.
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Douai, 7 juin 1984), la société Brasserie Pelforth (société Pelforth) a confié à la société Continex international cinq conteneurs à acheminer à destination de Beyrouth aux fins de livraison à l'acquéreur de la marchandise, la société Itamec, que trois de ces conteneurs ont été chargés à Marseille sur le navire " Ville d'Orient " dont l'armateur était la Compagnie méridionale d'armement, que les deux autres ont été chargés à Anvers sur les navires " Neba " et " Unstrut " appartenant à la société Deutschfracht Seederei, que la société Pelforth a fait transmettre par son banquier à la banque Saderat Iran Beyrouth, banque de l'acheteur, les connaissements originaux qui devaient être remis à la société Itamec contre paiement de la marchandise, qu'en fait celle-ci a été livrée à cette société par la société Rodolphe Saade pour les trois premiers conteneurs et par la société Eurabia Shipping pour les deux autres, contre la production non pas des connaissements mais de lettres de garantie cautionnées par la banque Saderat Iran Beyrouth, que, n'ayant pas reçu le prix de la marchandise, la société Pelforth a demandé à la société Continex international la réparation de son préjudice, que cette dernière a assigné en garantie la société Compagnie méridionale d'armement et la société Deutchfracht Seederei, que la société Compagnie méridionale d'armement a assigné à son tour en garantie la société Rodolphe Saade ainsi que la banque Saderat Iran Beyrouth, que la société Pelforth a conclu devant les premiers juges contre les sociétés mises en cause successivement par la société Continex international et par la société Compagnie méridionale d'armement et notamment contre la banque Saderat Iran Beyrouth aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice, que la banque Saderat Iran Beyrouth s'est opposée à cette demande en soutenant que les lettres de garantie constituaient des faux, qu'eu égard à une transaction réalisée entre les parties en ce qui concerne les trois conteneurs chargés à Marseille, la cour d'appel a mis hors de cause la société Compagnie méridionale d'armement, qu'ayant ensuite déclaré recevable la demande formée à titre principal par la société Pelforth contre la banque Saderat Iran Beyrouth, la cour d'appel a condamné cette dernière à réparer le préjudice résultant de la livraison des deux autres conteneurs ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la banque Saderat Iran Beyrouth fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la demande formée contre elle par la société Pelforth tout en mettant hors de cause la société Compagnie méridionale d'armement qui l'avait appelée en garantie, alors, selon le pourvoi, que d'une part la recevabilité de l'action en garantie étant liée à celle de l'action principale, la mise hors de cause du défendeur principal faisait nécessairement disparaître tout lien juridique entre l'appelé en garantie et le demandeur principal ; que, par suite, l'arrêt a violé l'article 331 du nouveau Code de procédure civile et alors que, d'autre part, en ne répondant pas aux conclusions de la banque Saderat Iran Beyrouth prises sur ce point, l'arrêt attaqué a de toute façon privé sa décision de motifs ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la demande formée par la société Pelforth contre la banque Saderat Iran Beyrouth était une demande incidente, formée en première instance, qui se rattachait par un lien suffisant aux prétentions originaires, la Cour d'appel, en la déclarant recevable, n'a fait qu'appliquer les dispositions de l'article 68, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ; qu'elle a par là-même répondu en les écartant aux conclusions invoquées ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la banque Saderat Iran Beyrouth fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à réparer le préjudice de la société Pelforth, alors, selon le pourvoi, que, d'une part, le mandat apparent et la croyance légitime du tiers dans ce mandat ne peuvent être invoqués que par celui qui a été matériellement abusé par cette apparence ; qu'en autorisant le vendeur à qui les lettres de garanties n'ont jamais été présentées à se prévaloir d'une apparence, dont seul le transporteur aurait été matériellement abusé, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1985 du Code civil, alors que, d'autre part, le mandant ne peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent que si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ses pouvoirs ; que la présentation de lettres de garanties, à la place des connaissements en originaux, revêtues de faux cachet et de fausse signature et rédigées sur un papier à en-tête qui n'était pas celui de l'avaliseur, même si des relations d'affaires existaient entre ces deux sociétés, n'autorisait certainement pas le transporteur à ne pas vérifier les pouvoirs du mandataire alors surtout que le prétendu avaliseur exige pour tout engagement l'apposition de deux signatures autorisées et répertoriées ; que l'arrêt attaqué, en décidant le contraire, a violé l'article 1985 du Code civil, et alors qu'enfin le transporteur qui agit contrairement aux instructions reçues ne peut se prévaloir légitimement d'un mandat apparent ; que la cour d'appel, qui constatait que le transporteur avait remis la marchandise au vu de lettres de garanties alors qu'il devait ne la remettre que sur présentation des connaissements en originaux, devait nécessairement rechercher si cette circonstance n'empêchait pas de considérer que le transporteur avait pu croire légitimement dans un mandat apparent ; que, par suite, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1985 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la garantie invoquée par la société Pelforth avait été effectivement donnée par la banque Saderat Iran Beyrouth, la cour d'appel ne s'est pas fondée, pour statuer comme elle l'a fait, sur l'existence d'un mandat apparent ; que le moyen ne peut donc être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi