La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/1986 | FRANCE | N°84-16566

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 26 novembre 1986, 84-16566


.

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 26 juillet 1984) que, par acte authentique du 24 janvier 1974, la Ville d'Annemasse (la ville) a vendu à la société civile immobilière " Les Nouvelles Résidences du Clos Fleury " (la S.C.I.) un terrain moyennant un prix converti en obligation pour l'acquéreur de livrer à la ville divers droits immobiliers de l'ensemble que la S.C.I. avait décidé de construire sur ce terrain ; que ces droits correspondaient à des locaux succinctement décrits qui devaient être livrés au plus tard le 24 juillet 1976,

le règlement de copropriété et l'état descriptif de division n'étant pas é...

.

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 26 juillet 1984) que, par acte authentique du 24 janvier 1974, la Ville d'Annemasse (la ville) a vendu à la société civile immobilière " Les Nouvelles Résidences du Clos Fleury " (la S.C.I.) un terrain moyennant un prix converti en obligation pour l'acquéreur de livrer à la ville divers droits immobiliers de l'ensemble que la S.C.I. avait décidé de construire sur ce terrain ; que ces droits correspondaient à des locaux succinctement décrits qui devaient être livrés au plus tard le 24 juillet 1976, le règlement de copropriété et l'état descriptif de division n'étant pas établis ; que la ville a dispensé expressément le notaire de requérir l'inscription du privilège du vendeur, se réservant de prendre cette inscription ultérieurement ; que, par acte authentique du 13 juin 1975, la S.C.I., afin de financer son projet de construction a emprunté à la banque de La Hénin (la banque) diverses sommes ; qu'en contrepartie, la S.C.I. a consenti à la banque une hypothèque de premier rang sur l'ensemble de ses biens immobiliers, y compris sur les lots devant être livrés à la venderesse ; qu'en 1980, la S.C.I. a été mise en règlement judiciaire converti en 1982 en liquidation des biens ; que la ville a alors assigné la S.C.I. et son syndic ainsi que la banque en réitération par acte authentique de la " dation en paiement " des droits immobiliers que la S.C.I. s'était engagée à lui livrer dans l'acte du 21 janvier 1974, demandant en conséquence la mainlevée des hypothèques consenties à la banque sur les lots dont la propriété lui avait été transférée ;

Attendu que la ville reproche à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en main levée de l'hypothèque inscrite par la banque sur les biens devant lui être livrés alors, selon le moyen, " d'une part, que la restriction au droit de disposer sur un immeuble est opposable aux tiers dès lors qu'il a été publié antérieurement à la publication de droits concurrents sur cet immeuble ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que l'acte du 24 janvier 1974 a été publié antérieurement à celui du 13 juin 1975 par lequel la S.C.I. a consenti à la banque une hypothèque de premier rang sur les lots qui devaient être livrés à la ville d'Annemasse ; que la publication des droits de la ville sur ces lots interdisait à la banque d'inscrire une hypothèque sur ces lots qui étaient, par avance, rendus indisponibles pour la S.C.I. ; qu'en décidant néanmoins que la S.C.I. avait valablement inscrit une hypothèque sur ces lots, la cour d'appel a violé les articles 28-2° du décret du 4 janvier 1955 et 2118 du Code civil, et alors, d'autre part, qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la banque connaissait l'obligation de la S.C.I. de livrer à la ville d'Annemasse des locaux à construire, obligation qui était rappelée à l'acte de crédit d'accompagnement ; qu'il résulte également des constatations de l'arrêt que la banque a pris son inscription sur ces lots qui devaient revenir à la ville d'Annemasse ; que la prise d'hypothèque sur ces lots en connaissance des droits concurrents qu'y possédait la ville est constitutive d'une faute qui ne permet pas à la banque d'invoquer à son profit les règles de la publicité foncière ; qu'en

décidant néanmoins que l'hypothèque de la banque sur ces biens était opposable à la ville, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil " ;

Mais attendu que la ville n'a soutenu dans ses conclusions devant la cour d'appel ni que la publicité de ses droits sur les lots devant lui être livrés interdisait à la banque d'inscrire une hypothèque sur ces lots qui étaient, par avance, rendus indisponibles pour la S.C.I., ni que cette inscription d'hypothèque était constitutive d'une faute qui ne permettait pas à la banque d'invoquer à son profit les règles de la publicité foncière ;

D'où il suit que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la ville reproche à l'arrêt d'avoir refusé de constater qu'elle était propriétaire des locaux qui devaient lui être livrés par la S.C.I. en vertu de l'acte du 24 janvier 1974 et en conséquence de l'avoir déboutée de sa demande en main levée de l'hypothèque de la banque sur ces locaux alors, selon le moyen, " 1° qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les locaux qui devaient être livrés à la ville étaient déterminés quant à leur superficie et comportaient des spécifications particulières par rapport aux autres locaux qui devaient être construits par la S.C.I. ; que l'arrêt constate également que ces locaux étaient désignés par des plans qui avaient déjà été établis ; qu'en énonçant qu'il ne pouvait exister un accord des parties sur la désignation de ces locaux, qui n'étaient pas déterminés, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, 2° alors que la ville soutenait dans ses conclusions d'appel que la désignation, par l'acte du 24 janvier 1974, des locaux qui devaient lui être livrés était suffisante pour qu'il n'y ait eu aucune difficulté pour procéder, lors de l'établissement du règlement de copropriété, à l'identification des lots correspondants, sans qu'aucune partie ne se soit jamais opposée à cette désignation ; qu'en énonçant qu'il ne paraît pas exister d'accord au moment de l'acte du 24 janvier 1974 sur la désignation de ces locaux qui n'étaient pas déterminés, sans répondre aux conclusions pertinentes de la ville, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, 3° alors que l'acte du 24 janvier 1974 et les plans qui avaient été établis désignaient sans équivoque la superficie, la nature et l'emplacement des locaux qui devaient être livrés à la ville ; que l'attribution de millièmes de copropriété afférents à ces locaux était indifférente pour les individualiser ; qu'en effet, d'une part, l'importance relative de ces locaux par rapport à l'ensemble de la construction ne modifie en rien leur individualisation ; que, d'autre part, la quote-part des parties communes afférente aux parties privatives est déterminée par les dispositions de l'article 5 de la loi du 10 juillet 1965 ; qu'en ajoutant une condition pour la détermination de la chose, objet de la convention du 24 janvier 1974, la cour d'appel a violé l'article 1129 du Code civil, 4° qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que l'acte de vente du 24 janvier 1974 stipulait que la S.C.I., acquéreur du terrain devait construire sur ce terrain divers locaux, désignés à l'acte, pour le

compte du vendeur, la ville d'Annemasse ; d'où il suit que la ville est devenue propriétaire de ces locaux au fur et à mesure de leur édification, la S.C.I. n'ayant jamais été propriétaire de ces locaux qui sont entrés dès l'origine dans le patrimoine de la ville d'Annemasse ; qu'en énonçant que la S.C.I. était propriétaire de ces locaux et que l'acte du 24 janvier 1974 n'avait pu en donner la propriété à la ville d'Annemasse, la cour d'appel a violé la loi des parties et, partant, l'article 1134 du Code civil, 5° alors qu'il résulte des stipulations de l'acte du 24 janvier 1974 que les locaux litigieux devaient être livrés à la ville dès leur édification et au plus tard le 24 juillet 1976 ; que cet acte ne subordonnait pas l'acquisition de la propriété de ces locaux par la ville à l'établissement ultérieur d'un acte authentique ; qu'en énonçant que le transfert de propriété de ces locaux au profit de la ville était subordonné à l'établissement d'un acte authentique qui n'a jamais eu lieu, la cour d'appel a dénaturé par adjonction les termes clairs et précis de l'acte du 24 janvier 1974 et violé l'article 1134 du Code civil " ;

Mais attendu que répondant aux conclusions, l'arrêt retient que les lots constitutifs du prix de vente ne pouvaient être désignés que de manière succincte puisqu'ils ne correspondaient à l'époque à aucune construction existante, et que même si des plans avaient déjà été établis, ces lots n'étaient pas susceptibles d'être individualisés quant aux millièmes de copropriété auxquels ils correspondaient, le règlement de copropriété comportant état descriptif de division n'ayant été établi que plus de dix-huit mois après la convention du 24 janvier 1974 ; que l'arrêt ajoute que cette convention restait particulièrement vague en ce qui concernait l'indication des lots à livrer à la ville, spécialement pour les caves dont l'emplacement n'était pas indiqué de façon précise ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel qui, hors la dénaturation invoquée, a souverainement retenu qu'il n'y avait, à la date de la vente du terrain, aucun accord des parties sur la chose promise, inexistante et non déterminée, a exactement déduit que l'acte du 24 janvier 1974 n'avait pu entraîner transfert de propriété au profit de la ville ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la ville fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de mainlevée de l'hypothèque de la banque, inscrite sur les biens qui devaient lui être livrés alors, selon le moyen, " que l'arrêt attaqué constate que la banque avait pris l'engagement dans l'acte de crédit d'accompagnement de donner mainlevée de l'hypothèque prise par elle en tant qu'elle grèverait les lots dont les propriétaires auraient réglé la totalité du prix de vente ; que selon l'arrêt attaqué, le transfert de propriété de ces locaux devait s'opérer au jour où ils seraient en mesure d'être livrés ; qu'en conséquence, il appartenait à la cour d'appel de rechercher si au jour où elle statuait sur la demande de la ville, en mainlevée de l'hypothèque de la banque, les locaux étaient en mesure d'être livrés ou avaient été livrés ; que la cour d'appel s'est bornée à relever que ces locaux n'étaient pas en état d'être livrés au jour de l'acte du 24 janvier 1974, ce qui est inopérant au regard de l'engagement

précité de la banque ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil " ;

Mais attendu que la cour d'appel a légalement justifié sa décision en retenant souverainement que depuis la convention du 24 janvier 1974, aucun acte susceptible d'opérer le transfert de propriété des lots devant être attribués à la ville n'avait été passé ;

Que le moyen doit être écarté ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 84-16566
Date de la décision : 26/11/1986
Type d'affaire : Civile

Analyses

VENTE - Terrain - Vente moyennant l'obligation de construire et délivrer des locaux - Locaux non déterminés - Portée.

La cour d'appel qui après avoir relevé que lors de la vente d'un terrain moyennant un prix converti en obligation pour l'acquéreur de livrer au vendeur des locaux à construire sur le terrain vendu, ces locaux ne pouvaient être désignés que de manière succincte puisqu'ils ne correspondaient à l'époque à aucune construction existante, et que même si des plans avaient déjà été établis, ces lots n'étaient pas susceptibles d'être individualisés quant aux millièmes de copropriété auxquels ils correspondaient, le règlement de copropriété comportant état descriptif de division n'ayant été établi que plusieurs mois après la vente du terrain, et retenu souverainement qu'il n'y avait à la date de cette vente, aucun accord des parties sur la chose promise, inexistante et non déterminée, en déduit exactement que la convention conclue n'a pu entraîner transfert de propriété des locaux au profit du vendeur du terrain. .


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 26 juillet 1984

MEMES ESPECES : Cour de Cassation, chambre civile 3, 1986-11-26, N° 84-16.567 Consorts VINIT contre M. DESCLOUX et autre. Cour de Cassation, chambre civile 3, 1986-11-26, N° 84-16.568 Mme JOININ contre S.A. Banque LA HENIN. Cour de Cassation, chambre civile 3, 1986-11-26, N° 84-16.569 Consorts ALLAIN contre M. DESCLOUX et autre.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 26 nov. 1986, pourvoi n°84-16566, Bull. civ. 1986 III N° 168 p. 130
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 III N° 168 p. 130

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Monégier du Sorbier
Avocat général : Avocat général :M. de Saint-Blancard
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Cachelot
Avocat(s) : Avocats :la Société civile professionnelle Boré et Xavier et M. Célice .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.16566
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award