Attendu que Mme X..., assignée en divorce par son mari, a soutenu que celui-ci entrenait une liaison adultère avec une femme dont elle ne connaissait que le numéro de téléphone ; que l'administration des postes et télécommunications ayant refusé de lui communiquer le nom et l'adresse du titulaire de ce numéro, en raison du fait qu'il était inscrit sur la " liste rouge ", Mme X... a demandé par voie de requête au président du tribunal de grande instance d'ordonner à l'administration précitée de communiquer ces renseignements ; que l'arrêt confirmatif attaqué a accueilli la demande ; .
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que le ministre des postes et télécommunications reproche d'abord à la cour d'appel de s'être déclarée compétente pour statuer sur la demande de Mme X..., alors que, d'une part, le contentieux relatif aux services publics administratifs et à un contrat administratif que constitue la convention passée avec un abonné relève de la compétence des tribunaux de l'ordre administratif ; et alors que, d'autre part, le juge civil n'aurait pas le pouvoir d'adresser une injonction de faire à l'administration ;
Mais attendu que l'obligation d'apporter son concours à la justice pour la manifestation de la vérité s'impose aussi bien aux personnes privées qu'aux personnes publiques ; que le juge civil, dès lors qu'il est compétent pour connaître du litige à l'occasion duquel une partie lui demande d'ordonner à un tiers de produire un élément de preuve, peut, sans méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs, prescrire une telle mesure, même si le tiers est une personne publique ; que le premier moyen ne peut donc être accueilli ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu que, par ce moyen, le ministre des postes et télécommunications soutient que la mesure ordonnée ne releverait ni des pouvoirs conférés au juge des référés par l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, ni de ceux que le juge du fond tient de l'article 138 du même code, et qu'enfin les articles 11, 143 et 146 dudit code n'autoriseraient pas davantage une telle mesure ;
Mais attendu, d'abord, que le ministre des postes et télécommunications n'a jamais soutenu dans ses conclusions d'appel qu'un procès au fond étant engagé, il ne pouvait y avoir lieu à application de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il est donc irrecevable à le faire pour la première fois devant la Cour de cassation ;
Attendu, ensuite, que le juge civil a le pouvoir d'ordonner à un tiers de produire tout document qu'il estime utile à la manifestation de la vérité ; que ce pouvoir n'est limité que par l'existence d'un motif légitime tenant soit au respect de la vie privée, sauf si la mesure s'avère nécessaire à la protection des droits et libertés d'autrui, soit au secret professionnel ;
Que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Et sur la seconde branche du moyen :
Attendu que le ministre des postes et télécommunications fait enfin grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué alors que son administration s'étant obligée par contrat à ne pas divulguer l'identité et l'adresse de la personne inscrite sur la " liste rouge " serait ainsi, selon les termes de l'article 378 du Code pénal, dépositaire par état ou par fonction d'un secret concernant cette identité et cette adresse et ne pourrait donc les divulguer ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article D 359 du Code des postes et télécommunications que le nom des abonnés au téléphones fait l'objet d'une publication sur une ou plusieurs listes, sauf demande contraire de l'intéressé qui doit alors payer un supplément de redevance d'abonnement ; que ce texte n'autorise pas le ministre des postes et télécommunications à invoquer, comme motif légitime, les règles relatives au secret professionnel pour refuser d'exécuter la décision du juge saisi d'un litige lui demandant, pour les besoins de la manifestation de la vérité et de la protection des droits d'une partie, la communication du nom et de l'adresse du titulaire d'un abonnement téléphonique ;
Que la deuxième branche du moyen n'est donc pas davantage fondée que la précédente ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi