Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'E... F... est décédée le 25 octobre 1968, laissant M... K... son mari commun en biens et légataire de la plus forte quotité disponible entre époux et les deux filles issues de leur mariage, M... épouse R... et J... épouse D... ; qu'un jugement du 14 mars 1972 a ordonné les opérations de liquidation et de partage de la communauté de biens ayant existé entre les époux K...-F... et de la succesion d'E... F..., ainsi qu'une mesure d'instruction pour rechercher les modalités d'un partage en nature des immeubles en dépendant ; qu'un autre jugement du 13 janvier 1976 a ordonné le rapport par Mme R... à la masse partageable d'un immeuble sis à Saint-Jean-d'Illac (Gironde), prétendument acheté par ladite dame le 24 mars 1944, pour sa valeur au moment du partage et d'après son état à l'époque de l'acte ; que ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel du 9 mars 1978 qui, y ajoutant, a ordonné les opérations de partage de la succession de M... K..., décédé en cours d'instance le 4 janvier 1977, laissant les deux mêmes héritières que sa femme ; .
Attendu que l'arrêt confirmatif attaqué (Bordeaux, 23 mai 1985) a débouté Mme D... de sa demande tendant à faire juger que Mme R... avait commis un recel successoral portant sur l'immeuble de Saint-Jean-d'Illac et de sa demande tendant à faire rapporter par Mme R... la contrevaleur de la jouissance de cet immeuble, a ordonné une mesure d'instruction pour déterminer la valeur de rapport de ce bien et a dit que Mme D... devra rapporter à la masse partageable, à compter du 22 mars 1980, la valeur locative des locaux d'habitation et industriels ainsi que des terres agricoles, dépendant de l'indivision et dont elle jouit privativement ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que Mme D... reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande en recel successoral alors que la cour d'appel, qui avait constaté que Mme R... avait déclaré avoir acquis à titre onéreux l'immeuble litigieux dont il était jugé qu'il avait fait l'objet d'une donation déguisée, n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations d'où il s'évinçait que, selon le moyen par cette déclaration mensongère, Mme R... avait tenté de soustraire l'immeuble de la masse partageable et de frustrer sa cohéritière ;
Mais attendu qu'un héritier ne peut être frappé des peines du recel que lorsqu'est apportée la preuve de son intention frauduleuse, constitutive de ce délit civil ; que la cour d'appel, qui n'a pas fait état d'une déclaration mensongère de Mme R..., a retenu, par une appréciation souveraine, qu'une telle intention, n'était pas établie à l'encontre de cette dernière ; qu'elle a légalement justifié sa décision et que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi principal :
Attendu que Mme D... reproche encore à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme R... ne doit que le rapport en valeur de l'immeuble de Saint-Jean-d'Illac dans les conditions prévues par l'article 860 du Code civil issu de la loi du 3 juillet 1971 et pas autre chose et qu'elle n'est pas tenue de rendre compte à la succession de l'utilisation qu'elle a fait de cet immeuble depuis le jour où il est entré dans son patrimoine, alors que, d'une part, la cour d'appel aurait violé l'article 12 du nouveau Code de procédure civile en énonçant que Mme D... n'indiquait pas le texte de loi ou le principe reconnu sur lequel elle fondait sa demande et alors que, d'autre part, l'annulation d'une donation déguisée constituant le donataire débiteur de la valeur du bien donné à compter de l'ouverture de la succession, c'est-à-dire d'une somme d'argent correspondant à cette valeur augmentée des intérets au taux légal à compter de cette ouverture, la cour d'appel, en statuant comme elle a fait, aurait violé par refus d'application l'article 856 du Code civil ;
Mais attendu d'abord, qu'en décidant que Mme R... ne devra que le rapport en valeur de l'immeuble, dans les conditions prévues par l'article 860 du Code civil rédigé par la loi du 3 juillet 1971, la cour d'appel a tranché le litige conformément à la règle de droit qui lui est applicable ;
Et attendu ensuite que, lorsque le rapport se fait en valeur sous forme d'une indemnité, celle-ci n'est productive d'intérêts qu'à compter du jour où elle est déterminée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme R.... reproche à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de déclarer Mme D... redevable envers la succession d'une indemnité pour la jouissance privative des immeubles indivis qu'elle occupe depuis le 25 octobre 1968, date du décès de sa mère, aux motifs que les filles de la de cujus n'étaient, par l'effet du testament de celle-ci et de l'usufruit de leur père, que nues-propriétaires des biens dépendant de l'indivision et que l'article 815-10 du Code civil rédigé par la loi du 31 décembre 1976 et applicable en la cause ne permettait à Mme R... de demander compte des fruits et revenus des biens indivis que pour les cinq années antérieures à sa demande formée le 22 mars 1985, alors que, d'une part, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 767, alinéa 2, du Code civil en s'abstenant de rechercher si la demande de Mme R... ne portait pas sur un bien indivis depuis le 25 octobre 1968 et alors que, d'autre part, en faisant application, à l'indivision successorale ouverte le 4 janvier 1977 par le décès du père de famille, de la loi du 31 décembre 1976, entrée en vigueur le 1er juillet suivant, elle aurait violé le principe de la non-rétroactivité des lois et l'article 815-10 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'il ressort des énonciations d'un précédent jugement du 13 janvier 1976 que, par l'effet du testament de son épouse en date du 26 mai 1967, portant legs de la plus forte quotité disponible entre époux, M... K... était titulaire de l'usufruit de la totalité des biens composant la succession et non pas du quart, ainsi que le soutient le moyen ; que c'est à bon droit, dès lors, que l'arrêt attaqué a décidé que Mme D..., réduite à la qualité de nue-propriétaire, du vivant de son père ne pouvait être redevable d'une indemnité d'occupation pour la période antérieure au décès de ce dernier qui était libre de la faire profiter de son usufruit ;
Et attendu, en second lieu, que si le moyen fait valoir justement que le délai de cinq ans, prévu par l'article 815-10 du Code civil n'a pu commencer à courir que le 1er juillet 1977, la cour d'appel, qui n'a écarté la demande formée en 1985 que pour les fruits et revenus qui lui étaient antérieurs de plus de cinq ans, n'a pas violé la règle invoquée ;
D'où il suit que le moyen mal fondé en sa première branche et manquant en fait dans la seconde, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE tant le pourvoi principal que le pourvoi incident