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25/05/1987 | FRANCE | N°85-90256

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 mai 1987, 85-90256


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Louis,
contre un arrêt de la cour d'appel de Nancy, 3e chambre, en date du 19 décembre 1984, laquelle statuant sur renvoi après cassation, l'a déclaré coupable d'investissements irréguliers en France de fonds en provenance de l'étranger, et l'a, pour cette infraction cambiaire, condamné après octroi des circonstances atténuantes à verser à l'administration des Douanes, partie intervenante, deux pénalités de 240 467, 12 francs chacune.
LA COUR,
Vu le mémoire produit, le mémoire additionnel et le mémoire en dÃ

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CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Louis,
contre un arrêt de la cour d'appel de Nancy, 3e chambre, en date du 19 décembre 1984, laquelle statuant sur renvoi après cassation, l'a déclaré coupable d'investissements irréguliers en France de fonds en provenance de l'étranger, et l'a, pour cette infraction cambiaire, condamné après octroi des circonstances atténuantes à verser à l'administration des Douanes, partie intervenante, deux pénalités de 240 467, 12 francs chacune.
LA COUR,
Vu le mémoire produit, le mémoire additionnel et le mémoire en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 7, 67 et 68 du Traité instituant la Communauté européenne, de l'article 55 de la Constitution, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur, de nationalité française, résidant en République fédérale d'Allemagne, coupable d'infractions à la loi du 28 décembre 1966 et à l'article 4 du décret du 27 janvier 1967 pour avoir en 1971, 1972, 1973, effectué en France des investissements étrangers d'un montant de 821 401, 38 francs sans déclaration au ministère des Finances, ni autorisation de ce dernier, ni compte rendu à la direction du Trésor, par l'intermédiaire de comptes courants dont il était titulaire à la Sogenal de Forbach ;
" au motif qu'en application de l'article 4 du décret du 27 janvier 1967 fixant les modalités d'application de la loi du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l'étranger " sont soumis à déclarations auprès du ministère de l'Economie et des Finances, la constitution en France d'investissements directs, tels que définis au § 3 de l'article 2, soit par des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, ayant leur résidence habituelle ou leur siège à l'étranger, direct ou indirect, ou des établissements en France de sociétés étrangères... " ; qu'en application de l'article 1er du décret du 22 février 1971, lorsque les opérations financières sont susceptibles d'entraîner un mouvement de capital, leur réalisation est soumise à autorisation préalable du ministère de l'Economie et des Finances ; que X..., qui résidait habituellement en Allemagne, reconnaît qu'en 1971, 1972 et 1973, il avait investi en France sur des fonds d'origine allemande qu'il avait fait virer sur ses comptes courants à la Sogenal à Forbach-à raison de 821 401, 38 francs-pour l'achat de terrains agricoles et le défrichement de ses terres de la ferme de Fleury, sans déclaration au ministère des Finances, autorisation de ce dernier, ni compte rendu à la direction du Trésor ; que ce faisant, X... a contrevenu aux dispositions des décrets du 27 janvier 1967 et 22 février 1971 sus-énoncés ;
" alors, d'une part, que des dépenses faites pour le défrichement de terres ne sauraient être considérées comme des investissements au sens du décret du 27 janvier 1967, que les juges du fond ne pouvaient donc retenir comme fait en infraction au texte visé au moyen les dépenses exposées pour le défrichement de terres appartenant à X... en France ;
" alors, d'autre part, que, s'il résulte de l'article 4 du décret du 27 janvier 1967 qu'est soumise à déclaration auprès du ministre de l'Economie et des Finances la constitution en France d'investissements directs effectués par les personnes énumérées par ce texte, il résulte, par ailleurs, des dispositions de l'article 4 bis du même décret, dans la rédaction que lui a donnée le décret du 2 février 1971, que les dispositions de ce texte ne sont pas applicables aux opérations relatives à la constitution en France d'investissements, notamment par des personnes physiques d'un Etat membre de la Communauté économique autre que la France ; que ce dernier texte qui a eu pour objet de mettre la réglementation française en harmonie avec l'article 67 du traité de Rome institue une discrimination de traitement fondée sur la nationalité ; qu'en effet, en limitant l'exception instituée aux seuls ressortissants d'un Etat membre de la Communauté économique européenne autre que la France, l'article 4 bis du décret du 27 janvier 1967 a violé l'article 67 du traité de Rome, ensemble l'article 7 du même traité, qui interdisent, en matière de restriction aux mouvements de capitaux, les discriminations fondées sur la nationalité des parties ; que, dès lors, en appliquant à un ressortissant français, dans une matière où il existe une compétence communautaire, un texte introduisant une discrimination fondée sur la nationalité, la Cour a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que pour déclarer X... Louis, coupable de l'une des deux infractions cambiaires qui lui étaient imputées, les juges énoncent que l'intéressé, citoyen de nationalité française, mais résidant habituellement en Allemagne fédérale, a reconnu qu'entre 1971 et 1973 il a investi en France des fonds d'origine étrangère d'un montant total de 821 401, 38 francs, fonds qu'il avait fait virer de RFA sur ses comptes bancaires à Forbach, ajoutant que le prévenu avait utilisé cette somme à l'achat en France de terrains agricoles et au défrichement de l'une de ses terres, l'ensemble de l'opération ayant été réalisée sans déclaration préalable au ministre des Finances et sans compte rendu au Trésor ; que ce faisant, disent les juges, X... a contrevenu aux dispositions de l'article 4 du décret du 27 janvier 1967 et de l'article 1er du décret du 22 février 1971 ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la cour d'appel a donné une base légale à sa décision ;
Qu'en effet, d'une part, la constitution en France, par un français non résident d'investissements réalisés avec des fonds provenant de l'étranger nécessite déclaration préalable et contrôle " a posteriori " du ministère des Finances et du Trésor, quel que soit le mode d'investissement utilisé, qu'il s'agisse de l'achat direct en France de biens mobiliers ou immobiliers nouveaux ou de l'amélioration d'un patrimoine ancien ;
Que, d'autre part, l'article 4 du décret du 27 janvier 1967 tel que modifié par le décret du 22 février 1971 ne constitue pas, lorsqu'il est appliqué à un citoyen français, ayant, au sens du texte susvisé, sa résidence ou non sur le territoire national, une disposition contraire aux articles 7 et 67 du traité de Rome, ni une discrimination à rebours fondée sur la nationalité, le droit communautaire n'ayant aucune incidence ;
Que dès lors le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le moyen relevé d'office et pris de la violation des articles 464 et 609 du Code de procédure pénale, 451, 459 du Code des douanes, 369 du même Code tel que modifié par l'article 10-1 de la loi du 29 décembre 1977 ;
Vu lesdits articles ;
Attendu, d'une part, que lorsque sur pourvoi d'un prévenu, la Cour de Cassation annule un arrêt en matière correctionnelle en précisant que cette annulation porte sur toutes les dispositions de l'arrêt attaqué, la Cour de renvoi se trouve saisie, lorsque l'arrêt cassé a statué en matière cambiaire, de l'examen à la fois de l'action publique que le Parquet a mise en mouvement contre le prévenu, et de l'action à fins fiscales diligentée contre lui par l'intervention de l'administration des Douanes ;
Attendu, d'autre part, que si l'article 369 du Code des douanes, tel que modifié par l'article 10-1 de la loi du 29 décembre 1977 permet aux juridictions du fond, lorsqu'elles accordent le bénéfice des circonstances atténuantes au condamné de le dispenser, par rapport à l'action publique, de toute sanction pénale, et, sur le plan fiscal, de réduire jusqu'au tiers le montant des sommes tenant lieu de confiscation ainsi que le montant des amendes fiscales encourues, faut-il encore que les juges spécifient clairement les effets respectifs des circonstances atténuantes, tant par rapport à l'action publique que vis-à-vis de l'action fiscale et ne se trompent pas dans leurs calculs en décidant de limiter au tiers les pénalités fiscales prononcées ;
Attendu que, statuant comme juridiction de renvoi après cassation totale d'un arrêt rendu au terme d'une procédure par laquelle X... Louis a été renvoyé devant la juridiction de jugement à la suite d'une ordonnance du magistrat instructeur pour y répondre de deux délits cambiaires distincts et pour la sanction desquels l'administration des Douanes, partie intervenante, s'était jointe au ministère public, exerçant elle-même l'action à fins fiscales, les juges de la Cour de renvoi ont d'abord relaxé le prévenu pour la première des infractions consistant à avoir omis de rapatrier en France des créances sur l'étranger s'élevant à 299 109, 22 francs, puis l'ont déclaré coupable pour la seconde infraction, à savoir celle consistant à avoir, en sa qualité de citoyen français ne résidant pas sur le territoire national, investi en France des capitaux d'un montant total de 821 401, 38 francs sans déclaration préalable au ministère des Finances ; que les juges ont estimé, en outre, devoir accorder au prévenu le bénéfice des circonstances atténuantes, et " en répression l'ont condamné à payer 2 fois 240 467, 12 francs représentant le tiers des capitaux devant être confisqués et le tiers de l'amende fiscale encourue " ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi la Cour de renvoi a omis de statuer expressément sur l'action publique et de dire si les peines prévues par l'article 459 du Code des douanes devaient être prononcées ou si X... s'en trouvait dispensé, comme le permettaient les dispositions de l'article 369 modifié du même Code, et n'a pas, par ailleurs, vis-à-vis des pénalités fiscales par elle prononcées, justifié les chiffres par elle retenus, la somme de 240 467, 12 francs, montant des pénalités, n'étant pas le tiers de 821 401, 38 francs ;
Que dès lors les textes et principes susvisés ayant été méconnus, la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 19 décembre 1984 en toutes ses dispositions pénales et cambiaires, sauf en celles ayant prononcé la relaxe partielle de X..., et pour être jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-90256
Date de la décision : 25/05/1987
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CHANGES - Relations financières avec l'étranger - Infraction à la législation - Investissement - Investissement en France - Investissement de fonds en provenance de l'étranger - Français non résident - Déclaration préalable - Contrôle " a posteriori " - Nécessité.

1° Voir le sommaire suivant.

2° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Mouvement de capitaux - Article 67 du traité de Rome - Changes - Investissements irréguliers en France - Français résident ou non résident - Infraction au décret du 27 janvier 1967 modifié.

2° Voir le sommaire suivant.

3° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité - Article 7 du traité de Rome - Changes - Investissements irréguliers en France - Français résident ou non résident - Infraction au décret du 27 janvier 1967 modifié.

3° Contrevient aux dispositions de l'article 4 du décret du 27 janvier 1967 et de l'article 1er du décret du 22 février 1971, et commet un délit cambiaire, le citoyen français non résident, qui constitue en France des investissements avec des fonds provenant de l'étranger, sans déclaration préalable au ministre des Finances et sans contrôle " a posteriori " du Trésor, quel que soit le mode d'investissement utilisé, qu'il s'agisse de l'achat direct en France de biens mobiliers ou immobiliers, ou de l'amélioration de son patrimoine ; L'article 4 du décret du 27 janvier 1967 tel que modifié par le décret du 22 février 1971 ne constitue pas, lorsqu'il est appliqué à un citoyen français, ayant ou non sa résidence sur le territoire national, une disposition contraire aux articles 7 et 67 du traité de Rome ni une discrimination à rebours fondée sur la nationalité.

4° CHANGES - Procédure - Cassation - Cassation totale - Effet - Action publique - Action fiscale - Juridiction de renvoi - Octroi des circonstances atténuantes - Constatations nécessaires.

CASSATION - Moyen - Moyen d'ordre public - Moyen relevé d'office - Peines - Changes - Juridiction de renvoi - Octroi des circonstances atténuantes - Effet - Action publique - Action fiscale.

4° Lorsque sur pourvoi d'un prévenu, la Cour de Cassation a annulé un arrêt en toutes ses dispositions, la Cour de renvoi se trouve saisie, lorsque l'arrêt cassé a statué en matière cambiaire, à la fois de l'action publique mise en mouvement par le Parquet et de l'action à fins fiscales exercée par l'administration des Douanes, partie intervenante ; Si l'article 369 du Code des douanes modifié par l'article 10-1 de la loi du 29 décembre 1977 permet aux juges du fond, lorsqu'ils accordent le bénéfice des circonstances atténuantes au condamné de le dispenser de toute sanction pénale par rapport à l'action publique, et de réduire jusqu'au tiers le montant des sommes tenant lieu de confiscation, ainsi que le montant des amendes fiscales encourues, faut-il encore que les juges spécifient clairement les effets respectifs desdites circonstances atténuantes par rapport à l'action publique et ne se trompent pas dans leurs calculs en décidant de limiter au tiers les pénalités fiscales prononcées. Pareils vices d'un arrêt frappé d'un pourvoi par le seul prévenu permet le relevé d'un moyen d'office, la cassation décidée ne remettant pas en cause les autres délits dont le prévenu a été définitivement relaxé.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 19 décembre 1984

CONFER : (4°). Comparer : Chambre criminelle, 1985-11-25 Bulletin criminel 1985, n° 373, p. 957 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 mai. 1987, pourvoi n°85-90256, Bull. crim. criminel 1987 N° 213 p. 571
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1987 N° 213 p. 571

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Ledoux
Avocat général : Avocat général :M. Galand
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Tacchella
Avocat(s) : Avocats :M. Ryziger et la SCP Boré et Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:85.90256
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