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24/03/1987 | FRANCE | N°85-96348

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 mars 1987, 85-96348


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :
- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE GRENOBLE,
- X... C. et P. F. épouse X...,
contre un arrêt n° 850 / 85 du 3 juillet 1985 de ladite Cour (Chambre correctionnelle) qui a condamné chacun des derniers nommés à 5. 000 francs d'amende, en raison des actes de contrefaçon commis du 4 décembre 1980 au 18 juillet 1982, et s'est prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en

raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :
- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE GRENOBLE,
- X... C. et P. F. épouse X...,
contre un arrêt n° 850 / 85 du 3 juillet 1985 de ladite Cour (Chambre correctionnelle) qui a condamné chacun des derniers nommés à 5. 000 francs d'amende, en raison des actes de contrefaçon commis du 4 décembre 1980 au 18 juillet 1982, et s'est prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'étant respctivement directeur technique et gérante d'une société qui exploite un centre de loisirs, comportant notamment une discothèque et un restaurant, X... et son épouse, après un certain nombre de difficultés survenues avec la " Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique " (SACEM) et une cessation provisoire d'activité, ont repris l'exploitation de ce centre et ont sollicité de l'organisme précité un nouveau contrat général de représentation, afin de diffuser des oeuvres inscrites au répertoire de ladite société ; qu'en dépit du refus que celle-ci a opposé à cette demande, parce que les intéressés ne lui avaient pas versé les sommes qu'elle estimait dues en vertu de précédentes conventions, les époux X... ont continué d'utiliser, dans leur établissement, les oeuvres ci-dessus mentionnées ; qu'ayant été poursuivis, sur plainte de la SACEM, pour les actes de contrefaçon ainsi commis, pendant la période comprise entre le 4 septembre 1980 et le 18 juillet 1982, les prévenus ont été condamnés de ce chef par le Tribunal qui s'est en outre prononcé sur les intérêts civils ;
En cet état ;
Sur le moyen unique de cassation invoqué par le procureur général près la Cour d'appel de Grenoble et pris de la violation des articles 2 et 426 du Code pénal et 591 du Code de procédure pénale pour manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a estimé établis à l'encontre des époux X... les délits de contrefaçon et en conséquence reçu la constitution de partie civile de la SACEM ;
aux motifs que " la loi du 11 mars 1957 confère aux auteurs d'oeuvres de l'esprit et notamment aux compositeurs d'oeuvres musicales un droit patrimonial à la protection de leurs oeuvres qui leur permet d'en interdire la reproduction ou la diffusion publique ou de l'autoriser dans les conditions qu'elles déterminent " ;
" qu'au surplus, les dispositions des articles 64 et 65 (de cette loi) lui confèrent le droit d'agir en justice pour la défense des intérêts dont elle a statutairement la charge " ; " qu'en conséquence elle est donc recevable et bien fondée en sa constitution de partie civile qui tend à la réparation du préjudice subi par les auteurs qu'elle représente et dont se sont rendus coupables les époux X... " ;
" alors qu'on ne peut soutenir que l'action civile intentée par la SACEM soit de nature à mettre en mouvement l'action publique " ;
Sur le premier moyen de cassation invoqué par les époux X... et pris de la violation de l'article 65 de la loi du 11 mars 1957, des articles 2, 485 et 593 du Code de procédure pénale,
" en ce que la décision attaquée a déclaré la SACEM recevable en sa constitution de partie civile,
aux motifs que les articles 64 et 65 de la loi du 11 mars 1957 lui confèrent le droit d'agir en justice, y compris devant les juridictions pénales pour la défense des intérêts dont elle a statutairement la charge ;
alors que si les organismes de défense professionnelle régulièrement constitués en matière de droit d'auteur ont, en vertu de l'article 65 de la loi du 11 mars 1957, qualité pour ester en justice pour la défense des intérêts dont ils ont statutairement la charge, ce texte ne leur donne pas le droit d'exercer les droits conférés à la partie civile pour la défense des intérêts dont ils ont statutairement la charge " ;
Sur le troisième moyen de cassation invoqué par les époux X... et pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable l'action civile exercée par la SACEM contre les époux X..., déclarés coupables de contrefaçon par diffusion publique des oeuvres inscrites à son répertoire et à celui des sociétés étrangères qu'elle représente sans avoir obtenu l'autorisation préalable de le faire, et, avant dire droit sur le montant des dommages-intérêts, a ordonné une expertise et autorisé la SACEM à faire insérer des extraits de l'arrêt dans la presse locale ;
aux motifs que pour des raisons évidentes chaque auteur ne peut surveiller, ne serait-ce qu'en France, le respect de ses droits ; que c'est la raison pour laquelle la majorité des auteurs-compositeurs de musique ont confié à la SACEM, organisme professionnel agréé, le mandat d'autoriser la diffusion publique de leurs oeuvres moyennant une redevance ou de l'interdire ; qu'en outre la SACEM, par des contrats de représentation réciproque passés avec des sociétés d'auteurs étrangers, a en charge l'exploitation des droits de ces auteurs en France ; que la SACEM s'acquitte de ce mandat en consentant aux entrepreneurs de spectacles des contrats dits de représentation générale conformément aux dispositions des articles 43 et suivants de la loi du 11 mars 1957 ; qu'elle est par ailleurs habilitée à surveiller l'exécution de ces contrats et à défendre les intérêts des auteurs qu'elle représente en faisant constater les infractions par des agents assermentés habilités à dresser des procès-verbaux ; qu'au surplus, les dispositions des articles 64 et 65 de la loi précitée lui confèrent le droit d'agir en justice pour la défense des intérêts dont elle a statutairement la charge ;
alors qu'en statuant ainsi, la Cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations d'où il résultait que la SACEM n'invoquait pas un dommage directement causé par l'infraction et dont elle aurait personnellement souffert, et qu'ainsi faisaient défaut les conditions fixées par le Code de procédure pénale pour l'exercice de l'action civile, et dont la SACEM n'a été dispensée par aucune disposition légale spéciale " ;
Sur le moyen additionnel de cassation invoqué par les époux X... et pris de la violation des articles 65 de la loi du 11 mars 1957, des articles 2, 485 et 593 du Code de procédure pénale,
" en ce que la décision attaquée a déclaré la SACEM recevable en sa constitution de partie civile ;
aux motifs que les articles 64 et 65 de la loi du 11 mars 1957 lui confèrent le droit d'agir en justice, y compris devant les juridictions pénales pour la défense des intérêts dont elle a statutairement la charge ;
alors que l'article 65 de la loi du 11 mars 1957 ne confère le droit d'agir en justice qu'aux organismes de défense professionnelle ; que la Cour, saisie de conclusions précises qui contestaient à la SACEM cette qualité, n'a pu ainsi statuer sans rechercher s'il s'agissait d'un organisme de défense professionnelle, ce qu'elle n'est d'ailleurs pas puisqu'il s'agit seulement d'un organisme de gestion, de perception de droits " ;
Ces moyens étant réunis ;
Attendu que pour accueillir l'action de la SACEM la juridiction du second degré énonce que " la loi du 11 mars 1957 confère aux auteurs d'oeuvres de l'esprit, et notamment aux compositeurs d'oeuvres musicales, un droit patrimonial à la protection de ces oeuvres qui leur permet d'en interdire la reproduction ou la diffusion publique ou de l'autoriser dans les conditions qu'ils déterminent ; que pour des raisons évidentes chacun de ces auteurs-compositeurs ne peut surveiller, ne serait-ce qu'en France, le respect de ce droit ; que c'est pourquoi la majorité d'entre eux ont confié à la SACEM, organisme professionnel agréé, le mandat de permettre la diffusion publique de ces oeuvres, moyennant une redevance, ou de la prohiber " ;
Attendu que la même juridiction précise ensuite que " cet organisme s'acquitte de ce mandat en consentant aux entrepreneurs de spectacle des contrats dits de représentation générale, conformément aux dispositions des articles 43 et suivants de la loi susvisée ; qu'il est par ailleurs fondé à contrôler l'exécution des conventions ainsi intervenues et à défendre les intérêts des auteurs qu'il représente en faisant constater les infractions par des agents assermentés qui sont habilités à dresser des procès-verbaux ; qu'au surplus les prescriptions des articles 64 et 65 de la loi du 11 mars 1957 lui donnent le droit d'agir en justice pour la défense des intérêts dont il a statutairement la charge " ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction, la Cour d'appel répondant pour les écarter aux conclusions des prévenus, a estimé à juste titre que la SACEM, organisme de défense professionnelle, tirait des dispositions légales, de son habilitation, de ses statuts et des contrats conclus avec les auteurs, français ou étrangers, qu'elle représente le droit d'agir en justice, en qualité de partie civile et par application des articles 40 et 65 de la loi du 11 mars 1957, afin de protéger, notamment en demandant comme en l'espèce réparation du préjudice directement causé par des actes de contrefaçon déterminés, les intérêts que lui ont confiés ses adhérents ; qu'elle a ainsi justifié sa décision sans encourir les griefs allégués aux moyens, lesquels ne peuvent en conséquence être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation invoqué par les époux X... et pris de la violation des articles 3 et 27 de la loi du 11 mars 1957, 426 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les époux X..., exploitants d'une discothèque, coupables de contrefaçon par diffusion publique des oeuvres inscrites au répertoire de la SACEM et à celui des sociétés étrangères qu'elle représente, sans avoir obtenu l'autorisation préalable de le faire, les a condamnés à une peine d'amende de 5. 000, 00 francs chacun, et, sur l'action civile, avant dire droit sur le montant des dommages-intérêts, ordonné une expertise, autorisé la SACEM à faire insérer des extraits de l'arrêt dans la presse locale ;
aux motifs que l'article 27 de la loi du 11 mars 1957 donne une définition comprenant notamment " la diffusion par quelque procédé que ce soit des paroles, des sons ou des images " ; qu'il en résulte que la diffusion publique d'oeuvres musicales préalablement enregistrées constitue une représentation ; qu'en l'espèce, les époux X... qui ont diffusé des oeuvres protégées par la loi du 11 mars 1957 sans avoir obtenu l'autorisation des auteurs de ces oeuvres ou de leurs ayants droits ou ayants cause, ont contrevenu aux dispositions de l'article 426 du Code pénal ;
alors que la diffusion publique d'oeuvres musicales préalablement enregistrées ne constitue pas leur représentation au sens de la loi du 11 mars 1957 ; que le droit de reproduction doit être distingué du droit de représentation ; que selon l'article 27 de la loi du 11 mars 1957, la représentation consiste dans la communication directe de l'oeuvre au public ; que selon l'article 28 la reproduction consiste dans la fixation matérielle de l'oeuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d'une manière indirecte, que parmi ces procédés la voie vise notamment l'enregistrement mécanique ; que si la diffusion de l'oeuvre elle-même constitue une représentation au sens de l'article 27, tel n'est pas le cas de la diffusion de sa reproduction : l'audition publique de l'enregistrement mécanique-disque ou phonogramme dans lequel a été effectuée la fixation matérielle d'une oeuvre musicale-forme la communication au public de cette oeuvre de manière seulement indirecte, et non sa communication directe en quoi consiste la représentation " ;
Attendu que pour estimer établi, à la charge des demandeurs, le délit de contrefaçon la juridiction du second degré rappelle tout d'abord les termes de l'article 40 de la loi du 11 mars 1957, selon lesquels " toute représentation, intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite " puis ceux de l'article 426 du Code pénal qui déclare constitutive de ce délit " toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit, en violation des droits de l'auteur tels qu'ils ont définis et réglémentés " ; qu'elle énonce ensuite que " l'article 27 de ladite loi donne une définition de la représentation, celle-ci comprenant notamment la diffusion, par quelque procédé que ce soit, des paroles, des sons ou des images ; qu'il en résulte que la diffusion publique d'oeuvres musicales préalablement enregistrées constitue une représentation " ;
Attendu que les juges exposent enfin, en réfutant l'argumentation des prévenus, les raisons pour lesquelles ils considèrent que l'auteur (ou ses ayants droits) " n'a pas abandonné la totalité de ses droits lorsqu'il a consenti à la reproduction de son oeuvre sur un support matériel, le prix de cession du disque, qui comprend la redevance payée pour cette reproduction, comportant seulement, comme le prévoit l'article 41-1 de la loi susvisée, la possibilité de diffuser ce disque en privé, mais non pas celle, qui serait illimitée, de procéder à des exécutions publiques ayant le caractère de représentation et justifiant donc la perception de droits distincts de ceux de reproduction " ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance, la Cour d'appel a donné une base légale à sa décision dès lors qu'elle a considéré à bon droit que la diffusion publique, dans un établissement ouvert à la clientèle, d'un disque sur lequel a été enregistrée une oeuvre protégée par la loi du 11 mars 1957 constituait une représentation, au sens de l'article 27 de ce texte, en ce qu'elle aboutissait à communiquer directement cette oeuvre au public, grâce à l'un des procédés qu'énumère ledit article, et qu'en conséquence cette représentation justifiait la perception, par la SACEM agissant en qualité de mandataire de ses adhérents, d'une redevance distincte du prix d'achat de ce disque ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-96348
Date de la décision : 24/03/1987
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CONTREFAçONS - Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique - Non-paiement des redevances - Diffusion publique d'oeuvres inscrites au répertoire.


Références :

Code civil 1382
Code pénal 2, 426
Loi du 11 mars 1957 art. 3, 27, 64, 65

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 03 juillet 1985


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 mar. 1987, pourvoi n°85-96348


Composition du Tribunal
Président : M

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:85.96348
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