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15/12/1986 | FRANCE | N°85-16166

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 décembre 1986, 85-16166


Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Chambéry, 10 juin 1985) que M. Achino, président de la société Pan Européenne, s'est porté caution solidaire de celle-ci pour toutes les sommes qu'elle pouvait ou pourrait devoir au Crédit Lyonnais (la banque) ; que les opérations financières entre la société Pan Européenne et la banque ont été définies par une lettre adressée par la première à la seconde, dont les termes ont été acceptés par celle-ci, et qui comportait la clause suivante : " Lors de ch

aque facturation, nous créerons à votre ordre une traite tirée sur notre clien...

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Chambéry, 10 juin 1985) que M. Achino, président de la société Pan Européenne, s'est porté caution solidaire de celle-ci pour toutes les sommes qu'elle pouvait ou pourrait devoir au Crédit Lyonnais (la banque) ; que les opérations financières entre la société Pan Européenne et la banque ont été définies par une lettre adressée par la première à la seconde, dont les termes ont été acceptés par celle-ci, et qui comportait la clause suivante : " Lors de chaque facturation, nous créerons à votre ordre une traite tirée sur notre client pour le montant de notre facture à une échéance correspondant à la date de réception du moyen de paiement. Cette traite vous sera remise par nos soins, accompagnée d'un duplicata de la facture, et après examen d'usage, vous l'escompterez en créditant notre compte courant de son montant brut. La provision de cet effet vous sera ainsi transférée en toute propriété " ; qu'en application de cet accord, la société Pan Européenne, lors de chaque facturation, tirait sur ses clients des lettres de change, portant la mention " pro forma ", à l'ordre de la banque et que celle-ci escomptait ; que la société Pan Européenne a été mise en règlement judiciaire ; qu'un certain nombre d'effets ainsi tirés sont restés impayés ; que la banque a assigné M. Achino pour le voir condamner à lui payer une certaine somme en exécution de son engagement de caution ;

Attendu que M. Achino fait grief à la cour d'appel d'avoir décidé que la société Pan Européenne était garante du paiement des lettres de change " pro forma " émises par elle au profit de la banque et d'avoir condamné M. Achino à payer, à titre de caution, les sommes ainsi dues, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les termes du litige sont déterminés par les prétentions respectives des parties, qui sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; qu'en l'espèce, la banque a assigné M. Achino en paiement, en qualité de caution, aux motifs que la société cautionnée " avait contracté des engagements consistant en des effets et factures impayées ", que " l'opération ne pouvait, en aucun cas, s'analyser en un escompte puisque, dès l'origine, ce n'était pas une traite acceptée par le client qui était remise au Crédit Lyonnais... mais essentiellement une avance sur factures ", qu'il s'agissait " d'une opération de crédit type... " ; qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile, alors, d'autre part, que les traites " pro forma " ne sont pas de véritables lettres de change, mais des documents de comptabilité interne ; qu'elles peuvent tout au plus être assimilées à des " traites non acceptables " qui, à ce titre, ne conférant au porteur aucun droit sur la provision et ne lui permettant pas d'exiger le paiement de la part d'un tiers, ne peuvent faire l'objet d'escompte ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui a constaté que la société Pan Européenne remettait les duplicata de factures accompagnés d'une traite " pro forma " à la banque, qui créditait le compte de ladite société et réclamait directement aux clients, par courrier, le règlement des factures, n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qu'elles comportaient et n'a pas justifié sa

décision au regard de l'article 1134 du Code civil, alors, enfin, que, dans des conclusions demeurées sans réponse, M. Achino avait fait valoir que la banque avait acquis les créances et en avait accepté tous les risques ; que, notamment, il résultait des lettres qu'elle adressait aux clients et par lesquelles elle réclamait le règlement intégral des factures sous la menace d'une procédure contentieuse, qu'elle se comportait comme propriétaire d'une créance et non d'un effet qui n'avait même pas été créé ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la banque, dans les conclusions qu'elle a déposées devant la cour d'appel, demandait la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il avait décidé que la société Pan Européenne était garante à l'égard de la banque du montant des lettres de change " pro forma " émises par ladite société ; qu'ainsi la cour d'appel n'a pas modifié les termes du litige tels que déterminés par les prétentions respectives des parties ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel a relevé, qu'en vertu de la convention intervenue entre la société Pan Européenne et la banque, les lettres de change litigieuses reçues par la banque avaient rendu celle-ci propriétaire de la provision dès la création des effets ; qu'elle en a déduit à bon droit, répondant aux conclusions invoquées et excluant l'existence de cessions de créances, que la société Pan Européenne demeurait garante du paiement des lettres de change émises par elle, escomptées par la banque et dont celle-ci était porteur ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Achino fait grief à la cour d'appel d'avoir statué ainsi qu'elle l'a fait et de l'avoir débouté de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts réparant le préjudice causé par les fautes de la banque, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le débiteur de l'obligation est condamné, s'il y a lieu, à dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère, qu'ainsi la cour d'appel, qui a reconnu que, de convention expresse, la banque devait recouvrer directement, contre le client débiteur, le montant de la créance, a, en déclarant qu'elle n'avait pas à vérifier le suivi ou les effets juridiques de ces créances, et que les retards ayant entraîné des prescriptions ne pouvaient lui être imputés, violé l'article 1147 du Code civil, alors, d'autre part, que le porteur d'une lettre de change, propriétaire des effets et de la provision, doit présenter celle-ci au paiement le jour de l'échéance ; qu'à défaut de paiement, il doit en donner avis au tireur, son endosseur, à peine de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par sa négligence ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui a considéré que les parties avaient réalisé des opérations d'escompte et que la banque était devenue propriétaire de la provision dès la création des traites, a, en déclarant que la banque, dans son rôle d'escompteur, n'avait pas à vérifier le suivi ou les effets des créances dues par les clients, violé les articles 135 et 149 du Code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel n'a pas retenu que la banque avait l'obligation de recouvrer directement contre le client débiteur le montant de sa créance ;

Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions d'appel de M. Achino que celui-ci ait soutenu l'argumentation exposée par la seconde branche ;

D'où il suit que le moyen manque en fait en sa première branche, et, nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pas recevable en sa seconde branche ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Achino fait grief à la cour d'appel de l'avoir condamné à payer à la banque une somme déterminée, alors, selon le pourvoi, d'une part, que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, nul ne pouvant se créer par lui-même ou par mandataire un titre à lui-même ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui, pour fixer le montant de la prétendue créance de la banque expressément contestée par M. Achino, s'est exclusivement fondée, pour entériner ses prétentions, sur les productions du demandeur, telles qu'elles émanaient de ses services, de ses livres de commerce et de sa propre correspondance, a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil, alors, d'autre part, qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 9 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, sans inverser la charge de la preuve, la cour d'appel, pour fixer le montant de la condamnation prononcée contre la caution, s'est fondée non seulement sur des documents tirés des livres de la banque, mais sur les duplicata et justificatifs des factures adressées à ses clients par cette société et sur les lettres de change non encaissées par la banque et produites par elle à l'instance ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 85-16166
Date de la décision : 15/12/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

EFFET DE COMMERCE - Lettre de change - Provision - Propriété - Transmission - Conditions - Acceptation de l'effet (non)

* EFFET DE COMMERCE - Lettre de change - Provision - Propriété - Transmission - Moment - Effet non accepté par le tiré - Création de l'effet

Ayant relevé qu'en vertu d'une convention intervenue entre une banque et une société aux termes de laquelle cette dernière, lors de chaque facturation, tirait sur ses clients des lettres de change " pro forma " à l'ordre de la banque que celle-ci escomptait, les lettres de change, restées impayées, et non acceptées, avaient rendu celle-ci propriétaire de la provision dès la création des effets, les juges du fond en déduisent à bon droit, excluant l'existence de cessions de créances, que la société demeurait garante du paiement des lettres de change émises par elle, escomptées par la banque et dont celle-ci était porteur. .


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 10 juin 1985

A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre commerciale, 1970-12-14, bulletin 1970 IV N° 341 (2) p. 302 (Rejet). Cour de Cassation, chambre commerciale, 1984-03-20, bulletin 1984 IV N° 108 p. 90 (Cassation) et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 déc. 1986, pourvoi n°85-16166, Bull. civ. 1986 IV N° 238 p. 206
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 IV N° 238 p. 206

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Baudoin
Avocat général : Avocat général :M. Cochard
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Peyrat
Avocat(s) : Avocats :la SCP Nicolay et la SCP Vier et Barthélémy .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.16166
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