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16/12/1986 | FRANCE | N°85-10838

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 décembre 1986, 85-10838


Attendu que, selon les juges du fond, M. X... et la société des Editions législatives et administratives (ELA) ont passé contrat pour la mise à jour du Dictionnaire permanent du droit des affaires, oeuvre collective publiée sous la direction de ladite société et dans l'élaboration de laquelle M. X... avait à la fois un rôle d'auteur et de rédacteur en chef ; que cette convention stipulait que les textes rédigés ou supervisés par lui pourraient être " modifiés sans restriction " et que, en cas de désaccord entre lui et le directeur de rédaction de la collection, l'opinion de

celui-ci prévaudrait sur la sienne ; .

Attendu que M. X... a assi...

Attendu que, selon les juges du fond, M. X... et la société des Editions législatives et administratives (ELA) ont passé contrat pour la mise à jour du Dictionnaire permanent du droit des affaires, oeuvre collective publiée sous la direction de ladite société et dans l'élaboration de laquelle M. X... avait à la fois un rôle d'auteur et de rédacteur en chef ; que cette convention stipulait que les textes rédigés ou supervisés par lui pourraient être " modifiés sans restriction " et que, en cas de désaccord entre lui et le directeur de rédaction de la collection, l'opinion de celui-ci prévaudrait sur la sienne ; .

Attendu que M. X... a assigné ELA pour la faire condamner à l'exécution du contrat, particulièrement en ce qui concernait ses droits moraux d'auteur, lésés selon lui par les modifications et suppressions de textes que sa partenaire lui avait imposées puis, quelques semaines plus tard, pour faire déclarer abusive la résiliation du même contrat entre temps décidée, le 28 décembre 1976, par ELA, sur le fondement de son article V, disposition autorisant chacune des deux parties à mettre fin à leurs relations au cas où l'autre méconnaîtrait ses obligations, et ELA ayant prétendu que M. X..., en 1976, n'avait pas respecté les délais impartis pour la remise de textes qui lui avaient été commandés ; que M. X... réclamait en outre diverses réparations et indemnités ;

Attendu qu'après jonction et sur renvoi après cassation d'une précédente décision, le premier des deux arrêts attaqués a ordonné une expertise pour rechercher, d'une part, si les modifications et suppressions pratiquées par ELA étaient de nature à léser le droit moral de M. X... ou se justifiaient au contraire par la nécessité d'harmoniser l'ensemble de l'oeuvre collective et, d'autre part, si M. X... avait respecté les délais imposés et si son initiative de condenser en deux études seulement quatre études qui lui avaient été commandées était de nature à nuire à la qualité de l'ouvrage ; que, statuant au vu des résultats de cette expertise, le second arrêt a rejeté les demandes de M. X... et prononcé à ses torts exclusifs la résolution du contrat ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... soutient qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 6 de la loi du 11 mars 1957 pour lui avoir refusé, en sa qualité de rédacteur en chef, le droit " d'introduire des nuances dans son oeuvre ", pour avoir également estimé que seules pouvaient compromettre son droit moral les modifications assez graves pour dénaturer l'oeuvre, enfin pour avoir justifié les modifications reprochées à ELA par l'existence d'une clause de cession ou de renonciation anticipée à ce droit moral qui était nulle d'une nullité d'ordre public ;

Mais attendu que si l'auteur d'une contribution à une oeuvre collective demeure investi du droit moral de l'auteur au respect de son oeuvre, ce droit est limité par la nature collective de l'oeuvre, qui impose la fusion de la contribution de l'auteur dans un ensemble, de sorte que le responsable de la publication est en droit d'apporter aux contributions des différents auteurs les modifications que justifie la nécessaire harmonisation de l'oeuvre dans sa totalité ;

Or attendu qu'après avoir relevé que le Dictionnaire permanent du droit des affaires était destiné à des praticiens désireux d'y trouver des renseignements sûrs, actuels et toujours conformes au droit positif, le tout dans certaines limites quant à l'importance des développements et dans un ensemble cohérent, c'est-à-dire exempt de distorsions et de contradictions, la cour d'appel, qui en a justement déduit que M. X..., auteur et collaborateur éminent de la rédaction, était nécessairement soumis, comme tel, à une discipline permettant la rectification d'erreurs toujours possibles et propre à assurer la fiabilité du dictionnaire, a concrètement recherché, à la lumière du rapport d'expertise, quelles avaient été les modifications apportées par ELA aux textes fournis par M. X... et si, s'expliquant dans l'intérêt de l'oeuvre prise dans sa totalité, elles ne dénaturaient pas les études produites ; qu'elle a donc légalement justifié sa décision qui, concernant ces modifications et notamment la suppression des " nuances " inutiles, déclare " que lesdites opérations n'ont pas dénaturé le texte proposé par l'auteur (...) et qu'elles n'ont pas été assez importantes pour compromettre (son) droit moral " limité par la nature collective de l'oeuvre ; que, pour le surplus, le grief tiré d'une prétendue nullité de la clause présentée comme comportant renonciation au droit moral de l'auteur ne peut être accueilli dès lors que ladite clause se borne à rappeler l'existence du principe sus-énoncé en matière d'oeuvre collective ;

D'où il suit que le premier moyen doit être écarté ;

Le rejette ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que M. X... priait les juges du fond de dire qu'ELA avait abusivement usé de la faculté de résiliation offerte à chacune des deux parties par l'article V du contrat et qu'il avait en effet obéi, dans le délai fixé par ledit article, à la mise en demeure qu'elle lui avait faite de fournir les textes commandés ; qu'ELA résistait à la demande en les priant au contraire de constater le bien-fondé de l'exercice par elle de ce droit de résiliation et de dire que, la responsabilité de la rupture incombant dès lors au professeur X..., celui-ci ne pouvait prétendre à aucune indemnité ;

Attendu qu'après avoir eux-mêmes constaté que, vers la fin de l'année 1976, M. X... avait bien remis ses textes à l'intérieur du délai de soixante jours après mise en demeure, institué par l'article V, mais estimant que, compte tenu des particularités du plan adopté, de nature à entraîner certaines contraintes pour ELA, il avait eu un comportement fautif en remettant ces textes avec retard, la cour d'appel a " prononcé, avec effet du 28 décembre 1976, aux torts et griefs exclusifs de M. Claude X..., la résolution du contrat " ;

Attendu qu'en imputant ainsi à faute à M. X... des retards antérieurs à la mise en demeure, alors que l'article V du contrat ne permettait la résolution de plein droit qu'en cas de non remise des travaux dans le délai de soixante jours, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du deuxième moyen, ni sur le troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, en son entier, l'arrêt rendu, le 7 décembre 1984, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 85-10838
Date de la décision : 16/12/1986
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - OEuvre collective - Droit moral des auteurs - Limitation - Fondement - Harmonisation de l'ensemble de l'oeuvre.

1° Si l'auteur d'une contribution à une oeuvre collective demeure investi du droit moral de l'auteur au respect de son oeuvre, ce droit est limité par la nature collective de l'oeuvre, qui impose la fusion de la contribution de l'auteur dans un ensemble, de sorte que le responsable de la publication est en droit d'apporter les modifications que justifie la nécessaire harmonisation de l'oeuvre dans sa totalité. .

2° CONTRATS ET OBLIGATIONS - Résolution - Clause résolutoire - Exécution par le débiteur de son obligation dans le délai imparti - Résolution constatée sur un autre manquement.

PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droit moral - Droit au respect de l'oeuvre - OEuvre collective - Limitation - Fondement - Harmonisation de l'ensemble de l'oeuvre * PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droit moral - Limites - OEuvre collective.

2° Les juges du fond, qui relèvent qu'une partie a bien rempli l'obligation dont l'inexécution pouvait seule entraîner le jeu de la clause résolutoire, ne peuvent constater la résolution de plein droit aux torts de cette partie en retenant contre elle un autre manquement contractuel.


Références :

Code civil 1134

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 07 décembre 1984

DANS LE MEME SENS : Cour de Cassation, chambre civile 1, 1980-10-08, bulletin 1980 I N° 251 p. 201 (Cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 déc. 1986, pourvoi n°85-10838, Bull. civ. 1986 I N° 305 p. 290
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 I N° 305 p. 290

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Fabre
Avocat général : Avocat général :M. Charbonnier
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Raoul Béteille
Avocat(s) : Avocats :la SCP Boré et Xavier et M. Gauzès .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.10838
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