LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- C. M., contre un arrêt de la Cour d'appel d'AMIENS, Chambre correctionnelle, en date du 21 mai 1986, qui, pour contravention de coups et blessures volontaires, l'a condamné à 1.500 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le premier moyen de cassation et sur le deuxième moyen de cassation, tous deux réunis et pris de la violation des articles R 40 alinéa 1er du Code pénal, 485 et 595 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut et insuffisance de motifs ;
Le premier :
en ce que, pour retenir M. C. dans les liens de la prévention de l'article R 40 alinéa 1 du Code pénal, les juges d'appel, après avoir écarté les témoignages de MM. H. et L., se sont simplement bornés à énoncer que : "le rapprochement des explications des deux prévenus établit qu'ils se sont porté réciproquement des coups" sans nullement rechercher s'il y avait eu chez A. C. la volonté délibérée de porter des coups ou de faire des blessures, ou de commettre toute autre violence ou voie de fait à M. C. ;
alors que, d'une part, la contravention de l'article R 40 alinéa 1 du Code pénal, par dérogation au régime général des contraventions, exige, pour sa constitution, un élément intentionnel à savoir la volonté déterminée chez son auteur de porter des coups ou faire des blessures, ou commettre toute autre violence en toute connaissance de cause ;
et que, d'autre part, il appartient obligatoirement aux juges, sinon de constater expressément le caractère intentionnel et volontaire des faits constitutifs de l'infractiion, du moins de dégager nécessairement tous les éléments résultant des circonstances de l'espèce, permettant d'induire, sans ambages, l'intention coupable de l'auteur, laquelle doit résulter des motifs et du dispositif de la décision condamnatoire ;
en la cause, telle n'a nullement été la démarche des juges d'appel laquelle pourtant s'imposait à eux d'autant plus, en l'espèce, que M. C. déniant toute volonté de violence à l'égard de A. C. a constamment déclaré, sans jamais varier, avoir simplement, pour se défendre, repoussé A. C., son agresseur, à l'aide d'une lampe qu'il tenait en main ;
alors que les décisions doivent être motivées ;
Le deuxième :
en ce que, toujours pour retenir M. C. dans les liens d'une prévention de violence, les premiers juges ne pouvaient simplement préciser : "qu'il appartient à celui qui justifie les coups qu'il a portés par la nécessité dans laquelle il s'est trouvé de le faire d'en rapporter la preuve" sans renverser le fardeau de la preuve ;
alors que s'il est certain que la preuve des excuses atténuantes ou absolutoires doit être rapportée par celui qui les invoque, il n'en reste pas moins vrai qu'il appartient d'abord au Ministère public de rapporter obligatoirement la preuve de culpabilité du prévenu présumé innocent et partant de l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée, notamment son élément intentionnel lorsque celui-ci est exigé comme en l'espèce : ici la volonté chez M. C. d'exercer des violences sur A. C. ;
Attendu que ces moyens tentent vainement de remettre en discussion devant la Cour de Cassation l'appréciation souveraine des éléments de preuve contradictoirement débattus sur lesquels les juges ont fondé leur conviction que M. C. avait volontairement, porté des coups à son frère A. C., lequel, de son côté, l'avait également frappé ;
Que de tels moyens ne peuvent être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles R 40 alinéa 1er du Code pénal, 485 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut et insuffisance de motifs ;
d'une part, en ce que les juges de la Cour d'appel d'Amiens, pour retenir M. C. dans les liens de la prévention de l'article R 40 alinéa 1 du Code pénal, ont énoncé que cet article "n'exige pas pour son application la constatation d'une incapacité du travail ; qu'il faut et suffit que la victime ait subi des blessures (ou reçu des coups ou commis des voies de fait ou violences légères) ;
alors que c'est précisément la maladie ou l'incapacité totale de travail qui distingue la contravention prévue par l'article R 40 alinéa 1 de celle prévue par l'article R 38 alinéa 1 et du délit prévu par l'article 309 du Code pénal : le domaine d'application de l'article R 38 alinéa 1 étant réduit aux simples violences et voies de fait n'entraînant aucune maladie ou incapacité ;
ainsi les premiers juges ne pouvaient retenir à l'encontre de M. C. l'application de l'article R 40 alinéa 1 du Code pénal alors même qu'ils n'ont relevé aucune incapacité de travail ou de maladie consécutive aux violences qu'a présentées A. C. ;
d'autre part, en ce que pour faire application de l'article R 40 alinéa 1 du Code pénal contre M. C., les juges d'appel ont laconiquement énoncé que : "les prévenus présentaient des plaies" ;
alors qu'il appartient nécessairement aux juges du fond de pour le moins qualifier les violences présentées par la victime : la simple terminologie retenue de "plaie" étant tout à fait insuffisante pour justifier à défaut d'autres précisions sur la nature et la gravité de cette "plaie", de l'application de l'article R 40 alinéa 1 du Code pénal plutôt que de celles de l'article R 38 alinéa 1 : une plaie étant en soi la trace ou la marque d'un coup n'impliquant pas nécessairement l'existence de violences graves, ni a fortiori d'une maladie ou d'une incapacité ;
et alors que les décisions doivent être motivées ;
Attendu qu'après avoir constaté que M. C. avait porté des coups à son frère A., et que ces coups, s'ils avaient occasionné des plaies, n'avaient pas entraîné d'incapacité de travail, les juges l'ont déclaré coupable de la contravention prévue par l'article R 40 alinéa 1er du Code pénal ;
Attendu qu'en statuant ainsi les juges n'ont nullement encouru le grief invoqué ; qu'en effet, le fait de porter des coups à autrui constitue la contravention précitée, et non celle de violences légères définie par l'article R 38-1° du Code pénal, alors même qu'il n'en est pas résulté d'incapacité de travail pour la victime ;
Que ce moyen ne peut davantage être admis ;
Et attendu que l'arrêt régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi