Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu que selon l'arrêt attaqué (Versailles 23 avril 1985) la société Jean Claude Decaux (société Decaux) titulaire d'un modèle non déposé de mât de signalisation créé en 1974, constitué par un fût tubulaire sur lequel peuvent être montés en porte-à-faux, grâce à une série d'anneaux empilés les uns sur les autres et séparables, des caissons orientables portant des indications, a demandé, sur le fondement de la loi sur la propriété littéraire et artistique, la condamnation pour contrefaçon de la société Sitraba ; que la cour d'appel a accueilli la demande après avoir refusé de reconnaître une autorité absolue de chose jugée à un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 6 octobre 1981 rendu entre la société Decaux et la société Neuhaus et qui n'avait pas accordé au modèle de mât la protection de la loi du 11 mars 1957 ;
Attendu que la société Sitraba fait grief à la cour d'appel d'avoir accueilli la demande, alors que, selon le pourvoi, d'une part, si les décisions relatives à la nullité d'un brevet ont expressément, de par la loi, effet absolu, il doit en être de même des décisions qui constatent le caractère non protégeable, à d'autres titres et notamment au titre de la loi du 11 mars 1957, d'un produit ; qu'en effet ces décisions constatent ainsi que ne peut être caractérisé le délit de contrefaçon, infraction pénale sur laquelle toute décision a autorité absolue de la chose jugée ; qu'à défaut, apparaîtrait le risque de contrariété entre futures décisions, engendrant la possibilité pour certains fabricants de faire concurrence au titulaire du produit litigieux tandis que d'autres se verraient refuser le droit à la même concurrence ; que la cour d'appel a donc violé ensemble les articles 1351 du Code civil et 422 du Code pénal ; alors que, d'autre part, en ce qui concerne la forme et la couleur du fût, lui-même, la cour d'appel s'est abstenue de répondre aux conclusions de la société Sitraba faisant valoir que l'on trouvait un modèle identique présenté sur un catalogue Telem dès 1971 et que des circulaires administratives antérieures à 1974 préconisaient ; alors qu'en outre, en ce qui concerne la forme en tulipe des anneaux placés au contact des caissons, la société Sitraba faisait valoir qu'elle n'avait pas un rôle d'ornementation, mais constituait un élément fonctionnel puisqu'il permettait une économie de matière, la fabrication éventuelle par décolletage au tour étant un ouvrage moins onéreux qu'un fraisage et en outre accroîssant la surface d'appui contre le caisson ou son armature ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors qu'enfin, en déduisant l'effet de création du défaut d'aspérité et du défaut de dispositif d'attache apparent, éléments qui sont fonctionnels et répondent à un objet utilitaire, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1909 et les articles 1er et suivants de la loi du 11 mars 1957 ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'effet absolu reconnu expressément par la loi aux seules décisions d'annulation d'un brevet d'invention ne peut être étendu, en l'absence de disposition légale en ce sens, aux décisions de justice relatives aux dessins et modèles tant lorsqu'ils sont déposés que lorsqu'est invoquée la loi sur la propriété littéraire et artistique ;
Attendu, en second lieu, qu'une forme ne peut être exclue de l'appréciation de la protection à accorder à un modèle que si cette forme est dictée par la fonction qu'elle exerce ; que la cour d'appel, qui a répondu, en les rejetant, aux conclusions dans la mesure où elles étaient opérantes ou n'invoquaient pas des détails d'argumentation, a précisé les différents éléments pris en considération, a procédé à une appréciation d'ensemble du modèle et a exactement appliqué les critères sur les rapports entre la forme et la fonction ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi