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03/12/1986 | FRANCE | N°85-96195

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 décembre 1986, 85-96195


REJET et CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Franck,
contre un arrêt de la Cour d'assises des mineurs de l'Orne, en date du 19 novembre 1985, qui, pour homicide volontaire accompagné d'actes de barbarie, viol et vol, l'a condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, et par l'Institut médico-éducatif Lehugeur-Lelièvre contre l'arrêt pénal susvisé de la Cour d'assises des mineurs de l'Orne, en date du 19 novembre 1985, qui l'a déclarée civilement responsable du mineur D... condamné à vingt ans de réclusion criminelle pour homicide vol

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REJET et CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Franck,
contre un arrêt de la Cour d'assises des mineurs de l'Orne, en date du 19 novembre 1985, qui, pour homicide volontaire accompagné d'actes de barbarie, viol et vol, l'a condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, et par l'Institut médico-éducatif Lehugeur-Lelièvre contre l'arrêt pénal susvisé de la Cour d'assises des mineurs de l'Orne, en date du 19 novembre 1985, qui l'a déclarée civilement responsable du mineur D... condamné à vingt ans de réclusion criminelle pour homicide volontaire accompagné d'actes de barbarie et vol, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur le pourvoi de X... (sans intérêt) ;
Sur le pourvoi de l'Institut médico-éducatif Lehugeur-Lelièvre ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen proposé contre l'arrêt pénal par la Société civile professionnelle Boré et Xavier pris de la violation des articles 1382 et 1384 du Code civil, des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, violation de la loi, défaut de motif, défaut de base légale ;
" en ce que la Cour d'assises des mineurs a déclaré l'Institut médico-éducatif Lehugeur-Lelièvre civilement responsable du mineur D... ;
" aux motifs qu'au moment des faits le mineur se trouvait placé à l'Institut Lehugeur-Lelièvre ; qu'il résulte du dossier et des débats que dans la journée du 8 décembre 1983 " D... était laissé à lui-même sans que les responsables du Foyer aient été au courant de ses activités et sans avoir transgressé une directive quelconque de la direction de l'établissement ; qu'au surplus avant la dernière sortie au cours de laquelle les faits se sont produits, D... avait regagné le foyer en état d'ébriété et en était ressorti dans cet état après avoir dîné ; qu'il apparaît de tous ces éléments que la direction de l'établissement a, dans la surveillance et la garde du mineur... commis une faute de nature à engager sa responsabilité " ; (arrêt attaqué p. 4, alinéas 1 à 4) ;
" alors qu'aucune disposition légale n'institue de présomption de responsabilité de l'établissement d'éducation surveillée pour les dommages causés par les mineurs qui y sont placés ; qu'en déclarant néanmoins l'Institut médico-éducatif Lehugeur-Lelièvre civilement responsable des dommages causés par le mineur D..., la Cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" alors que la responsabilité de l'établissement d'éducation surveillée pour les dommages causés par des mineurs qui y sont placés ne peut être retenue qu'en cas de faute commise par cet établissement en relation de causalité avec le dommage ; que l'existence de cette faute ne peut être recherchée et établie que conformément aux règles du droit commun et non pas sur le fondement de l'article 2 du Code de procédure pénale ; d'où il suit que le juge répressif, exclusivement compétent pour statuer sur la réparation des dommages causés par l'infraction, ne saurait rechercher la responsabilité de l'établissement d'éducation surveillée à raison d'une faute personnelle dans la surveillance du mineur ; qu'en déclarant néanmoins l'Institut Lehugeur-Lelièvre responsable des dommages causés par le mineur D..., la Cour d'assises a violé les textes susvisés ;
" alors qu'en toute hypothèse, en l'absence de présomption légale de responsabilité, il appartient aux juges de constater l'existence d'un lien de causalité entre la faute alléguée et le dommage ; qu'en l'espèce la Cour d'assises s'est bornée à relever une faute de surveillance imputable à l'Institut Lehugeur-Lelièvre pour en déduire que cette faute était de nature à engager sa responsabilité sans établir en quoi elle avait contribué à la production du dommage ; qu'en statuant de la sorte la Cour d'assises n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Sur le second moyen proposé contre l'arrêt civil par la Société civile professionnelle Boré et Xavier, pris de la violation de l'article 1384 du Code civil, des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, violation de la loi, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que la Cour d'assises des mineurs a condamné l'Institut médico-éducatif Lehugeur-Lelièvre en qualité de civilement responsable du mineur D... à payer diverses sommes aux parties civiles ;
" alors qu'aucune disposition légale n'institue de présomption de responsabilité de l'établissement d'éducation surveillée pour les dommages causés par les mineurs qui y sont placés ; qu'en déclarant néanmoins que l'Institut médico-éducatif était civilement responsable des dommages causés par le mineur D..., la Cour d'assises a violé les textes visés au moyen ;
" alors qu'en toute hypothèse la responsabilité de l'établissement d'éducation surveillée pour les dommages causés par des mineurs qui y sont placés ne peut être retenue qu'en cas de faute commise par cet établissement dans l'éducation ou la surveillance des mineurs ; que l'existence de cette faute ne peut être recherchée et établie que conformément aux règles du droit commun de la responsabilité civile et non sur le fondement de l'article 2 du Code de procédure pénale ; d'où il suit que le juge répressif, exclusivement compétent pour statuer sur les réparations des dommages causés par l'infraction, ne saurait rechercher la responsabilité de l'établissement d'éducation surveillée à raison d'une faute personnelle dans l'éducation et la surveillance des mineurs ; qu'en condamnant l'Institut Lehugeur-Lelièvre solidairement avec les auteurs de l'infraction au paiement de dommages-intérêts au profit des parties civiles, la Cour d'assises a violé les textes susvisés " ;
Sur le moyen unique proposé contre l'arrêt pénal et contre l'arrêt civil par l'Institut médico-éducatif Lehugeur-Lelièvre, pris de la violation des articles 1382 et 1384 du Code civil et 69 du Code pénal, incompétence et excès de pouvoir, en ce que les arrêts attaqués décident que la juridiction pénale est compétente pour se prononcer sur la responsabilité civile de l'Institut médico-éducatif Lehugeur-Lelièvre, à l'occasion des faits dommageables commis par un mineur confié par l'autorité judiciaire à ladite association ;
" aux motifs que la direction de l'établissement a, dans sa surveillance et la garde du mineur D... qui lui a été confié, commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
" alors que, par principe, la juridiction répresive n'est pas compétente pour se prononcer sur l'existence de la faute de défaut de surveillance invoquée contre l'association IME pour la déclarer civilement responsable à l'égard des infractions commises par le mineur (Ch. crim., 11 juin 1970) ;
" en effet, d'une part, qu'en l'absence de dispositions légales retenant une présomption de responsabilité à l'égard de l'Institut IME, l'existence de ces fautes ne pourrait être recherchée et établie que conformément aux règles du droit commun de la responsabilité civile et non sur la base de l'article 2 du Code de procédure pénale ;
" d'autre part, sur la base de l'article 1382 du Code civil, le plaignant ne peut se prévaloir d'une faute personnelle de l'association devant les juridictions pénales, cette association n'ayant pas directement causé l'infraction et n'ayant pas la qualité de prévenu " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que la responsabilité civile résultant de l'article 1384 alinéas 6 et 8 du Code civil n'existe à l'égard des personnes chargées de la surveillance des mineurs que dans la mesure où des fautes, imprudences ou négligences, nécessairement distinctes de celles reprochées aux mineurs délinquants, peuvent être prouvées contre elles conformément au droit commun ;
Que la juridiction répressive qui n'est saisie de l'action publique que, du fait, des infractions commises par les seuls mineurs, n'est pas compétente pour statuer sur l'action civile fondée sur les prétendues fautes, imprudences ou négligences imputées aux personnes chargées de la surveillance de ces mineurs ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que D..., âgé de 17 ans au moment des faits, a été renvoyé devant la Cour d'assises des mineurs notamment pour y répondre d'un homicide volontaire accompagné d'actes de barbarie perpétré sur la personne de M... épouse H... ;
Que les ayants droit de la victime, parties civiles, ont demandé réparation du préjudice ainsi subi et ont attrait en la cause, pour le voir déclarer civilement responsable de D..., l'Institut médico-éducatif Lehugeur-Lelièvre auquel ce mineur était confié suivant décision d'un juge des enfants ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt pénal attaqué que D... ayant été condamné à vingt ans de réclusion criminelle, la Cour, statuant seule, a, par application de l'article 1382 du Code civil, fait droit à la requête des parties civiles en retenant à l'encontre de l'Institut médico-éducatif une faute dans la surveillance du mineur dont elle avait la garde ;
Que, par arrêt du même jour, la Cour prononçant sur les intérêts civils, a condamné solidairement D... et l'Institut médico-éducatif Lehugeur-Lelièvre, ce dernier, en qualité de civilement responsable du mineur, à payer diverses indemnités aux parties civiles ;
Mais attendu qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'assises des mineurs, qui a méconnu les principes ci-dessus énoncés, a excédé ses pouvoirs, l'article 2 du Code de procédure pénale ouvrant seulement à la partie civile le droit de réclamer devant la juridiction répressive la réparation du préjudice directement subi par l'infraction ;
Que la cassation est ainsi encourue du chef des seules dispositions de l'arrêt pénal et de l'arrêt civil déclarant l'Institut médico-éducatif Lehugeur-Lelièvre civilement responsable de D... ;
Et attendu que la peine prononcée contre X... a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi de X... ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré l'Institut médico-éducatif Lehugeur-Lelièvre civilement responsable de D..., l'arrêt pénal précité de la Cour d'assises des mineurs de l'Orne du 19 novembre 1985, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
Par voie de conséquence :
CASSE ET ANNULE l'arrêt du même jour par lequel la Cour a statué sur les intérês civils, étant précisé que la cassation est limitée aux seules dispositions déclarant l'Institut médico-éducatif Lehugeur-Lelièvre civilement responsable de D... et le condamnant à des réparations civiles ;
Et attendu qu'il ne reste plus rien à juger,
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire,
Dit n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-96195
Date de la décision : 03/12/1986
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RESPONSABILITE CIVILE - Civilement responsable - Institut médico-éducatif - Infraction commise par un mineur à lui confié - Incompétence de la juridiction répressive

* MINEUR - Cour d'assises - Action civile - Civilement responsable - Institut médico-éducatif - Infraction commise par un mineur à lui confié - Incompétence de la juridiction répressive

* COUR D'ASSISES - Cour d'assises des mineurs - Action civile - Civilement responsable - Institut médico-éducatif - Infraction commise par un mineur à lui confié - Incompétence de la juridiction répressive

La responsabilité civile résultant de l'article 1384 alinéas 6 et 8 du Code civil n'existe à l'égard des personnes chargées de la surveillance des mineurs que dans la mesure où des fautes, imprudences ou négligences, nécessairement distinctes de celles reprochées aux mineurs délinquants, peuvent être prouvées contre elles conformément au droit commun. La juridiction répressive qui n'est saisie de l'action publique que du fait des infractions commises par les seuls mineurs, n'est pas compétente pour statuer sur l'action civile fondée sur les prétendues fautes, imprudences ou négligences imputées aux personnes chargées de la surveillance de ces mineurs.


Références :

Code civil 1384 al. 6, al. 8
Code de procédure pénale 2

Décision attaquée : Cour d'assises des mineurs de l'Orne, 19 novembre 1985

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1944-07-07, bulletin criminel 1944 N° 158 p. 251 (Cassation). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1960-07-13, bulletin criminel 1960 N° 376 p. 754 (Cassation). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1964-02-20, bulletin criminel 1964 N° 64 p. 145 (Rejet). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1970-06-11, bulletin criminel 1970 N° 200 p. 485 (Rejet). Cour de Cassation, chambre civile 2, 1976-11-24, bulletin 1976 II N° 320 p. 252 (Cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 déc. 1986, pourvoi n°85-96195, Bull. crim. criminel 1986 N° 366 p. 953
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 366 p. 953

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Angevin, Conseiller le plus ancien faisant fonctions
Avocat général : Avocat général : M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Diemer
Avocat(s) : Avocats : la Société civile professionnelle Lemaître-Monod, la Société civile professionnelle Boré et Xavier, M. Consolo.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.96195
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