Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 27 janvier 1985 a été projeté pour la première fois dans les salles publiques de cinéma un film intitulé " Je vous salue Marie ", réalisé par M. Jean-Luc Godard, produit par la société Sara-Films et disbribué par la société Gaumont ; que le même jour, estimant que ce film tournait en dérision de façon outrageante les croyances chrétiennes, les associations dénommées " Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne " et " Confédération nationale des associations familiales catholiques " ont assigné M. Godard et les deux sociétés susnommées devant le juge des référés, à qui elles ont demandé l'interdiction du film ou, subsidiairement, la suppression de certains passages ; que l'ordonnance du 28 janvier 1985 et l'arrêt confirmatif ont débouté les demanderesses, à qui s'étaient joints en cause d'appel M. M. de Saint-Pierre, M. Ousset et deux autres associations ; .
Sur le premier moyen :
Attendu que les demandeurs au pourvoi font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, qu'en se bornant à affirmer que " ce film ne contenait pas d'éléments constitutifs d'une infraction pénale ", sans répondre aux conclusions qui soutenaient que l'auteur et le réalisateur avaient commis le délit de provocation à la discrimination en raison de la religion (article 24 de la loi du 29 juillet 1881, modifiée par la loi du 1er juillet 1972), la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir fait sien le motif de l'ordonnance critiquée devant elle, motif suivant lequel l'auteur d'une oeuvre de l'esprit doit bénéficier du droit à la liberté d'expression, sans autres restrictions que celles imposées par la loi dès lors que, dans sa finalité ou son expression, l'oeuvre ne constitue pas une apologie de crimes ou délits sanctionnés par la loi pénale ou une provocation à en commettre, la cour d'appel, qui retient que le trouble créé par le film litigieux résidait dans le caractère blessant qu'il présentait pour diverses catégories de personnes, a, par cette appréciation de fait, exclu le délit de provocation à la discrimination, à la haine et à la violence et répondu aux conclusions ;
Que le premier moyen ne peut donc être accueilli ;
Le rejette ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 809, du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'aux termes de l'alinéa 1er de ce texte le président peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Attendu que pour refuser de prendre les mesures sollicitées l'arrêt attaqué retient que les atteintes au respect des croyances et des sentiments religieux des adhérents des associations demanderesses, atteintes que l'arrêt relève, " ne sont pas portées dans des circonstances telles qu'elles constitueraient un trouble de gravité exceptionnelle, seul de nature à justifier des mesures restrictives de la liberté d'expression " ;
Attendu qu'en ajoutant ainsi au texte susvisé une condition qu'il ne prévoit pas la cour d'appel l'a violé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu le 13 mai 1985, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon