La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/05/1987 | FRANCE | N°85-92065

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 mai 1987, 85-92065


CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par X..., la société Y... contre un arrêt de la cour d'appel de Paris (11e chambre) en date du 20 mars 1985 qui, dans les poursuites du chef de diffamation publique envers particulier, a condamné la première à des réparations civiles et déclaré la seconde civilement responsable.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 29, 32 alinéa 1er, 33 alinéa 2 et 48-6° de la loi du 29 juillet 1881 et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de mot

ifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dé...

CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par X..., la société Y... contre un arrêt de la cour d'appel de Paris (11e chambre) en date du 20 mars 1985 qui, dans les poursuites du chef de diffamation publique envers particulier, a condamné la première à des réparations civiles et déclaré la seconde civilement responsable.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 29, 32 alinéa 1er, 33 alinéa 2 et 48-6° de la loi du 29 juillet 1881 et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré recevable le Z... en son action et a condamné X..., responsable comme auteur principal, et la société Y..., comme civilement responsable, à payer des dommages-intérêts au Z... ;
" aux motifs que les propos incriminés visaient le Z... ; que si cette association et V. n'étaient pas expressément nommés dans le passage même qui est incriminé, il reste que l'extrême-droite à T..., R... (secrétaire général du Z...), le Z... lui-même, avaient été cités nommément dans les passages précédents et qu'ils devaient encore l'être dans les passages suivants, ainsi que V. ; que, dans ce contexte, l'expression " l'idéologie d'extrême-droite... dans un passé récent... " n'a pu, pour le téléspectateur moyen, que viser, non une idée mais bien l'organisation politique dont il était question tout au long de la séquence ; qu'en définitive, énoncer que : " ... dans un passé récent, l'idéologie d'extrême-droite " (lire : le Z...) " a été impliquée dans des crimes racistes ", c'est dire que le Z... a, dans un passé récent, été l'auteur ou le complice de crimes de nature raciste ;
" alors, d'une part, qu'en aucun cas, et quel que soit son contexte, l'expression " l'idéologie d'extrême-droite ", qui concerne nécessairement un ensemble de concepts abstraits, et qui est différente de l'expression " l'extrême-droite ", ne peut désigner une personne quelconque ; qu'en prétendant qu'il fallait lire " le Z... " là où X... avait dit " l'idéologie d'extrême-droite ", l'arrêt attaqué a modifié le texte incriminé " ;
" et alors, d'autre part, que la référence à des éléments extrinsèques, faisant état de l'extrême-droite en général (qui ne se confond pas avec le Z...) et des relations politiques entre le Z... et les autres partis d'opposition, ne pouvait pas modifier la portée réelle d'une phrase imputant des crimes racistes à " l'idéologie d'extrême-droite " et non à quiconque " ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné pour diffamation X... en qualité d'auteur principal et la société Y... en qualité de civilement responsable ;
" aux motifs que les propos de X... sont diffamatoires car énoncer que dans un passé récent l'idéologie d'extrême-droite (lire : le Z...) a été impliquée dans des crimes racistes, c'est dire que le Z... a, dans un passé récent, été l'auteur et le complice de crimes de nature raciste, c'est lui imputer des événements criminels récents, c'est-à-dire des faits précis de nature à être sans difficulté l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire ;
" alors que l'allégation selon laquelle l'idéologie d'extrême-droite (même s'il faut lire : le Z...) a, dans un passé récent, été impliquée dans des crimes racistes n'est pas l'articulation précise d'un fait de nature à être sans difficulté l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire et ne peut pas légalement caractériser une diffamation " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il appartient à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur le point de savoir si dans les propos retenus dans la prévention se retrouvent les éléments légaux de la diffamation publique tels qu'ils sont définis par les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que l'association dénommée " Z... ", agissant par son président V..., a fait citer devant le tribunal correctionnel du chef de diffamation publique envers particulier la journaliste X... et la société Y..., civilement responsable, à raison des propos tenus par la première lors du journal télévisé du 12 septembre 1983 et ci-après repris : " les crimes racistes dans lesquels l'idéologie d'extrême-droite a été impliquée dans un passé récent, font que l'élection à la sous-préfecture d'Eure-et-Loir suscite des réactions et des prises de position au niveau national " ;
Attendu que pour déclarer la prévenue coupable dudit délit envers l'association plaignante, les juges énoncent que si le Z... et V... n'ont pas été expressément nommés dans le passage incriminé, il reste que l'extrême-droite à T... et R... ont été cités nommément dans les passages précédents et dans les suivants ainsi que V... ; que, dans ce contexte, l'expression " l'idéologie d'extrême-droite " n'a pu que viser non une idée mais bien l'organisation politique dont il était question dans la séquence télévisée ;
Attendu que l'arrêt déclare encore que dire que dans un passé récent, " l'idéologie d'extrême-droite (lire le Z...) a été impliquée dans des crimes racistes ", c'est dire que cette formation " a été, dans un passé récent, l'auteur ou le complice de crimes de nature raciste " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que le passage retenu ne mettait en cause qu'une doctrine considérée comme pouvant inspirer des actions criminelles à caractère raciste mais ne contenait aucune imputation ni allégation d'un fait précis à l'égard d'une personne physique ou morale déterminée, la cour d'appel a dénaturé les propos incriminés et méconnu le sens et la portée des dispositions susvisées ; que le délit de diffamation n'est donc pas caractérisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 mars 1985 ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-92065
Date de la décision : 26/05/1987
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PRESSE - Diffamation - Allégation ou imputation d'un fait précis - Appréciation des juges du fond - Contrôle de la Cour de Cassation.

1° Il appartient à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur le point de savoir si dans les propos retenus dans la prévention se retrouvent les éléments légaux de la diffamation publique tels qu'ils sont définis par les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881

2° PRESSE - Diffamation - Allégation ou imputation d'un fait précis - Définition.

2° Ne constituent pas le délit de diffamation les propos qui ne mettent en cause qu'une doctrine considérée comme pouvant inspirer des actions criminelles à caractère raciste mais qui ne contiennent aucune imputation de faits précis à l'encontre d'une personne physique ou morale déterminée


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 mars 1985

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1972-11-04 Bulletin criminel 1972, n° 325, p. 837 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1975-12-18 Bulletin criminel 1975, n° 289, p. 760 (rejet). (2°). Chambre criminelle, 1893-02-16 D.P. 1894.1.25 ;

Chambre criminelle, 1934-11-22, D.P. 1936.1.27.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 mai. 1987, pourvoi n°85-92065, Bull. crim. criminel 1987 N° 217 p. 595
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1987 N° 217 p. 595

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller le plus ancien faisant fonction .
Avocat général : Avocat général :M. Galand
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Dardel
Avocat(s) : Avocat :la SCP Waquet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:85.92065
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award