CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Lucien,
contre un arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 27 mars 1985 qui, pour entrave à l'exercice du droit syndical et entrave à l'exercice des fonctions de délégué du personnel, l'a condamné à 2 000 francs d'amende avec sursis et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 412-20, L. 461-2 et L. 461-3 du Code du travail :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le requérant pour entrave à l'exercice du droit syndical et aux fonctions de délégué du personnel ;
" aux motifs que le premier alinéa de l'article L. 412-20 détermine le nombre minimum d'heures de délégation en précisant que ce temps peut être dépassé en cas de circonstances exceptionnelles ; qu'il en résulte que toutes les heures de délégations doivent être payées à l'échéance normale ;
" alors que le texte dispose expressément qu'en cas de contestation par l'employeur de l'usage fait des temps " ainsi alloués ", il lui appartient de saisir la juridiction compétente et que les temps de délégation ainsi alloués se rapportent au nombre d'heures fixées avec précision, en fonction de l'importance de l'entreprise, l'employeur devant payer ces heures prévues dans leur quantum fixé par la loi, sans pouvoir demander au préalable de justification aux intéressés de l'usage qu'ils en ont fait ;
" qu'il en résulte ainsi qu'en ce qui concerne par contre les heures revendiquées comme ayant été utilisées en sus du temps " ainsi alloué " pour des " circonstances exceptionnelles ", l'employeur est en droit de ne pas les considérer comme temps de travail, et d'en refuser le paiement à l'échéance normale ;
" et alors qu'en tout état de cause, l'intention coupable, qui caractérise le délit d'entrave, résulte de la connaissance que l'employeur a d'enfreindre les dispositions légales ; qu'il appartenait à la Cour de rechercher si, compte tenu de l'interprétation du texte dont elle était saisie par conclusions demandant la confirmation du jugement de relaxe, l'intention coupable était en l'espèce caractérisée, ce qu'elle n'a pas fait, entachant son arrêt d'un manifeste défaut de motif et d'un manque de base légale évidente " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article L. 424-1 du Code du travail ;
Attendu que selon les articles L. 412-20 et L. 424-1 du Code du travail, l'employeur est tenu de laisser aux délégués syndicaux et aux délégués du personnel, dans les limites d'une durée, qui sauf circonstances exceptionnelles, ne peut excéder celle prévue par ces textes, le temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions, temps considéré de plein droit comme temps de travail et payé comme tel à l'échéance normale, et qu'en cas de contestation par l'employeur de l'usage du temps ainsi alloué, il lui appartient de saisir la juridiction compétente ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Y..., délégué syndical et délégué du personnel, a fait citer X... directeur du principal établissement de la SARL Europe Falcon service devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'entrave à l'exercice du droit syndical et aux fonctions de délégué du personnel au motif qu'il avait refusé de lui payer les heures de délégation dépassant le temps accordé par la loi aux délégués pour l'exercice de leurs fonctions aux mois de novembre et de décembre 1982 puis au mois de février 1983 ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des délits qui lui étaient reprochés, les juges d'appel retiennent que les textes susvisés qui déterminent le nombre d'heures de délégation rétribuées allouées aux délégués syndicaux et aux délégués du personnel ne font pas de distinction entre le temps de délégation qu'ils prévoient et le dépassement de ce temps motivé par des circonstances exceptionnelles, et en déduisent que toutes les heures de délégation doivent être considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale et que la faculté ouverte à l'employeur de contester en justice l'utilisation faite par les délégués de ces heures ne saurait faire échec à l'obligation de paiement que leur imposent ces textes ;
Mais attendu que l'obligation pesant sur l'employeur de payer à l'échéance normale comme temps de travail le temps nécessaire aux délégués syndicaux et aux délégués du personnel pour l'exercice de leurs fonctions est limitée aux heures dont le nombre est fixé par la loi ou par accord collectif plus favorable et ne s'étend pas à celles qui sont prises en fonction de circonstances exceptionnelles dont il appartient au salarié d'établir l'existence préalablement à tout paiement par l'employeur, de même que la conformité de l'utilisation desdites heures eu égard au mandat représentatif dont il est investi ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les textes ci-dessus visés et que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 27 mars 1985,
Et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens.