis que le licenciement de Mme Y... était justifié par le motif économique invoqué ; que la cour d'appel ne pouvait, sans
méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs, remettre en cause la réalité du motif économique et que, si elle estimait qu'il existait une contestation sérieuse sur la légalité de la décision administrative tacite autorisant le licenciement, elle était tenue de surseoir à statuer sur cette question préjudicielle et de saisir le tribunal administratif en application de l'article L. 511-1 du Code du travail, et qu'en statuant comme elle l'a fait, elle a violé les articles L. 321-9 et L. 511-1 du Code du travail et la loi des 16-24 août 1790, alors, cinquièmement, qu'en se bornant à constater que M. X... avait clairement indiqué à l'inspecteur du travail qu'il devait procéder au licenciement de Mme Y... à la demande expresse de M. Z... qui escomptait utiliser les services de son épouse, ce qui était de nature à constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, pour en déduire la collusion frauduleuse des deux employeurs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, alors, sixièmement, qu'après avoir constaté que le licenciement de Mme Y... avait été prononcé en raison de la suppression de l'emploi de secrétaire de direction qui avait, d'ores et déjà, été décidée par l'acquéreur, désirant exploiter le portefeuille avec son épouse et diminuer ainsi la masse salariale trop lourde, eu égard à ses charges à venir, ce qui constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel n'a pas tiré de ces constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient ;
Mais attendu, d'une part, que c'est par une appréciation souveraine que la cour d'appel a estimé qu'était établie l'existence d'une collusion entre les deux employeurs successifs, destinée à faire fraude à l'application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail au préjudice de la salariée ; que les moyens, en ce qu'ils tendent à remettre en cause cette appréciation, ne sont pas recevables ;
Sous le couvert de griefs non fondés de défaut de base légale et de non-déduction des conséquences légales de constatations de fait,
Attendu, d'autre part, qu'ayant ainsi constaté que l'autorisation administrative de licenciement litigieuse n'avait été demandée que pour faire échec aux droits que la salariée tenait de la loi, la cour d'appel a décidé à bon droit que l'issue du litige ne dépendait pas de l'appréciation, par la juridiction administrative, de la légalité des décisions intervenues en la cause ;
D'où il suit que l'arrêt attaqué échappe de ce chef aux critiques des moyens ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi n° 84-44.866 et les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° 84-44.314 ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi n° 84-44.314 :
Vu l'article IV-2-2 de la convention collective nationale du personnel des agences générales d'assurances du 12 mars 1981 ;
Attendu que, selon ce texte, le salarié licencié après deux ans d'ancienneté et avant l'âge de départ ou de mise à la retraite a droit, lors de son licenciement, hors le cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée, sauf dispositions légale plus favorable, à raison d'un pourcentage du salaire mensuel moyen, par année d'ancienneté, de 12 %, puis, à partir de 1983, de 14 %, pour deux à cinq ans d'ancienneté, de 16 % de cinq à dix ans d'ancienneté, de 18 % de dix à quinze ans, et de 25 % au-delà de quinze ans ; que l'indemnité étant plafonnée à sept mois de salaire, le salaire à prendre en considération pour le calcul de cette indemnité est le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour l'intéressé, le tiers des trois derniers mois ;
Attendu que pour condamner M. X... à payer à Mme Y... une somme à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt attaqué a décidé que l'employée devait bénéficier, aux termes des dispositions susvisées, de 25 % du salaire moyen mensuel des douze derniers mois multiplié par sept mois de salaire, compte tenu de son ancienneté de plus de quinze ans ;
Attendu cependant qu'il résulte de l'article IV-2-2 de la convention collective précitée que les pourcentages du salaire mensuel moyen par année d'ancienneté s'appliquent par tranches d'ancienneté ;
Qu'il s'ensuit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... à payer à Mme Y... la somme de 13 724 francs pour rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 10 juillet 1984, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse