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16/12/1986 | FRANCE | N°84-17076

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 décembre 1986, 84-17076


Attendu que M. Y..., de nationalité allemande, a épousé le 19 août 1970, Mlle Marie-Louise X..., de nationalité française ; que le divorce des époux Z... a été prononcé le 12 décembre 1980 par le tribunal de Daun (R.F.A.) ; que la garde des deux enfants issus de l'union a été confiée au père, demeurant en Allemagne, les époux étant convenus que la mère aurait un droit de visite " étendu ", les parties se mettant d'accord cas par cas ; que des difficultés ayant surgi pour l'exercice de ce droit de visite, Mme X... a saisi le juge aux affaires matrimoniales du tribunal de gra

nde instance de Bayonne cependant que le père saisissait le tribuna...

Attendu que M. Y..., de nationalité allemande, a épousé le 19 août 1970, Mlle Marie-Louise X..., de nationalité française ; que le divorce des époux Z... a été prononcé le 12 décembre 1980 par le tribunal de Daun (R.F.A.) ; que la garde des deux enfants issus de l'union a été confiée au père, demeurant en Allemagne, les époux étant convenus que la mère aurait un droit de visite " étendu ", les parties se mettant d'accord cas par cas ; que des difficultés ayant surgi pour l'exercice de ce droit de visite, Mme X... a saisi le juge aux affaires matrimoniales du tribunal de grande instance de Bayonne cependant que le père saisissait le tribunal de Daun ; que cette dernière juridiction a, par jugement du 3 février 1982, confirmé par la cour d'appel de Coblence le 23 juin suivant, suspendu provisoirement le droit de visite de la mère, avant " d'exclure " ce droit par une nouvelle décision du 11 avril 1983 ; que le juge de Bayonne après avoir, par une première ordonnance du 27 avril 1982, décidé de faire procéder à une enquête sociale a, par jugement du 14 juin 1983, accordé à la mère un droit d'hébergement ; que l'arrêt attaqué (Pau, 16 mai 1984), écartant l'exception d'incompétence des juridictions françaises soulevée par M. Y..., a confirmé ce jugement ; .

Sur le premier moyen pris en ses deux branches :

Attendu que M. Y... fait grief à la cour d'appel d'avoir écarté l'exception d'incompétence alors que, d'une part, il faisait valoir dans des conclusions qui seraient demeurées sans réponse qu'il avait soulevé, dès avant le premier jugement avant dire droit, l'incompétence du juge français se bornant à indiquer, subsidiairement, que la compétence de ce juge ne pouvait résulter de l'application des règles normales de compétence territoriale, comme le soutenait Mme X..., laquelle aurait pu, tout au plus, invoquer l'article 15 du Code civil ; et alors que, d'autre part, il résulte tant de l'article 1072 du nouveau Code de procédure civile que de l'article 1er de la convention de La Haye du 5 octobre 1961 concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs que les juges allemands étaient exclusivement compétents pour connaître du litige de sorte que l'incompétence de la juridiction française devrait être relevée d'office par la Cour de Cassation en application de l'article 92 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel énonce qu'il résulte de la première ordonnance rendue le 27 avril 1982 par le juge aux affaires matrimoniales que M. A... n'a aucunement soulevé son incompétence, admettant au contraire que sa compétence résultait des dispositions de l'article 14 du Code civil ; qu'elle a ainsi répondu aux conclusions alléguées dont la dénaturation n'est pas invoquée ;

Et attendu, ensuite, que si l'article 92 du nouveau Code de procédure civile permet à la Cour de Cassation de relever d'office l'incompétence lorsque la règle de compétence est d'ordre public, c'est à la condition que le litige relève de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque l'article 4 de la convention de La Haye précitée donne compétence, sous certaines conditions, aux autorités de l'Etat dont le mineur est ressortissant pour prendre des mesures tendant à sa protection, et que les mineurs A... sont français comme nés d'une mère française et n'ont pu, en raison de leur âge, répudier cette nationalité ;

Que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen pris en ses trois branches :

Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir déclaré recevable l'action intentée devant le juge aux affaires matrimoniales alors que, d'une part, elle ne pouvait, sans violer l'article 7 de la Convention européenne sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants, signée à Luxembourg le 20 mai 1980, qui pose le principe de la reconnaissance de plein droit des décisions rendues dans un Etat contractant, statuer à nouveau sur le droit de visite de Mme X... qui avait été suspendu par une décision allemande, exécutoire en Allemagne ; et alors que, d'autre part, elle aurait aussi, en déclarant cette action recevable, méconnu l'autorité de chose jugée reconnue par le droit français aux décisions régulièrement rendues par les juridictions étrangères ;

Mais attendu que la convention précitée du 20 mai 1980 n'a pas été ratifiée par la République fédérale d'Allemagne de sorte que la violation de ses dispositions ne peut être invoquée en la cause ; que M. Y... n'est pas fondé à reprocher à la cour d'appel d'avoir méconnu l'autorité de la chose jugée en Allemagne dès lors qu'il n'avait pas invoqué cette fin de non-recevoir devant les juges du fond ; que le moyen doit donc être écarté ;

Et sur le troisième moyen pris en ses trois branches :

Attendu qu'il est enfin reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fait application de la loi française, alors que seule la loi allemande, laquelle n'était en rien contraire à l'ordre public au sens du droit international privé français, était applicable en la cause, comme l'avait soutenu M. Y... dans des conclusions auxquelles il n'a pas été répondu ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 4 de la convention de La Haye du 5 octobre 1961, les autorités de l'Etat dont le mineur est ressortissant peuvent prendre, selon leur loi interne, des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens ; que dès lors M. Y... n'est pas fondé à critiquer l'arrêt attaqué en ce qu'il a fait application de la loi française ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 84-17076
Date de la décision : 16/12/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale des juridictions françaises - Compétence territoriale - Convention de La Haye du 5 octobre 1961 - Protection des mineurs - Mineurs de nationalité française domiciliés à l'étranger.

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de La Haye du 5 octobre 1961 - Protection des mineurs - Divorce - séparation de corps - Droit de visite - Difficultés d'exécution - Conflits de juridictions - Compétence territoriale - Juridictions de l'Etat dont le mineur est ressortissant * DIVORCE - SEPARATION DE CORPS - Garde des enfants - Droit de visite - Difficultés d'exécution - Conflits de juridictions - Compétence territoriale - Juridictions de l'Etat dont le mineur est ressortissant * CASSATION - Moyen - Moyen d'ordre public - Moyen soulevé d'office - Litige échappant à la connaissance de la juridiction française - Mesures tendant à la protection de mineurs français domiciliés à l'étranger (non).

1° Si l'article 92 du nouveau Code de procédure civile permet à la Cour de Cassation de relever d'office l'incompétence lorsque la règle de compétence est d'ordre public, c'est à la condition que le litige relève de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française. . Tel n'est pas le cas du litige né de la saisine d'un tribunal français par la mère française, pour statuer sur les difficultés relatives à l'exercice de son droit de visite sur ses enfants, dont le père, allemand et domicilié en Allemagne fédérale, avait obtenu la garde par décision d'une juridiction de son pays qui avait supprimé ensuite le droit de visite de la mère. En effet, l'article 4 de la convention de La Haye du 5 octobre 1961 donne compétence, sous certaines conditions, aux autorités de l'Etat dont le mineur est ressortissant pour prendre des mesures tendant à sa protection, et, en l'espèce, les enfants étaient français comme étant nés d'une mère française et n'avaient pu, en raison de leur âge, répudier cette nationalité. .

2° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de La Haye du 5 octobre 1961 - Protection des mineurs - Divorce - séparation de corps - Droit de visite - Difficultés d'exécution - Parents de nationalité différente - Loi applicable - Loi personnelle des mineurs.

DIVORCE - SEPARATION DE CORPS - Garde des enfants - Droit de visite - Difficultés d'exécution - Parents de nationalités différentes - Loi applicable - Loi personnelle des enfants * CONFLIT DE LOIS - Statut personnel - Divorce - séparation de corps - Droit de visite - Difficultés d'exécution - Parents de nationalité différente - Loi applicable - Loi personnelle des enfants.

2° Aux termes de l'article 4 de la convention de La Haye du 5 octobre 1961, les autorités de l'Etat dont le mineur est ressortissant peuvent prendre, selon leur loi interne, des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens. Un père de nationalité allemande résidant en Allemagne fédérale et qui avait obtenu la garde de ses enfants après le divorce d'avec son épouse française, ne peut donc reprocher aux tribunaux français d'avoir appliqué la loi française dans un litige né de la demande de la mère en matière de droit de visite sur ses enfants qui avaient la nationalité française.

3° CASSATION - Moyen nouveau - Chose jugée - Irrecevabilité.

CHOSE JUGEE - Caractère d'ordre public (non) - Moyen soulevé pour la première fois en cassation - Irrecevabilité * CASSATION - Moyen - Moyen d'ordre public - Chose jugée (non).

3° La partie qui n'a pas invoqué devant les juges du fond la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée ne peut le faire pour la première fois devant la Cour de Cassation.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 16 mai 1984

A RAPPROCHER : Sur le n° 3 : Cour de Cassation, chambre commerciale, 1983-07-19, bulletin 1983 IV N° 225 p. 195 (Rejet) et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 déc. 1986, pourvoi n°84-17076, Bull. civ. 1986 I N° 300 p. 286
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 I N° 300 p. 286

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Fabre
Avocat général : Avocat général :M. Charbonnier
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Massip
Avocat(s) : Avocats :la SCP Waquet et M. Hennuyer .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.17076
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